La queue des rêves
Qu’il est doux, mon froid de janvier, quand le Mistral a décidé de ne pas transpercer le monde ! La machine de mon corps fonctionne à la perfection ce matin; il est aimable d’oublier la pesanteur un instant.
Nulle pensée sombre n’alourdit mes mollets. Rien ne courbe mon dos puisque le monde aujourd’hui déroule pour moi son tapis de lumière. Il est des jours où la vie vous va comme un gant. Du sur-mesure. Même ce rectangle de soleil, tenez, sur le sommet de ma cathédrale, n’est là que pour moi, je le sais. Je lui souris. Et cette ombre violette qu’il souligne en contraste, là-bas, sur la pierre moussue, pour qui d’autre que moi ?
Un homme descend la rue à bicyclette. Un anodin. Et pourtant, je suspends mon vol. Des plis sur mon front. Mon être de chair, imperméable au doute la seconde précédente, se roule en boule vers ma boîte crânienne. Cette image, un rêve qui veut sortir au grand jour. Je l’ai ! Je le tiens… un homme à vélo… non, un barbu comme lui, … moi devant… et puis… Et puis rien. J’ai envie de rattraper le quidam par la selle, de lui tirer les vers du nez. Mais duquel de mes songes sors-tu ? L’histoire ne date que d’une nuit, rien du tout, quelques heures. Souviens-toi !
Mon rêve, que j’avais sur le bout des neurones, retourne à ses brumes.
Mes pas ont perdu en légèreté. Je marche en scrutant le pavé, l’œil absent. Là-haut, un oiseau aux couleurs d’Italie tournoie dans un cercle joli de lumière, un miracle de la nature. Mais il n’est plus pour moi.
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