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Kate Sanchez était une femme magnifique, très douce, qui possédait une indomptable chevelure d’un roux flamboyant qui cachait en réalité une teinte blonde ; tout cela n’était que secondaire face au reste de sa beauté qui en aurait rendu Amanda folle de jalousie. Kate détenait des yeux en amande à la couleur du ciel, des courbes fines et suaves ; tout ce qui faisait d’elle une poupée dont l’apparence pouvait avoir de l’importance pour les milliers d’hommes qui tombaient à ses pieds, mais je demeurais insensible — par pure fidélité à ma femme.

Notre rencontre semblait identique à celle de la famille Diekans, avec seulement huit ans d’intervalle. J’aurais pu ainsi prévoir des réactions adéquates avec la mère Diekans, mais mon expérience avec Kate m’avait fait comprendre que tout individu de sexe féminin régissait bien différemment et indépendamment.
Pourtant, j’eusse dû aller seul la rencontrer, personne pour m’y accompagner. Charly m’attendait au poste à la suite de problèmes médicaux. Kate m’avait donc accueilli dans sa demeure dans un geste précis, presque robotique ; après tout, il était difficile d’agir autrement lorsque son enfant est porté disparu depuis plus d’une semaine. Cette disparition avait fait couler plus d’encre sur du papier que de larmes dans les yeux des membres de cette famille à l’exception de Kate.
Le cœur lourd, j’avais annoncé cette terrible nouvelle ; tout de suite, des larmes et de la colère traversèrent son corps. Alors, comparer cette réaction à celle que possédaient les Diekans était inégal, bien que je pusse me dire que le pire m’était déjà arrivé, car il ne pouvait y avoir pire. Je n’avais pu aider Kate. Cette annonce l’avait dévastée et avait indirectement provoqué son suicide. Une mort devant l’homme incapable que je fus… Elle m’avait volé mon arme avant de se tirer une balle dans la tête, désespérée, détruite. Et depuis ce jour, j’avais décidé de ne plus laisser mon arme à la portée de personne choquée et instable mentalement.
Je fus, d’une manière ou d’une autre, ramené à la réalité des faits lorsque je remarquasse que les yeux du père Diekans ne me lâchaient pas d’une semelle. Je sentais sa question venir comme aucune autre.

— Pouvons-nous le voir, l’identifier et être sûr que ce soit lui ?
— Oui, Monsieur Diekans, la procédure veut que vous veniez l’identifier avant l’autopsie, disais-je avec un léger regard que je voulusse réconfortant. Après, c’est à vous de nous dire si vous êtes prêts à le voir dans l’état dans lequel il fut retrouvé !
— Ce que l’inspecteur Vandeville essaye de vous dire c’est qu’il pourrait être difficile pour vous de l’identifier…
— Je pourrais toujours reconnaître mon fils, Inspecteur.

Le père Diekans me semblait si sûr de lui, mais il ne connaissait point la façon dont était décédé son fils. Permettez-moi de vous dire que sa phrase n’avait plus la même saveur quand il l’eût vu. Mais, je ne peux pas vous en dire plus, du moins pour le moment.
Je laissais Charly décider du moment où ils se sentiraient tous deux prêts à affronter cette réalité des faits, qu’ils « puissent » se préparer à l’étape la plus complexe : l’enterrement. Toutefois, ils ne seraient pas seuls à le financer, non. Pour donner suite aux marques laissées par le médecin légiste sur le corps de l’enfant ; Sandy et moi-même prenions en charge une partie des frais de l’enterrement, c’était ce que nous avions de mieux à faire pour apporter un véritable soutien aux familles – depuis l’affaire Stopheek pour être plus précis – et pour cette affaire, je me souviens qu’on avait payé la quasi-totalité de cette épreuve, soit plus de deux-mille euros. Ce qui était énorme, mais pas assez selon moi…
Pourtant, dès l’instant où les parents du petit Diekans se sentirent – tous deux – prêts, nous les emmenions jusqu’à notre centre médico-légal, les installant face à cette vitre où les stores noirs étaient encore baissés. Nous attendîmes leur signal, mais, cette fois, Charly prit l’initiative de l’instant. Elle avait une idée derrière la tête et, en y repensant, cette idée eut été parfaite bien que je ne pusse le lui avouer.

— Monsieur, Madame, permettez-moi de vous dire quelques mots avant que vous ne me donniez votre consentement pour ouvrir cette séparation entre votre « fils » et vous ! Sachez que nous vous soutenons dans cette terrible épreuve. Nous préparons même de quoi vous aider à créer la suite de cette macabre épreuve… Mais ce n’est point tout. Mon collègue, aussi froid qu’il ne puisse paraître, ainsi que le reste de notre équipe et moi-même vous pro-mettons de tout mettre en œuvre pour arrêter la personne ayant inséré en vous ce cercle vicieux du deuil.

