Prologue 2/2

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« La curiosité naturelle à l'homme lui inspire l'envie d'apprendre. » De Jean-Jacques Rousseau.

_ À moi la liberté ! Clama-t-elle en lâchant sa magie pour s’enfuir de cette situation périlleuse. … Attends, pourquoi ça n’a pas marché ? J’ai pourtant bien noué la magie pour le sortilège. Alors c’est quoi le problème !

_ C’est bon, Princesse, vous avez fini. Parfois, je me demande vraiment si c’est bien vous l’avenir de ce pays. La réponse est tellement simple, il suffit d’ouvrir les yeux.

_ Dis-le-moi, toi qui es si malin alors. Son air contrarié accentua encore plus le sourire du jeune homme.

_ On est revenu au tutoiement. Pas de soucis. C'est vrai que, quand nous ne sommes que tous les deux, c’est plus confortable de laisser le protocole de côté.

_ Tu comptes jouer avec mes nerfs encore longtemps en refusant de répondre à mes questions. Ou bien, dois-je les reformuler. C’est vrai qu’avec tous ses entraînements de chevalier, tu as peut être pris en muscles, mais hélas ça doit être au détriment de ton intellect. Tout dans la carrure rien dans le cerveau.

_ La provocation ne marche pas sur moi Roween, tu t’en souviens. Même quand nous étions enfants, ça ne fonctionnait pas. Quant à tes questions, je te les énumère dans l’ordre où tu les as énoncées ou par ordre alphabétique, c’est toi qui vois.

_ Zut, j’avais oublié à quel point tu pouvais être sérieux, quand tu t’y mettais.

_ C’est ce qui fait tout mon charme, et c’est aussi pour ça que tu m’aimes, n’oublie pas.

Il put constater avec satisfaction, de par la lumière des flammes autour d’eux ainsi que de leur proximité, les rougeurs apparaître sur ses joues. Provoquées par son sourire charmeur à n'en pas douter.

_ Bref, fini le moment d’égarement, à quelle question veux-tu que je réponde.

_ Je veux les réponses aux questions importantes, bien sûr.

_ Très bien. Alors commençons par la première, c’est assez simple, oui il y a quelqu’un et non ce n’est pas Misty. Ensuite puisque je suis devant toi, je me suis montré…

_ Calvyn ! Son regard noir en disait long, mais ne prêtant pas attention à son avertissement, il continua comme si de rien était.

_ … Je n’ai jamais eu l’intention de te sous-estimer mais tu as baissé ta garde. Je n’ai pas pu résister à l’envie de te faire une petite frayeur. Pour ce qui est de ma présence ici, j’ai déjà répondu. Tu veux que je te réexplique. Non bien sûr.

 Tout en énonçant son monologue, il faisait des va-et-vient de quelques pas.

_ Évidemment que tu es petite étant donné que tu fais une tête de moins que moi. Pour ce qui est de ne pas m’être montré la première fois, voir les grimaces quand tu te concentres. C’est comment dire, réfléchissant au meilleur moyen de le formuler, il se passe l’index sur le menton, c’est juste trop drôle. Ensuite, si ce sont mes affaires, puisque je suis chargé de ta sécurité. N’importe où tu iras, j’irais. Et pour finir en ce qui concerne ton sortilège de téléportation, j’ai avec moi une pierre Oxient. Avec ça, impossible d'en faire un sortilège d’échange de place dans les cinq mètres autour d’elle.

_ Tricheur !

_ Chacun son tour de passe-passe Princesse. Toi c’est l’art d’entourlouper tout le monde, moi, c’est ma collection de pierres. Bon maintenant, c’est à toi de répondre à mes questions. Qu’est-ce que tu fous là, et surtout devant la section interdite. Et qu’est-ce que tu comptes faire avec ce sort du Leurre.

 Recommençant à se déplacer dans la salle, elle arriva devant l'une des nombreuses fenêtres. Dos à l’embrasure, la lumière de l’astre lunaire l'entourait, lui donnant un halo argenté. Face à Calvyn, qui ne la quittait pas d’une semelle, elle l’observa. Depuis qu’il était entré dans l’ordre des chevaliers d’Audentia, sa carrure avait bien évolué.

 Son visage lui, n’avait pas changé. Même dans l’obscurité la plus totale, elle pourrait toujours le décrire fidèlement. Ses prunelles bleues de la couleur de l’océan qui borde les côtes de sa terre natale, Brume. Sa peau légèrement bronzée du fait de passer son temps sur le terrain d’entraînement. Sa bouche bien dessinée qui ne manque pas une occasion pour sourire, et ses cheveux d’un blond à rendre jaloux le blé quand il est mûr.

