Chapitre 8

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Huitième chapitre

Le sommeil avait emporté Esméralda. Oiseau blessé aux ailes coupées, elle dormait à même le sol en sursautant de temps à autre. Plus tard dans la nuit, elle s'était réveillée avec la bouche pâteuse et la migraine. Elle avait jeté un œil sur la chaîne Hifi en mode veille qui affichait 1 H 30 du matin. En reprenant ses esprits, elle eut l'envie soudaine de sortir dans la nuit. La tête lui tournait encore. Elle se releva avec peine en s'appuyant sur les coudes. Faible et instable sur ses jambes, elle tituba jusqu'à la salle-de-bains et se réveilla sous une douche fraîche. Une serviette nouée sur la poitrine, elle alla jusqu'à sa chambre. Devant la grande penderie, ses yeux s'éteignirent. Ce qu'elle voyait l'affligeait.

Deux jours auparavant, les affaires de Christian occupaient la moitié droite de cet esthétique et très fonctionnel placard. Un placard pensé par elle et par Christian il y a de cela dix ans, et dont ils avaient confié la réalisation à un artisan local, réputé et consciencieux. Désormais, la partie attribuée à son époux était vide. Christian avait emporté la totalité de ses affaires, ne laissant aucune trace de leurs trente années de vie commune.

Esméralda n'arrivait plus à pleurer. Ses yeux étaient trop secs et son cœur était vide. Décidée à prendre l’air et à parler avec quelqu'un, malgré l'heure tardive, elle se tourna vers son côté et attrapa une robe pull sur l’étagère. Elle récupéra une culotte à dentelles, un soutien-gorge à larges bretelles et des collants opaques dans les tiroirs du bas. Dans le panier de linge propre, elle sortit la combinaison stretch qu'elle mettait sous ses lainages pour ne pas irriter sa peau fragile. Puis, elle eut un nouveau vertige. Elle enfila son collant en se renversant sur son lit et se releva pour passer sa robe pull. Prochaine étape, se refaire une beauté. Se dirigeant vers la coiffeuse, Esméralda s’arrêta pour se regarder sur le grand miroir collé au mur. Elle eut un léger sourire en contemplant ses formes harmonieuses et sa silhouette encore fine, valorisée par la robe moulante. Puis, son regard s'assombrit. Face à cette silhouette entretenue pour Christian, elle eut un sourire mitigé. Ce résultat au prix de gros efforts pour rien, la rendait triste et amère.

Esméralda coiffa ses cheveux d’un geste ferme et les entortilla dans une grosse barrette plastique. D'une main tremblante et malhabile, elle s'appliqua un anti-cernes pour masquer ses yeux pochés, puis elle mit du fond de teint et de la poudre sur son visage et sa gorge. Elle ombra ses yeux de brun profond et colora ses lèvres d'un rose discret. Avant de sortir de la chambre, elle noua un foulard fuchsia autour de son cou et se chaussa de bottines à talons. Au salon, elle fouilla dans son sac à main pour y récupérer la carte ou étaient notés les téléphones des taxis de nuit. Elle la retrouva au fond du sac et appela le premier numéro en tête de liste. Après avoir donné son adresse à la standardiste, on l'informa qu'une voiture serait en bas de chez elle dans moins de cinq minutes. Esméralda la remercia et se dépêcha d'éteindre les lumières. Dans le vestibule, elle décrocha sa veste du portemanteau et lança à la volée :

— À tout à l'heure, Léonard !

Dans un bruit sourd, la porte se referma derrière elle.

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