Chapitre 32

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Reece a l’air d’être sur le point d’exploser. Il nous a demandé _ obligé serait même le terme _ de monter dans la voiture de Riley et a simplement entré une adresse sur le GPS. On roule depuis une dizaine de minutes seulement quand l’appareil nous dit que l’on est arrivé. Cet endroit me semble familier pourtant, je ne pense pas avoir déjà mis les pieds ici … à moins que je ne l’aie simplement oublié. Si c’est le cas, la raison de cet oubli ne sera pas un mystère bien entendu.

Riley se gare et alors que Reece sort comme une furie et se dirige vers la porte d’entrée d’un des bâtiments qui nous fait face, je sens sa main attraper la mienne. Je tourne ma tête vers lui et vois sa nervosité. Je pense que lui aussi a peur de ce que l’on va découvrir. Un coup d’œil vers Nora me suffit à savoir qu’elle aussi sent que quelque chose va arriver.

Nous prenons le même chemin que mon meilleur ami et passons la porte qu’il vient de passer. Je jette rapidement un œil aux plaques et sonnettes et si Riley ne me tenait pas par la main, je me serais figé d’effroi face à ce que je pense avoir vu. C’est … En fait, je voudrais dire que c’est impossible, mais plus rien ne me paraît impossible désormais. Je dirais plutôt que c’est improbable mais que si Reece nous a emmené jusqu’ici, c’est pour une bonne raison. Et si cette personne est une des Petites Mains dont parlent les livres sur la Léthé … alors je vais avoir tellement de choses à faire lorsque nous sortirons d’ici à commencer par ramasser mon meilleur ami à la petite cuillère. Lui … mais aussi Nora.

Nous arrivons dans une salle d’accueil. Sans perdre une seconde de plus, Reece va vers la secrétaire qui ne semble pas se soucier de notre arrivée.

— Il est en consultation ? lui demande-t-il simplement, d’un ton affreusement neutre.

— Non, il déjeune dans son bureau, répond-elle en ne lui jetant même pas un regard. Je peux vous aider ?

— Ce sera pas nécessaire.

Il se détourne du comptoir et entre dans une des pièces sans prendre la peine de frapper. Assis à son bureau se trouve une personne que moi-même je connais.

— Il faut qu’on parle ! lâche Reece en se postant devant lui.

— Reece ? Mais qu’est-ce que tu fais là ?

— Qui c’est ? me demande Riley.

— Son père …

Ses yeux s’écarquillent et sa tête se tourne d’office vers Nora qui est figée devant la scène qui se présente à nous. Elle est là, devant son frère et son père, et ne semble pas savoir comment réagir. Et en vérité, je la comprends. Est-ce qu’il connaît son existence ? S’il participe vraiment à la fabrication de l’Alètheia, est-ce qu’il a contrôlé ses propres souvenirs ? Dans ce cas, est-ce qu’il a laissé les souvenirs de son infidélité ? Ou au contraire, a fait en sorte de l’effacer de l’esprit d’autant de personnes possibles ?

Je rapporte mon attention vers mon meilleur ami qui continue à regarder son père sans rien dire. Il fulmine, je le sens. Il tente de contrôler ses émotions mais n’a qu’une envie, secouer son père jusqu’à ce qu’il avoue tout.

— Si tu ne parles pas, je ne peux pas savoir ce qu’il se passe, lui dit simplement son père en continuant à manger.

— Il se passe qu’il paraît que des machines servant à la fabrication de l’Alètheia sont ici.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Je parle des Oreilles. Ces machines qui lisent les souvenirs pour les trier et qui fonctionnent grâce à l’aide des Petites Mains … et je ne vais pas t’expliquer ce que sont les petites mains, n’est-ce pas ?

Je vois son _ ou devrais-je dire leur _ père fermer les yeux et soupirer. Il repousse son repas et se laisse tomber contre le dos de sa chaise.

— Alors deux questions. Comment pouvez-vous savoir pour les Oreilles et comment sais-tu que je suis une de ces Petites Mains ?

— Tu m’as répété tellement de fois que les infirmiers étaient les petites mains des médecins et que ça a longtemps été le nom qu’on a donné à la profession. Pas besoin d’avoir un bac+10 pour faire le rapprochement. D’autant plus que quoi de mieux qu’un infirmier libéral pour pouvoir manipuler les souvenirs des gens tranquillement ?