 Bien qu’ils n’aient que quatre ans d’écart, à côté de lui, elle passait pour une adolescente. De petite taille, avec une silhouette rondelette, une peau rosée et délicate. Son minois parsemé de taches de rousseur hérité de sa mère ainsi que de ses yeux verts malicieux et vifs. Pour ses cheveux, c’était bien de son père qu’elle les tenait, d’un noir de jais caractéristique à leur famille, ils étaient regroupés en un chignon fait à la va-vite.

 Redoutant depuis le début de leur échange ses questions, elle tente, bien qu’elle savait que cette tentative allait échouer, un petit mensonge tout innocent.

_ Si je te dis que j’avais du mal à dormir. Et que, du coup, je suis venue chercher un livre pour m’y aider, tu me croirais. Et le sourire le plus innocent du monde apparut sur son visage.

 Le sourcil levé et le soupir de Calvyn lui donnent une réponse claire et sans appel. Pas du tout, il ne la croyait pas du tout.

_ Devant le mur de la section interdite ? Tu cherchais un livre devant le mur protecteur de la section interdite ? Pitié, Roween, épargne-moi tes excuses bidon.

_ Bon d’accord, je te dis tout. Mais promets-moi que tu ne vas pas t’énerver et me faire la leçon sur ce qui est bien ou mal. Marché conclu. La main tendue, elle attendit qu'il la serre en signe de consentement.

_ Je veux la vérité est après on verra. La main de Roween revient se placer le long de son corps.

_ Autant ne pas y aller par quatre chemins alors. Après une grande inspiration, elle lâcha son récit. Alors voilà, il y a deux semaines, j’ai surpris une conversation entre mes parents dans le bureau de père. Oui je sais ce n’est pas bien d’écouter aux portes. Ils parlaient d'un manuscrit secret qui serait rangé dans la partie interdite. Ils ont aussi évoqué une initiation et ça me concernait. Je n’ai rien compris au début, mais mère a dit que j’avais atteint l’âge de savoir la vérité. Bien sûr, tu connais mon père, il a catégoriquement refusé. Sous prétexte que je ne suis pas prête. Que j’avais encore du temps devant moi. Qu'il regrettait de les avoir lus quand il n'était encore qu'un prince et aurait préféré les connaître plus tard. Du coup, mon initiation a été reportée jusqu’à nouvel ordre. Ou jusqu’à ce que mère ait réussi à le convaincre de changer d’avis. Pendant les deux semaines qui ont suivi, j’ai cherché des infos sur l’initiation ou sur ce que contenaient les manuscrits, mais devine quoi. Rien, je n’ai strictement rien trouvé. Pas même une évocation dans le registre magique de la bibliothèque. Donc…

_ Donc tu t’es dit. Tiens pourquoi je n’irais pas vérifier par moi-même. Et pour bien faire les choses, faisons-le au plein milieu de la nuit. Rien de plus facile, je n’ai qu’à forcer le passage avec un sort du Leurre.

_ Exact, tu me connais trop bien. Tu arrives même à finir mes phases. Alors marché conclu. Pas de sermon et tu ne dis rien à personne, surtout pas à mon père.

 Ne relevant pas son intervention, Calvyn tentait tant bien que mal de contenir sa colère sur le manque total de discernement de Roween.

_ Bon sang Roo, es-tu au moins consciente que ton plan allait échouer. Tu ne t’es pas dit que ton père avait peut-être raison. Que tu n’es pas forcément prête à connaître toute la vérité. Et si le roi dit que ce n’est pas encore le bon moment pour toi de les lire, tu dois lui faire confiance. Crois-moi, je sais de quoi il en retourne.

_ Attends ! Tu connais le contenu des manuscrits que mes parents ont évoqué ? A priori oui, puisque tu estimes, toi aussi, que je ne devrais pas les lire. Mais ce n’est pas à vous de décider à ma place de ce que je dois lire ou non ! Et puis comment ça se fait que tu les aies déjà lus, s’ils sont si secrets que ça ces manuscrits. La colère et le léger sentiment de trahison la firent reculer pour mettre de la distance entre eux.

_ Étant ton fiancé et par conséquent le futur roi, ton père a estimé que je devais en prendre connaissance. Il y a quelques mois, j’ai reçu le décret royal m’autorisant à les consulter. Il essaya de se rapprocher d’elle, mais sa tentative échoua suscitant le recul de Roween.

