IRIS - Marie en sandwich
Bakermat - Baiana
Pourquoi j'ai dit oui, mais pourquoi par les Saints ?
Je souffle en tournant ma paille dans mon cocktail, légèrement honteuse. Non, pas légèrement, mais affreusement gênée ! La main à moitié sur le visage, j'observe la piste de danse pour surveiller ma meilleure amie au déhanché ravageur. Elle se trémousse sans aucune retenue au son de la musique techno du club "très à la mode ma cocotte !"
Je reste sobre, je ne veux pas terminer complètement saoule et pleurer comme une madeleine en pensant à Blondie, non merci !
Pour Marie en revanche, c'est trop tard, je ne compte pas le nombre de verres vides devant moi, un véritable cimetière. Elle qui pensait me faire sortir de ma grotte pour que je m'amuse, je crois que c'est surtout elle qui avait besoin de s'éclater et je vais devoir jouer les chaperons.
Deux guignols se rapprochent d'elle pour venir la prendre en sandwich, elle sourit de toutes ses dents en plaçant ses mains autour du cou de l'un des gars. De mon côté, j'évite comme la peste les gros lourds qui viennent réclamer une danse. Déjà qu'on est à Paris et que les créatures surnaturelles sont de plus en plus présentes en ce moment, j'ai pas envie de me coltiner un mec en plus !
Assis à ma droite, notre ami Jean-Luc qui est devenu le nouveau "pote" de Marie, tape en rythme sur ses cuisses en regardant en l'air. Le pauvre n'a toujours pas retrouvé tous ses neurones. Avec son cache-oeil, on dirait un véritable pirate disco ! Marie a pris sous son aile notre Lulu, elle lui a proposé de venir avec nous et de nous servir de transport par la même occasion. Pas folle la guêpe !
— Mademoiselle Iris.
Oh qu'il m'énerve avec ces "mademoiselle Iris" là...
— Oui ? je demande en me tournant vers lui.
— Mademoiselle Iris, cette robe vous va à ravir, il répond avec un sourire niais.
— Merci Lulu, t'es pas mal non plus dans ton costume.
J'inspecte ma tenue, une robe noire fendue sur le côté. Je soupire en repensant à la dernière fois que j'ai porté ce genre de vêtements. Las Vegas...
Ah non, non, non pas de larmes ce soir. Je secoue la tête pour chasser mes mauvaises pensées et bois cul sec le reste de mon verre. Putain que c'est douloureux, ce trou béant dans ma poitrine me fait souffrir jour et nuit.
Marie se laisse tomber devant moi en posant ses joues dans ses paumes, les pommettes rouges comme une tomate et les yeux pétillants, elle affiche une mine réjouie. Elle sort sa langue pour essayer de récupérer la paille dans son verre, ce qui donne un effet vraiment hilarant.
— Ma cocotte ! hurle-t-elle en levant le doigt en l'air. Je me sens vachement bien !
— Je crois que tu vas arrêter l'alcool pour ce soir.
— NON ! Je fais ce que je veux. D'ailleurs...
Elle fouille dans son décolleté exagérément et après plusieurs tentatives elle sort un morceau de serviette qu'elle me plaque devant les yeux.
— J'ai les numéros des deux beaux mâles qui dansaient avec moi !
Jean-Luc rigole et Marie remet le papier dans son soutien-gorge. Mon Dieu, je veux retourner me coucher. Pour couronner le tout, j'ai la sensation que des créatures surnaturelles sont proches. S'il faut que je me batte ce soir avec en prime, Marie dans cet état, ça craint un max.
Elle doit décuver un peu, je me lève pour rejoindre le bar en évitant les danseurs. Je commande un verre d'eau et un coca, en attendant les boissons, je surveille notre table. Marie fait des grands signes et des clins d'œil en face d'elle, pétard c'est pas possible ! Ses hormones sont en feu ou quoi ?
Je règle et m'empare des boissons en retournant vers elle. Un mec me bouscule et me rattrape de justesse sans faire tomber mon chargement. Je déteste les boîtes de nuit, bordel ! Je le foudroie des yeux en lâchant quelques insultes bien salées au passage, le mec ne me regarde même pas.
— Connard ! je crie en me faufilant sur la banquette en cuir.
Je dépose l'eau devant le nez de Marie qui la décale loin d'elle et donne le soda à Lulu. Elle me pousse brutalement et continue de faire coucou à la foule.
— Tu dis bonjour à qui ?
— Là-bas, le grand mec, il est tout à fait mon genre. Une tablette de chocolat sur patte !
Hein ?
— Un véritable prince du désert ! s'exclame-t-elle en remettant ses seins en place.
Bon, ok ! Je vais jeter un œil au prince en question.
Nom de Dieu ! Mais c'est... Asmet ?! Le pote du ricain ! Ce type sort en boîte ?