— C’est bien plus compliqué que ça Reece, dit son père en soupirant une nouvelle fois. Venez vous asseoir.

Il nous montre les chaises devant son bureau et finit par remballer totalement son repas. Je décide de m’installer à côté de Reece mais jette tout de même un petit regard en direction de Nora. Je ne sais pas comment elle vit tout ça, son visage ne laisse rien transparaître mais je vois ses mains trembler. Son père ne lui a toujours pas adressé un regard mais est-ce parce qu’il ne la reconnaît pas ou pour ne pas se trahir ?

Et là, personne ne parle. Quoi de mieux pour détendre cette atmosphère à couper au couteau ? Ah si, je sais …

— Bon, déjà, présente moi tes amis.

Les deux pieds dans le plat. LA question qu’il fallait.

— Tu ne reconnais personne ? lui demande craintivement mon meilleur ami.

— Eh bien si, James forcément. Depuis le temps, c’est normal que je me souvienne de lui.

— Et voici Nora et Riley. Riley était dans la même classe que moi l’année dernière et Nora a un an de moins. On … on se croisait souvent dans les couloirs du lycée.

Son père ne la regarde même pas. Il ne quitte pas son fils du regard, comme s’il essayait de savoir quelque chose, comme si toutes les réponses à ses questions se trouvaient là.

— Comment êtes-vous au courant pour les Oreilles et les Petites Mains ?

— C’est simple, Nora a réussi à nous trouver des livres qui en parlent.

Je sais que Reece a répondu comme ça pour que son père porte enfin attention à sa propre fille. Et effectivement, pour la première fois depuis notre arrivée, il la regarde, droit dans les yeux. Il semble même la jauger … mais rien de plus. Pas un seul tressaillement ne laisse penser qu’il a reconnu Nora et je pense que tout le monde en est venu à cette conclusion.

Cet homme ne se souvient pas de la fille qu’il a eu lors de son infidélité. Est-ce qu’au moins il se souvient avoir trompé sa femme ? Étrangement, j’en ai un sérieux doute. Quoi de mieux qu’effacer ses pêchés à l’aide de la Léthé ?

— Maintenant papa, c’est nous qui allons poser les questions et tu as intérêt à nous répondre clairement.

— Il y a des choses que je n’ai pas le droit de révéler. Des choses qui sont secret défense.

— Non, crie Reece. Tu n’as pas le droit de nous cacher des choses. Tu n’as même pas idée de l’année qu’on vient de vivre !

— Reece …

— Un enfer ! Et encore, je suis sûr que l’enfer ne nous ferait pas autant de crasse !

— Désolé fiston mais … je ne peux pas tout te dire.

— Alors dit moi au moins une chose. Est-ce que c’est toi qui nous a effacé la mémoire à nous quatre ?

Le père de Reece soupire et observe chacun d’entre nous.

— Non … pas vous quatre. Seulement …

Il fait une pause, comme s’il cherchait ses mots ou que la chose qu’il devait avouer était trop compliquée.

— Il n’y a eu que toi. Tes amis ont dû voir d’autres infirmiers mais toi … c’est moi qui me suis occupé de la fabrication de ton Alètheia.

— Alors tu vas sûrement pouvoir me dire pourquoi il y aurait eu une Margot dans ma vie mais que je ne m'en souviens plus.

En voyant la tête de l’homme face à moi, j’ai l’impression que Reece a posé la pire question possible et que son père aurait préféré mille fois lui expliquer les lois de l’onde de Léthé plutôt que ça. Et lorsqu’il se lève de sa chaise et se dirige vers la porte de son bureau, je crois pendant un instant qu’il va se défiler. Mais à la dernière minute, il s’arrête et nous montre le chemin d’un simple geste de la main.

Ok, il est en train de nous virer là ? Je pense que l’on pense tous la même chose parce qu’on s’exclame en même temps.

— Vous êtes pas gêné ! retentit, plus forte que les autres, la voix de Riley.

— Suivez moi simplement, répond le père de Reece et Nora d’un air dépité.

A première vue, il y a eu méprise. On se met alors à le suivre en espérant que ce que l’on va découvrir en vaudra le coup.

Il nous emmène dans une pièce reculée du cabinet, ouvre la porte et nous invite à y entrer. Une immense machine trône en son centre et je devine sans peine que ce sont les fameuses Oreilles. Composé d’un casque, d’électrodes mais aussi d’un écran et de ce qui ressemble à un laboratoire de chimie, tout est là pour lire les souvenirs et ne garder que les meilleurs.