_ Pourquoi père a accepté pour toi et refuse pour moi, c’est injuste. C’est moi l’héritière du trône, pas toi. Elle le vit, sa dernière remarque blessa son amant. Si je veux un jour régner sur Ebélios, je dois connaître tous les non-dits et les secrets. En particulier celui-là, j’ai l’impression. Maintenant si tu veux bien m’excuser, je vais y retourner et te prouver que mon plan ne va pas tomber à l’eau comme tu le crois.

 Passant devant lui sans s’arrêter, elle retourna devant le mur magique. Condensant toute sa puissance dans ses mains, elle se concentra une nouvelle fois.

_ Tu es déterminée à les lire n'est-ce-pas ? Quoi que je dise, tu vas quand même tout tenter pour y arriver. Je te reconnais bien là, tu n’as jamais aimé qu’on te prenne pour une personne fragile, et qu’on te surprotège.

_ Tu as tout compris une nouvelle fois. Son ton était cassant et cinglant.

 Le jeune homme soupira, il aurait dû le savoir depuis le temps. Quand Roween avait une idée en tête, impossible de la déloger. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils se sont fait punir un nombre incalculable de fois quand ils étaient enfants. Mais au moins ils ne s’ennuyaient jamais. S’il ne pouvait pas la faire changer d’avis, il pouvait au moins être à ses côtés pendant sa lecture.

_ Très bien, soupira-t-il, je capitule, tu as gagné. Je vais chercher le décret, attends-moi là. Mais il est hors de question que tu les lises seule. Je t’accompagne, et je resterai avec toi, tout le temps qu’il faudra pour en venir à bout. C’est non négociable.

 Calvyn prit ses affaires, laissées sur une des tables situées dans l’entrée, et sortit de la bibliothèque en silence. Roween, quant à elle, n’osa pas bouger d’un cheveu et attendit bien sagement qu’il revienne. Heureuse qu’il ait enfin compris, que quoique les autres en pensent elle pourrait encaisser n’importe quelle vérité sur le monde qui l’entourait. Quelques minutes plus tard, qui lui parurent des heures, Calvyn revint avec un rouleau, couleur noire d’encre avec un cordon rouge autour, et un panier dans l’autre main.

_ Tu as trouvé où ce panier Calvyn ?

_ Figure-toi que j’ai croisé ta mère en revenant ici. Et je ne sais comment, mais elle sait ce qu’on s’apprête à faire. Elle s’en doutait depuis le jour où elle m’a remis le parchemin. Elle m'a confié qu’il avait été enchanté pour deux personnes. Nous pouvions donc accéder aux manuscrits ensemble sans problème. Elle m’a ensuite donné le panier pour que nous ayons de la nourriture pendant notre lecture, histoire de ne pas mourir de faim.

_ Tu crois qu’elle va en parler à père ? Son angoisse pouvait être lue sur son visage.

_ Non, elle ne le fera pas. J’en suis sûr, sinon elle ne nous aiderait pas.

 Il vint se placer à côté d’elle et tendit la main contenant la clé pour ouvrir le passage. Au début, aucun indice ne montrait que la voie était libre. Mais au bout de quelques instants le mur se mit à onduler pour ensuite devenir un brouillard qui se dissipa dans la pièce et ainsi laissa libre accès aux deux jeunes gens. Lui intimant de ne pas s’éloigner et de rester bien à côté de lui, il la guida jusqu’au fond de la section.

 Arrivés devant des étagères, Calvyn se pencha face à un livre à la couverture d’un bleu roi tout usé. Il le prit et l’ouvrit à la page souhaitée et y trouva un mot « Wulfhal ». Juste un mot, qui aux oreilles des autres ne signifiait rien, et n’avait aucun sens même. Mais pour les personnes informées, le mot permettait d’ouvrir une porte sur une part de mystères bien gardés.

 Refermant le livre, il le replace à son lieu d’origine. Pendant tout le long, Roween avait à peine respiré de peur de briser le moment. Ne sachant pas quoi faire, elle attendit ses instructions. Il ouvrit ensuite le parchemin et y lut le mot « Hucyn » et y ajouta celui du livre. Ce qui donne « Hucyn Wulfhal ». Elle pouvait ressentir, dans toutes les fibres de son corps, le pouvoir que les mots prononcés avaient eu dans la pièce. Au son des mots, un pan du mur glissa, laissant place à un escalier étroit descendant dans le sous-sol du palais.