Ses mots si tendres, typiquement Charlysien, ne purent empêcher l’apparition de larmes de reconnaissance dans les yeux des Diekans, comme si, pour Charly, le petit avait été une force, un soutien interne. Pourtant, cela calma les ardeurs passées lors de l’amorce.
Lâchant un léger hochement de tête, je compris que la révélation avait atteint son heure. Je toquai à cette fenêtre avant de remarquer les stores s’ouvrir sous la force du légiste à un rythme bien trop sombre. Les parents Diekans levèrent les yeux pour le regarder ; des tremblements ainsi que des sanglots firent une nouvelle fois leur apparition.

— Non… Non…. Jonathan… Mon bébé…, pleura la mère.
— Putain ! Qui lui a fait cela ? Qui a osé faire ce genre de chose à mon fils, à un enfant !?

Le sentiment de colère était bien présent dans la voix du père de famille. Il prenait enfant conscience que nous n’avions point tort et ressentait comme tout « bon » père de famille l’envie de commettre un meurtre, signe d’une vengeance envers l’assassin, mais qu’il fallait retenir, car se faire justice soi-même était préjudiciable pour lui. Et sa femme ne perdrait pas uniquement son fils dans cette histoire, son mari y passe-rait, bien que je doive l’avouer, j’aurai agi exactement de la même manière.
J’aurais pu agir comme un idiot si à l’époque la vie d’un enfant se trouvait sous ma responsabilité, qu’il soit fille ou garçon. Je connaissais leur souffrance et le besoin de réconfort face à cette déchirante réalité. Ils avaient besoin de nous, d’une aide plus psychologique pour commencer au mieux cette étape. Finalement, je toquai à cette vitre pour faire disparaître le corps à la vue de ses parents. Je me devais de les revoir hors de cette situation déjà complexe.

— Pouvez-vous nous suivre s’il vous plait ? Nous devons discuter de la suite de la procédure.

Leurs regards changèrent d’expression, devenant meurtrier à mon égard au simple fait d’avoir enclenché la première étape précoce de leur deuil ; bien que cela fût primordial à notre propre avancée afin de permettre l’arrestation du meurtrier du petit gars. Il devait avoir sa justice – un hommage ainsi que le retour de son image positive dans le souvenir de l’ensemble de ses proches.
Amenés dans mon bureau, les parents furent à la charge de Charly qui s’occupait de leur installation tandis que je prenais quelques feuilles de notes pour retranscrire les souvenirs de ces derniers qui serviraient de témoignages finaux sur les dernières visions de leur fils vivant encore à leur côté. Ils allaient en avoir besoin.

— Je veux revoir mon fils, fit la mère Diekans.
— Je comprends, Madame Diekans, mais nous avons besoin de vous ! Votre fils a besoin de vous !
— Il est mort ! Cela ne vous suffit pas pour arrêter son tueur ?
— Pas toujours, Madame… Beaucoup d’enfants meurent de la main de leurs proches ! Je veux donc savoir le pourquoi ou même connaître des détails qui auraient pu être différents des autres jours…

Un froncement de sourcils vint foncer le visage du père de l’enfant. Il était déjà dans une forte et profonde réflexion, et, je ne pouvais que l’envier sur ce point. Les parents recherchant d’eux-mêmes les indices malgré la douleur étaient rares, mais légitimes. Peu pouvaient agir ainsi ; moi-même n’aurais pu agir de la sorte : je ne saurai que faire, je ne saurai pas savoir et reconnaître la vérité. Je mourrai par la folie, mais fort heureusement, je ne suis jamais allé jusqu’à ce point de conscience, et ce même pour de simples amis ou pour des membres de ma famille. Je restais celui qu’on voulait que je sois. Véridique.
Mais pour ce môme, tout semblait bien différent. Peut-être était-ce à cause de la manière brutale avec laquelle il eut été tué, mais cela m’était important : j’avais cette envie de rendre à ce crétin, ce meurtrier, la monnaie de sa pièce, centime par centime.
Il était hors de question, pour moi, qu’il s’en sorte impunément ! Et si je possédais cette occasion de remonter le temps, je me dirai à moi-même : « C’est bon, Jonathan, tu es sur la bonne voie, mais fais tout de même attention, le meurtrier est bien plus proche de ce que tu ne crois ! Reste attentif, et tu l’auras… ».
Alors que les paroles des paroles se retranscrivaient en glissant sur le papier, une impression d’insatisfaction me prit de plein fouet. Il me manquait tellement d’informations ; la version des faits de la tante Diekans, Ellie. Je me devais de la rencontrer, et le plus rapidement possible.

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