— Ce sont les Oreilles. Cette machine est une originale de la fin de la Grande Guerre, elle met plus de temps à fabriquer le médicament mais elle est totalement fiable bien que sa taille soit imposante contrairement aux nouvelles machines.

— J’ai une question, demande timidement Nora. Tous les infirmiers sont des Petites Mains ?

— Non. Il y a des critères précis à respecter pour pouvoir être sélectionné par le gouvernement. Déjà, il faut être libéral et avoir un cabinet où on est seul pratiquant. Puis, il faut que nos Alètheia soient fidèles au moins à 90%.

— Fidèle ? je relève.

— C’est-à-dire qu’elle doit contenir au moins 90% des souvenirs qui se sont déroulés pendant l’année. Le gouvernement ne veut que les pratiquants les plus intègres.

— Le comble lorsqu’on sait à quel point il est normé et intolérant, fait remarquer Riley.

— Bon, c’est bien beau. Mais ça ne répond pas à ma question, papa. Si c’est toi qui t’occupe de mon Alètheia chaque année, dis moi pourquoi je ne me souviens pas d’une certaine Margot.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

Il a répondu trop vite pour que ce soit naturel et surtout pour que ce soit vrai. Et son expression embarrassée ne laisse place à aucun doute. Il sait qui est Margot et plus encore, il est responsable de son oubli.

— Raconte-moi, lui ordonne un Reece sur le point d’exploser.

— Reece … si j’ai fait ce que j’ai fait, c’est pour ton bien.

— Mon bien, Mon bien, c’est simple de dire ça alors que je ne me souviens de rien. Raconte-moi et je te dirai si c’était pour mon bien ! Dis-moi qui elle est et je pourrai te le dire moi si tu as bien fait de me l’effacer de ma mémoire !

— C’était ton premier amour.

Un silence se fait et chacun de nos visages prend un air choqué. Forcément on est choqué ! Le père de mon meilleur ami vient de nous dire qu’il a effacé de nos esprits le premier amour de Reece ? Reece qui a découvert, il y a quelques jours, qu’il était asexuel et demi-romantique et s’est demandé si par hasard, il n’avait pas eu quelques petits sentiments pour Margot ? Son père lui a effacé les seuls sentiments amoureux qu’il a été capable de ressentir jusqu’à aujourd’hui.

— Tu connaissais Margot depuis un petit moment, vous étiez inséparable Margot, James et toi. Puis un jour, tu es rentré à la maison en m’annonçant que vous sortiez ensemble et que c’était vraiment très sérieux. On t’a dit que tu étais jeune et que tu saurais plus tard si c’était sérieux. Sauf que tu nous as répondu que tu ne pourrais pas tomber amoureux de n’importe qui et que Margot est la seule dont les sentiments amoureux ne te donnaient pas envie de vomir ou de t’enfuir. Sur le coup, on a pas compris. Puis l’accident est arrivé. Elle avait demandé à ses parents de l’emmener à la maison pour venir te voir. Mais un chauffard ivre leur a foncé dessus. Elle est morte sur le coup. Tu as été inconsolable jusqu’à la fin de l’année. Tu t’en voulais, c’était toi qui lui avait demandé si elle pouvait venir et tu te sentais responsable de sa mort.

Il s’arrête de parler, comme pour nous laisser le temps de digérer les choses qu’il vient de nous dire.

— On pensait que tu finirais par aller mieux. Sauf qu’on avait tort. Ton état s’est dégradé jusqu’à la fin de l’année. Tu avais perdu du poids, tu ne parlais presque plus, tu ne voulais même pas sortir de ton lit pour aller en cours. J’ai même dû te forcer à aller fêter le Nouvel An avec Riley. Tu étais devenu un fantôme et je commençais vraiment à avoir peur pour toi. Alors j’ai décidé de la supprimer totalement de ta mémoire pour te donner l’opportunité de recommencer une nouvelle vie.

— Mais, j’ose intervenir, pourquoi ne pas voire simplement effacé les sentiments de tristesse et de deuil, comme il est fait pour chaque personne qui perd un être cher ?

— Parfois, certains événements sont trop forts pour que la suppression des sentiments soit suffisante. Parfois, il faut tout effacer pour être sûr que le problème ne revienne pas.

