Longtemps, comme fascinée par sa propre image
Longtemps, comme fascinée par sa propre image, Silhouette demeure immobile à fixer l’onde. Qu’attend-elle ici de cette confrontation avec la surface réfléchissante ? Une révélation de soi, un accroissement de sa propre image ? Ou bien cherche-t-elle à sonder son âme, puisque les yeux en sont les fenêtres ? Que croit-elle trouver dans cette contemplation dont, jamais, elle n’aurait éprouvé la sensation ? Peut-être est-elle de nature inquiète, ne cherchant qu’une manière de réassurance narcissique ? Ou bien interroge-t-elle sa propre beauté ? : « Miroir mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle ? ». Ou bien, encore cherche-t-elle à connaître sa propre identité, à se découvrir en tant que singulière ? A-t-elle brisé son vrai miroir et ne dispose-telle que de cette feuille d’eau pour se maquiller, mettre en ordre un visage que la nuit aurait fripé, simple acte cosmétique sans autre but que de présenter au monde un visage apaisé ? Est-ce une réverbération de sa conscience qui lui est donnée à l’aune de ce regard appuyé ?
Inutile de préciser que les questions fusent dans ma tête comme des feux de Bengale, comme des braises sur lesquelles soufflerait la tyrannie de la curiosité. Mais à peine ai-je formulé en moi ces étranges questions que Silhouette disparaît de ma vue, aspirée par la porte d’ombre de son chalet. A peine une minute s’est-elle passée que je vois un filet de fumée grise sortir du tuyau de la cheminée. Puis rien ne se passe que le silence et les traits gris d’oiseaux fendant la vitre du ciel. Je m’apprête à abandonner mon poste d’observation lorsque la Jeune Apparition se montre à nouveau, dans le plus simple appareil, sa peau hâlée s’imprimant sur la trame libre de l’air. Alors il me semble comprendre. Ici les habitants ont l’habitude, sitôt après leur sauna, de prendre un bain revigorant, astringent, qui les réconcilie bien vite avec la vie.
Annotations
Versions