 Toujours éclairés par le feu de Roween, ils empruntèrent les escaliers et, bientôt, atteignirent la dernière marche. Pendant la descente, Calvyn lui expliqua que le mot de passe changeait à chaque fois. Ce qui permettait d’avoir une sécurité supplémentaire. Continuant leur chemin, ils passèrent l’entrée. Arrivant dans une petite pièce, elle aussi garnie d’étagères remplies de livres vieux et usés. Au fond de la pièce, on pouvait voir une cheminée, qui à l’approche des deux jeunes gens, s’alluma et commença à propager une douce chaleur. Devant cette cheminée se trouvaient trois fauteuils rouges, qui n’attendaient plus qu’à être utilisés.

 Sur chacun des murs de la pièce, on pouvait y apercevoir des statues représentant les divinités présentes dans le panthéon. Sous chaque dieux et déesses différentes inscriptions étaient inscrites. Ainsi, on pouvait y déchiffrer, par exemple, pour celui de la Déesse de la justice, de l’ordre, et de la vérité, qui jurait de protéger les écrits. De la Déesse de la sagesse et du savoir, jurant de toujours transmettre ce qu’elle a appris. Aux personnes à qui on a permis de tout connaître. Du Dieu de la magie, affirmant que quiconque voudra forcer sa protection magique en subira les conséquences. Du Dieu des malédictions attestant de maudire, sur les trois prochaines générations, la personne qui aura l’audace de détruire quoique ce soit en ses lieux. De la Déesse du rêve et de l’espoir, promettant que tout problème a une solution, et que la nuit porte conseil. Du Dieu des voyageurs, assurant que pendant tout le long de la route, il guidera quiconque sur la bonne voie, pour que jamais il ne se perde. Et ce, pour chacun des dix-huit Dieux et Déesses.

 Calvyn proposa à la jeune femme de s’installer sur l’un des fauteuils le temps qu’il aille chercher les manuscrits. Il revint quelques instants plus tard avec, dans les mains, un coffre en bois blanc. De par la couleur du bois, on pouvait aisément deviner qu’il était issu d’un saule pleureur de la terre de Brume. Sur le dessus, il y avait des ornements en argent en forme de feuilles, bizarrement le coffret n'avait aucune serrure ni poignée. Mais cela n’était pas nécessaire.

 Calvyn prit place à côté de Roween et lui tendit le coffre. Aussitôt qu’elle posa ses mains dessus, le couvercle s’ouvrit, et deux silhouettes en sortirent. Elles avaient l’apparence de deux vieillards. L’un portait une tunique d’érudit, bien qu’elle soit simple, on pouvait deviner qu’elle était de bonne facture. Le second était vêtu d’un costume chic, légèrement extravagant, qui souligne sa position haute dans l’aristocratie. Une foi bien matérialisés devant la jeune génération, les deux esprits scrutèrent les visages devant eux, et un sourire se dessina sur leurs lèvres.

_ C’est un plaisir de te revoir Calvyn, ainsi que toi Roween. À ce que je vois, vous êtes là pour une seconde lecture. L’érudit qui s’était exprimé fixait la princesse droit dans les yeux.

_ Vous savez qui je suis ? Mais pourtant, je ne suis jamais venue ici.

_ Oui bien sûr que nous le savons. Tu es Roween Kornsi, fille du roi Joran et de la reine Léna, princesse d’Ebélios. Nous savons beaucoup de choses, très chère. Le fantôme aristocratique avait une voix chaleureuse, et le regard doux qu’un grand-père a pour sa petite fille.

_ Alors vous devez savoir que pour moi ce n’est pas ma seconde lecture, mais ma première.

_ Ce n’est pas tout à fait exact. Quand nous t’avons rencontrée pour la première fois, tu étais encore dans le ventre de ta mère. De ce fait, tu as pu, toi aussi, assister à la lecture des manuscrits. Bien que tu n’en aies aucun souvenir, cela compte quand même. Le sage toujours les yeux fixés sur Roween énonça le fait comme si cela était d’une évidence simple.

 D’une façon étrange, les deux aïeux s’exprimaient chacun leur tour. Comme si, d’un commun accord, ils ne souhaitaient pas parler deux fois à la suite.

_ Bien mon amie, et si nous commencions cette lecture. Puisque c’est pour ça qu’ils sont venus. Le second vieil homme s’approcha de la boîte et en sortit le manuscrit.

_ Oui, mais avant que nous commencions à leur raconter, il faut avant tout leur faire signer l’assignation de responsabilité.

_ Tu as raison, comme toujours. Il ne sert à rien d’attendre plus longtemps. Êtes-vous prêt mon cher public ? oui ? Très bien. Alors que l’aventure commence, que votre cœur s’ouvre et que votre âme écoute, car la curiosité naturelle à l'homme lui inspire l’envie d’apprendre.

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