Isaac reposa son stylo, pour la première fois depuis des heures. Il prit alors sa tête entre ses mains, puis se mit à gratter ses cheveux de manière presque frénétique.

— Comment vais-je réussir à écrire cela, maintenant ? Je… n’y arrive pas.

Bien que la nuit fut tombée depuis des heures, la température dans son bureau restait insupportable et l’air chaud et humide le faisait suffoquer.

Il se releva, sortit du placard une bouteille et en regarda l’étiquette, avant de la ranger. Puis il en sortit une autre qu’il déboucha. Après en avoir doucement reniflé le contenu d’une longue inspiration, yeux fermés, il en versa une petite rasade dans un verre.

— Le cognac offert par Amin. Il me connaît trop bien, ce bougre. En même temps, il y a de quoi.

Il fit une grimace après la première gorgée. Il n’avait plus vraiment l’habitude.

— Sélim… J’aurais dû me méfier de sa proposition. En même temps, aurais-je pu deviner où tout cela allait me mener ? Et puis, aurait-il pu lui-même savoir ?

Isaac s’installa à nouveau dans son fauteuil en cuir rouge et vida le contenu de son verre d’une traite. Après une nouvelle grimace, il essuya, ou plutôt étala du bout de ses doigts la sueur qui perlait sur son front bruni par le soleil.

— Sélim, Sélim… Pourquoi n’as-tu pas su dire stop ? Qui de nous deux était le plus fou, le plus inconscient ? Il y a de quoi se poser la question, non ?

Reprenant son stylo, Isaac se pencha à nouveau sur son carnet et se remit à écrire. Les premiers mots, chacun suivi d’une longue pause, furent difficiles à poser sur la feuille, puis le rythme finit par revenir et la croisière des souvenirs reprit.