Ce qu’il dit est faux. Totalement faux. Et nous sommes tous bien placés pour le savoir. Si tout supprimer était efficace, on n'en serait pas là. Tout perdre est, au contraire, la pire chose au monde, le pire sentiment qu’il soit. Je jette un œil à Riley qui m’observe lui aussi. Il doit penser à la même chose que moi, à ce qu’on ressent quand on oublie la personne qu’on aime et surtout, ce moment où on se rend compte qu’on l’a oublié. Et encore, nous sommes vivants tous les deux … je n’ose pas imaginer lorsque la personne aimée est décédée.

— Qu’est-ce que tu m’as effacé d’autres ? demande Reece.

— Pas grand-chose. Rien d’important en tout cas. Les trucs habituels comme les beuveries, les retards en cours, les mauvais résultats, la perte de tes animaux … ce genre de choses qui provoquent des émotions négatives mais pas de quoi en faire tout un plat.

— Pas comme moi tombant amoureux pour la première et dernière fois et l’oubliant … Je comprends, lui répond-t-il de manière sarcastique.

— J’ai une question, intervient pour la première fois Nora.

Son père se retourne vers elle en sursautant légèrement, comme s’il venait de se souvenir de sa présence. Nora se fige et semble sur le point de pleurer. Je vois qu’elle se retient et qu’elle essaye de garder son calme.

— Je voulais savoir s’il n’y avait que vous qui choisissiez les souvenirs à garder ou si la machine aussi fait une partie du travail en supprimant des souvenirs liés à des sentiments précis, préprogrammés dans la machine ? Une année de souvenirs, c’est assez long mine de rien alors ça parait impossible pour une personne physique de faire le tri seul.

Je vois un des sourcils du père de mes amis se lever, comme s’il était étonné par la question.

— Oui bien sûr ! Ce serait un travail colossal si je faisais ça seul. La machine fait le plus gros du travail, sonne l’alerte pour les sentiments qui posent problème, comme ceux qui mêlent plusieurs sentiments à la fois ou successivement, de manière trop rapide.

— Très bien. Alors si une personne oublie un membre de sa famille, est-ce à cause de la machine ou celle des Petites Mains qui s’en occupent ?

— Ça dépend, la personne oubliée a-t-elle fait des choses répréhensibles qui expliqueraient qu’elle ait été effacée de l’esprit de quelqu’un ?

— A part exister, non, rien du tout.

— Alors ce n’est pas la machine, à moins qu’il y ait eu un défaut dans la fabrication de la Léthé.

Nora lâche un bruit pour montrer qu’elle a compris avant de se lever et de s’en aller. Je la suis des yeux avant de croiser le regard de Reece qui me supplie de faire quelque chose. Alors je me lève à mon tour et pars à sa poursuite. Elle ne doit pas être très loin. En tout cas, si je venais d’apprendre quelque chose dans ce genre, je pense que je n’aurais même pas la force de faire quoi que ce soit.

Et effectivement, je la trouve dans la salle d’attente, assise sur une des chaises, le regard dans le vague. Je m’installe à côté d’elle et attends qu’elle parle la première. Plusieurs minutes passent sans qu’elle ne dise un seul mot jusqu’à ce qu’un gémissement ne sorte de sa bouche. Je me tourne doucement vers elle avant de la prendre dans mes bras. Ses sanglots déchirent le silence de la pièce et tout ce que je trouve à faire est de passer ma main sur ses cheveux en espérant que ça l’aide à se calmer.

— Il a choisi de m’oublier, me dit-elle entre deux reniflements. Il a simplement choisi de ne plus se souvenir de moi, sûrement parce qu’il avait honte ou pour être sûr de ne pas se trahir devant sa femme qu’il aime tant au point de l’avoir trompé.

Je ne sais pas quoi lui répondre. Ce qu’il a fait est horrible et je ne sais même pas à quel moment il s’est dit que le faire serait une bonne idée. Tromper et effacer toute trace de culpabilité. Il faut être d’une lâcheté sans nom pour faire ça. De cette manière, il peut dormir la nuit sur ses deux oreilles sans penser à la femme qu’il a mis enceinte, qui a dû vivre sa grossesse, son accouchement et l’éducation de sa fille, seule, ni à la fille qu’il laisse sans père et qui est sensé ne jamais connaître une partie de ses origines.

