La chaleur de notre résidence universitaire nous accueille. Nous gravissons les escaliers qui mènent à notre couloir en essayant de ne pas faire de bruit. L'horloge au bout du couloir indique deux heures quarante-quatre. Si peu de temps s'est écoulé. Si peu de temps, et pourtant un infini nous sépare de ceux que nous étions auparavant. Le paillasson « Space Invaders », bien net cette fois, me paraît d'une ironie crue. Je ne parviens pas à en détacher mon regard. A force de le fixer, les petits vaisseaux finissent par danser, comme dotés d'une vie propre.

- Est-ce que tu veux bien venir chez moi un instant ? me propose Alexandre. J'aimerais te montrer quelque chose.

Arrachée à ma contemplation hypnotique, je hoche la tête et je le suis sans un mot. Sa chambre ressemble bien à ce que je m'étais imaginé. Une chambre de geek, tapissée de posters de jeux vidéo, mais douillette, accueillante et confortable.

- Avant de partir, Barbara m'a donné quelque chose.

Il se dirige vers le placard et en extrait des objets familiers : ma boîte de chocolats ! Ma carte ! Et une rose...

Alexandre me sourit. Le plus beau sourire que je puisse imaginer. Il s'empare d'un grand verre, le remplit d'eau et y pose délicatement la fleur.

- Elle en a choisi une mauve ! Pour exprimer l'amour, elle trouvait ça plus sympa. Les rouges la mettaient plutôt en appétit !

Depuis que nous sommes rentrés, il n'a pas desserré les lèvres. Ses mots, son rire sont dans ma tête. Je ne l'avais même pas remarqué. J'y suis déjà habituée.

Il me prend dans ses bras, pose ses lèvres sur les miennes.

Plus rien d'autre n'existe que nous.

Et la rose mauve dans son vase.