Imagina…
Je suis dans cette maison, une maison que je ne reconnais pas, mais que je connais pourtant. Les murs respirent. Ils ne bougent pas, mais leur texture vivante se devine, comme une peau qui frissonne sous mon regard. Une lumière vacillante éclaire faiblement le couloir devant moi, et je comprends qu’elle ne provient pas du plafond mais d’un plafonnier. Il bouge. Il me suit.
Je fais un pas. Le bois du sol grince si fort qu’il me semble réveiller quelque chose d’endormi depuis trop longtemps. Le plafonnier s’étire, serpentant doucement au-dessus de moi. Sa lumière, parfois aveuglante, parfois mourante, vacille au rythme de ses murmures. Une langue inconnue, faite de sons qui glissent dans ma tête et laissent derrière eux une impression de froid.
Je veux partir. Je cherche une issue, mais je n’ose pas regarder derrière moi. À chaque pas, je sens ce plafonnier se rapprocher, comme s’il respirait au-dessus de ma nuque. Les murs du couloir s’allongent, se resserrent. Il n’y a plus que moi et cette lumière mouvante.
Une porte. Enfin. Je tends la main, mais la poignée est froide, si froide qu’elle semble vouloir me brûler. J’essaie d’ouvrir, mais la porte résiste. Mes doigts glissent sur le métal, le bois gémit sous ma tentative. Le plafonnier murmure plus fort, s’agitant violemment, comme s’il voulait m’empêcher de passer.
Et puis, la porte cède.
Un souffle glacé m’enveloppe. Je me tiens devant un vide infini, noir et silencieux, percé d’étoiles tremblotantes, si lointaines qu’elles semblent se moquer de moi. Une porte de garage, immense, suspendue dans cet espace, s’ouvre et se referme sans relâche, projetant un bruit sourd qui résonne à travers ce vide. Je ne veux pas avancer, mais mes pieds bougent seuls, glissant vers l’abîme.
Je flotte. Ou peut-être que je tombe, mais il n’y a ni haut ni bas ici. Le plafonnier est là aussi, dans ce vide, rampant toujours plus près. Ses murmures deviennent des cris, perçant mes pensées, remplaçant tout ce que je croyais être moi par un écho de peur.
Un mouvement attire mon regard. Quelque chose s’agite derrière la porte de garage. Une ombre. Elle se glisse à travers l’ouverture, mais à chaque fois que je pense la voir, elle disparaît, comme une tâche de lumière sur une rétine fatiguée.
Je veux parler, crier, demander des réponses, mais aucun son ne sort. Le plafonnier se tord violemment au-dessus de moi, sa lumière devenant une vrille de douleur qui me transperce. Je ferme les yeux pour échapper à cette lueur, mais les murmures s’intensifient.
Quand je rouvre les yeux, je ne suis plus seul. Une silhouette indistincte est là, flottant dans l’obscurité. Elle n’a pas de visage, mais je sens son regard, intense et lourd. Je veux m’enfuir, mais mes membres refusent de bouger.
La porte de garage se ferme une dernière fois dans un claquement sourd. Tout devient silencieux. Je ne sais plus où je suis. Il n’y a plus ni maison, ni plafonnier, ni espace. Seulement l’obscurité et cette silhouette.
Elle tend une main. Je n’ai pas envie de la toucher, mais mon propre bras se lève, comme si je n’avais plus le contrôle. Nos doigts se frôlent, et une douleur indescriptible me traverse. Ce n’est pas physique. C’est comme si quelque chose en moi se brisait, éclatant en mille morceaux qui s’éparpillent dans ce néant.
Je tombe à genoux, ou du moins je crois. Le sol est là, mais il n’a pas de texture, pas de température. La silhouette recule, disparaît peu à peu. Le vide m’engloutit, et je reste là, seul, à écouter l’écho des murmures qui se répercutent dans ma tête.
Je me réveille. Ou peut-être pas. Je suis de nouveau dans la maison. Les murs, les portes, le plafonnier. Tout est là, comme avant. Mais quelque chose a changé. Je le sens, profondément, comme une ombre dans ma poitrine.
Le plafonnier se balance doucement au-dessus de moi. Sa lumière vacille. Et cette fois, je comprends ses murmures.
Ils disent mon nom.
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