« Le rire est un exutoire et je ne comprends pas qu'on dise qu'il ne faut pas rire de ce qui fait mal. Ça fait moins mal quand on en a ri. »

                    Pierre Desproges, novembre 1982

Dès qu'il sortit du bus, en arrivant sur place,

La douleur l'envahit, pénétrante et fugace,

Au niveau des genoux pour être plus précis,

Comme quelqu'un resté trop longuement assis !

Il pesta vertement, en langue maternelle,

Puis, retrouvant bientôt l’aise fonctionnelle,

Il se dit que venir de si loin, tout fripé,

Pour montrer au petit « la guerre de pépé »,

Méritait bien enfin de prendre un peu de peine,

Quand bien même il souffrait d'un début de migraine.

Ainsi donc, au sifflet, notre homme et sa moitié,

Flanqués d’un gros gamin, fils de son héritier,

Prirent docilement le pas d’un jeune guide,

Plutôt ferme de ton et d’un aspect rigide,

Qui se mit en chemin en marchant au milieu.

L’ancêtre, par degrés, reconnut bien le lieu,

Et un trouble profond l’emplit, incontrôlable,

Au souvenir des jours de sa jeunesse aimable.

C’est qu’il avait vingt ans en ce temps et son cœur,

Gonflé d’un pur amour, comme un enfant de chœur,

Etait fort affligé par la sotte entreprise

Qui le menait ici, bien loin de sa promise,

(La même qui le traite aujourd’hui de soiffard

Et calotte à foison le turbulent moutard !)

C’est à cela qu’il pense en longeant la ruine :

La mémoire parfois sait se montrer mutine !

Puis l’on fit une pause et le conférencier,

A l’ombre de l’église, en fut bien remercié.

Il présenta les faits, l'abjecte violence :

Un murmure d’horreur parcourut l’assistance !

L’on voulut tout savoir dans les moindres replis,

Le guide dit l’Histoire et l’autre les oublis !

Il mit son grain de sel, précisant chaque chose,

Complétant le récit, ajoutant de la prose,

Si bien que les badauds, par ce couple conquis,

En réclamaient encor, demandaient des croquis !

Le petit-fils, heureux et fier du militaire,

Ponctuait de « bravo ! » son docte commentaire ;

Et l’accompagnateur, bien qu’un brin contredit,

Approuvait jusque-là l’aide d’un érudit.

L’ambiance fraîchit pour une mitrailleuse,

Que l’un pensait ici, sur la partie herbeuse,

Et que l’autre disait plus auprès, face au nord,

Pour couvrir le terrain sans créer d’angle mort ;

On crut bien un instant la bagarre possible,

Mais l'on sonnait midi - quelque part - et la cible

Pour chacun était bien ce gentil restaurant

A deux pas au dehors, près d’un petit torrent,

Dans le bourg attenant d’un nom à l’identique,

Où l’accueil est, dit-on, toujours très sympathique ;

Et notre homme, inspiré, pour conclure eut ce mot :

« On peut dire, ma foi, que ce site est fort beau ! »

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Il me faut - je le dois à mon lecteur perplexe -

Dissiper l'ambigu du propos de ce texte

Qui n’est pas d’amuser des bas fonds de l’horreur,

Mais de rire d’un seul doublant son déshonneur !

Cette satire, ici, pour dire l’infamie,

Prend le masque du clown et de la bonhomie,

Tant le fait évoqué, s’il devait advenir,

Ne pourrait que donner la nausée et ternir

Une trace sacrée encor présente et vive.

Mais qui peut m’assurer qu’elle n’est que fictive

Cette étrange visite aux villageois martyrs

D’un obscur pèlerin aux curieux soupirs !