Orange
Orange.
La couleur, pas le fruit.
Pas le fruit… pourtant il faut bien le dire, on a aucun mal à imaginer son odeur dans cette pièce qui fait songer aux dimanches.
Non, orange, c’est pour la couleur des pâtes, ces spaghettis constellés de rougeurs plus ou moins foncées.
Orange, c’est aussi la peau et ses reflets, le bois de la table, les contours flous du comptoir contre le mur du fond.
L’orange s’étire, l’orange s’étend, en un nuancier qui va du brun au blanc. L’orange s’efface pourtant, face à deux yeux que se disputent le bleu et le gris.
Suspendues dans l’espace, témoins du temps qui s’est arrêté, une cuillère, une fourchette, plus bleues que le bleu du tissu duquel jaillit ce corps inerte.
Une poupée, plus vraie que nature, qu’on a déshabillée, et qu’on ose à peine remarquer de peur qu’elle ne s’anime soudain.
Quand on la touche pour la déplacer, sa peau est chaude. Si l’on poursuit son contour, si, dans un geste interdit, on la caresse, alors les deux peaux réagissent, tout devient moite. On ne saurait pas dire quels cils invisibles se sont enlacés, mais bientôt on ne pourra plus bouger ses doigts, ni sa main, ni son bras. On deviendra comme elle : une cage, où la vie, sauvage, tourne en rond.
Il ne nous restera alors plus qu’à la fixer, sans relâche. Son nez constellé de taches sombres, les filaments colorés pendus à ses lèvres entrouvertes, l’arrête de son visage, ses cheveux, enfin, qui ressemblent au rideau grand ouvert d’une scène vidée de ses acteurs, où tout est figé.
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