Holà la vida
Comment je suis née ? J'essaye encore de comprendre. Une chose est sûre, c'est que je ne m'y attendais pas du tout.
On est d'accord, c'est pas très confortable la position fœtale dans un liquide douteux. Mais au moins là-bas j'avais tout sans avoir besoin de demander. Manger, dodo, la totale quoi. En plus avec les bruits pas très rassurants qui me parvenaient de l'extérieur... non merci.
Quelle ne fut donc pas ma surprise, quand en cette matinée du sept avril, l'on perturba ma douce quiétude. J'étais pépère en train de me demander quelle était la différence entre ma main gauche et ma main droite, lorsque que cette ouverture apparut pile au niveau de mes yeux. Je fus ensuite extraite de mon cocon chaud, sans que l'on prenne la peine de demander mon avis.
Mesdames et messieurs, applaudissez la césarienne programmée.
Je le répète, je ne m'y attendais pas du tout.
Alors évidemment que j'ai protesté. Tandis que je criais pour qu'on me redépose sur-le-champ, j'eus la nette impression qu'on se foutait de ma gueule. Ce n'est pas très gentil de se moquer de quelqu'un qui pleure. Je n'oublierai pas ces hommes vêtus de blanc qui m'adressaient de grands sourires, heureux de me voir si importunée.
J'ai ensuite passé d'horribles minutes à me faire tourner, retourner, palper, malaxer et pleins d'autres mots en "er". Imaginez ma colère. J'ai bien essayé de l'exprimer avec force cris mais ils ne cessaient de répéter "mignonne".
Et puis il y avait cette femme, vous savez, la sage-femme. Eh bien moi je peux vous assurer qu'elle n'a rien de sage cette femme. J'ai eu la malchance d'être confiée à ses bons soins en attendant que l'on referme l'ouverture responsable de mes malheurs. Un long moment durant lequel cette femme n'a pas arrêté de me torturer. En plus elle était ravie la femme sage.
"Regardez c'est la petite prématurée", "Oh comme elle est mignonne", "Venez on la torture ensemble".
Je vous laisse donc imaginer mon désespoir lorsqu'elle a été autorisée à me choisir un nom.
On n'arrête les frais d'accord !? Déjà qu'on ne m'a pas demandé si je voulais bien naître ou pas, vous n'allez pas en plus vous attribuer le droit de me donner un nom, si ? Vous voulez bien m'écouter quand je vous parle ? Pourquoi est ce que tout le monde m'ignore ? Je suis quand-même celle à plaindre dans toute cette histoire de naissance !
Comme vous l'avez sûrement compris, j'avais beau crier, personne ne me calculait. À part bien sûr pour s'extasier sur ma mignonnerie.
Impuissante, j'étais. Impuissante quand on m'a fourré un téton dans la bouche. Impuissante, alors qu'on me passait de mains en mains. Impuissante quand la sage-femme m'a appelé Fleur.
Crier est épuisant. Surtout quand personne ne vous écoute. Résignée et surtout impuissante, je me suis tue.
Quand je serai grande, je ferai voter une loi pour qu'on demande aux fœtus leur avis. Et pour qu'on écoute les bébés aussi.
Pour l'instant je n'ai qu'une seule chose à dire. Holà la vida !
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