L'armoire à glace de deux mètres est plantée parmi les danseurs, le regard perdu dans la foule. Les bras placés devant sa poitrine, il porte un costume qui couvre ses tatouages et même un petit bonnet sur son crâne. Il se fait clairement chier, pas besoin d'être devin pour voir que c'est pas sa tasse de thé ! Je me demande ce qu'il fait là ? Et surtout, il doit savoir où se trouve Blondie !
C'est une occasion en or, je dois aller le voir. Je me tourne vers mes acolytes et les pointe du doigt.
— Vous deux, vous ne bougez pas ! Je vais parler au prince !
— Tu me le piques pas cocotte ! s'indigne Marie.
Je saute de ma place et cours presque en direction du chasseur. Il me tourne le dos et je tape doucement sur son épaule. J'entends grogner et finalement, il pivote vers moi. Il me détaille de la tête aux pieds avec dédain. Ok...
— Qu'est-ce que tu fous ici ? je demande sans délicatesse.
Il lève un sourcil et lâche un son étrange à travers ses lèvres.
— Où est Leo ?
— On se connait ? questionne-t-il en approchant son visage du mien.
— Oui, Las Vegas, la Lame, tout ça, tout ça ! Où est Leo ?
Il se détourne et me laisse en plan au milieu de la piste de danse. Il se fout de ma gueule ?
— Hey ! Le génie d'Aladdin ! Je t'ai parlé !
Je le suis comme une andouille et viens me placer devant lui.
— J'ai n'ai rien à te dire, à moins que tu me donnes quelque chose en retour, déclare-t-il en croisant les bras. C'est comme ça que ça fonctionne, donnant-donnant.
J'ouvre les yeux comme des soucoupes, quoi ? C'est une blague ! Ses yeux sombres sont impénétrables, des onyx qui effraient certainement ses proies. Mais moi il ne me fait pas peur.
— Oh mais je peux te donner quelque chose, je pense que tu vas adorer mon cadeau. Si tu ne veux pas que je lâche ma meilleure amie sur toi, tu vas me dire où se trouve le ricain.
Je tourne la tête en direction de notre table, il suit mon regard et tombe sur Marie qui lui envoie un baiser avec des clins d'œil plutôt douteux.
J'affiche un sourire satisfait lorsque je constate qu'il prend au sérieux mon avertissement. Le muscle de sa joue tressaute et il serre les dents. On dirait bien que je sais où appuyer pour le faire flancher. Le petit Asmet n'est pas friand des belles blondes en chaleur.
Je m'apprête à placer une réplique cinglante, mais une silhouette attire brusquement mon attention.
Bousculant le chasseur avec mon épaule, je m'approche de la piste de danse. Le temps s'arrête brutalement, tout se passe au ralenti.
Putain de merde.
Mon cœur rate un battement : c'est lui.
Si c'est encore un de mes rêves, je vais devenir folle. Mes yeux se posent sur sa mâchoire et je suis la ligne de sa bouche qui esquisse ce sourire charmeur qui lui va si bien. Ses cheveux sont redevenus blonds comme les blés et ils brillent sous les spots du club. Je ne peux pas voir ses émeraudes qui sont cachées par des lunettes de soleil, ses prunelles vertes, par les Saints !
Les jambes soudain flageolantes, je m'appuie contre un mur et ne peux m'empêcher d'admirer ce crétin. Sexy en diable dans sa veste en cuir, il passe une main dans sa crinière décoiffée et j'ai une furieuse envie de courir dans ses bras.
Je me retiens à grande peine, surtout lorsque je vois l'essaim de groupies qui se collent contre lui en offrant une vue imprenable sur leurs seins.
Il essaye de se frayer un passage, mais les minettes s'emparent de ses bras et un frisson de colère parcourt mon dos. Pas touche les morues !
Quoi ? Mais putain Iris ! Réveille-toi, il t'a blessée et trahi ! Je me mets une claque mentale tout en me redressant, dans l'intention d'aller lui parler. Enfin, j'ai envie de frapper sa gueule d'ange, surtout.
Je lisse ma robe et jette mes cheveux derrière mes épaules en partant à sa rencontre. Deux mètres nous séparent lorsqu'il tourne son visage vers moi. J'ai l'impression de me prendre une décharge électrique dans tout le corps. Nous restons quelques instants, qui semblent durer une éternité, à nous regarder comme deux idiots.
Je suis pétrifiée, quelle belle andouille je suis... Finalement il se décide le premier à bouger... pour partir ? Sérieusement ? Je vais le buter !
Mais soudain, un bruit sourd retentit et le sol gronde sous nos pieds. Je perds l'équilibre et tombe lamentablement sur le sol. Les lumières et la musique s'éteignent, les cris fusent dans tous les sens.
Par tous les Saints, pourquoi ça n'arrive qu'à moi ? Marie bourrée, Blondie et maintenant ça. Je crois que dans une autre vie, j'ai vraiment dû faire un tas de choses horribles pour mériter tout ça.
Merde alors !
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