Et après, on efface les souvenirs de deux hommes parce qu’ils s’aiment ? Mais laissez nous nous aimer tranquille ! Nos sentiments ne portent préjudice à personne ! Et je suis même sûr que dans le futur, si jamais on décidait d’avoir un enfant _ c’est quand même bien trop tôt pour y penser _ on ferait tout pour cet enfant et jamais on ne serait aussi lâche que ce père qui a effacé les souvenirs de l’enfant qu’il a fait dans le dos de sa femme.

Décidément, chaque jour de cette année aura servi à me montrer l’injustice de notre société …

Je reste avec Nora pendant une bonne demi-heure je pense. Le silence se fait de moins en moins pesant et elle finit même par me raconter quelques anecdotes sur les choses qu’on lui a dit parce qu’elle n’a pas de père. D’après ce qu’elle me raconte, les enfants ne semblent pas comprendre de quelle manière on peut avoir qu’un seul de nos deux parents et surtout de n’en connaître qu’un seul. Forcément, on apprend que tout est beau et parfait aux enfants et aux adultes, à aucun moment ils se disent que quelqu’un est issu d’une infidélité. Dans leur monde parfait, tous les enfants sont nés par l‘union d’un homme et d’une femme qui s’aiment d’un amour si puissant que, paf, un bébé est créé. Déplorable, vraiment.

— Allez, on s’en va.

Je sursaute et vois Riley arriver dans la salle et m’attraper par la main. Il me tire derrière lui en me laissant à peine le temps de prendre la main de Nora pour qu’elle suive elle aussi. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé encore mais Riley a l’air assez remonté.

— Qu-qu’est-ce qu’il s’est passé ? j’ose demander.

— Je t’expliquerai dans la voiture. Là, on y va avant que Reece ne pense à piquer ma voiture pour partir.

J’accélère le pas pour trouver mon meilleur ami assis à côté de la voiture. Sa tête reposant contre une des portières, il a l’air épuisé, comme si ce qu’il venait de se passer l’avait vidé de la moindre force.

Les portes se déverrouillent et on s’installe sur nos sièges sans un mot.

— On a rendez-vous trois jours avant Nouvel An pour la fabrication de nos Alètheia, dit finalement Reece. Il nous a dit qu’il n’enlèverait pas un seul souvenir par lui-même et qu’à la place, il laisserait l’Oreille faire son boulot. Il a aussi promis qu’on aurait un droit de regard sur ce que la machine voudrait enlever.

— En espérant qu’il tienne parole, marmonne Riley.

— Il tiendra parole. Il n’aura pas le choix.

— Peut-être pour toi, mais il n’a pas eu l’air très heureux d’apprendre qu’il allait devoir laisser les souvenirs de deux gars en couple.

Alors c’est pour ça que Riley avait l’air en colère tout à l’heure ? Il a révélé notre relation et le père de Reece ne l’a pas accepté ? D’un côté, ça ne m’étonne pas, mais d’un autre … ça m’inquiète quand même beaucoup. Et s’il décidait de nous retirer quand même nos souvenirs parce qu’il considère notre relation comme anormale ?

— Je te promets Jamie que tu te souviendras de tout, me dit Reece alors qu’il voit la panique monter dans mon regard. J’ai réussi à ce qu’il accepte qu’on soit tous ensemble lorsque nos souvenirs seront examinés.

J’hoche la tête en déglutissant. A première vue, mon avenir avec Riley reste incertain.

— Mais, comment on va faire pour … moi ?

— Nora, lui dit Reece en la prenant dans ses bras. Qu’il apprenne qu’il est ton père, il doit le savoir pour comprendre à quel point il est le pire père du monde. Mais surtout, il doit le savoir pour que je sois sûr qu’à aucun moment il ne t’efface de mon esprit. Jamais, tu m’entends, jamais je ne dois oublier le lien qui nous unit. Tu mérites que ta famille se souvienne de toi et soit là pour toi.

— Ok ! j'interviens avant de me mettre à pleurer. Et on fait quoi jusque-là ?

— On fait ce qu’on a pas fait depuis le début de l’année, me répond Riley en démarrant enfin la voiture. On ne se préoccupe plus de ça, on part travailler ou étudier et on se fait des trucs tous les quatre, autre que des réunions Léthé ! Je propose même qu’on commence par un tour à la fête foraine. Le 28 décembre est dans un mois. On a bien le temps d’oublier nos problèmes et de vivre un peu jusque-là.

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