Après avoir donné des fausses pistes aux moines (maladies mentales et drogues), Gojo et Reiketsu s'étaient réunis hors du temple à l'abri des oreilles indiscrètes pour discuter des révélations précédentes.

- Le Roi Écarlate... Si je me souviens bien, ça vient d'un site de creepy-pasta, non ? supputa l'albâtre.

- Précisément. Le site se prénomme SCP-Fondation, compte des utilisateurs à travers le monde entier et compile plus de cinq milles sortes de phénomènes "paranormaux" appelés les SCP. Le Roi Écarlate est l'un d'entre eux, ou plusieurs, je ne sais plus trop...

-...Mais ?

- Il n'est pas originaire de ce site en particulier, expliqua le jeune exorciste. C'est une légende qui vient d'un village Turque, une histoire de sacrifice pour un dieu sanglant. Le truc a du fuiter par une thèse d'histoire ou quelque chose comme ça.

- Et tu penses que quelque chose d'aussi ancien peut donner lieu à un fléau ? C'est possible, mais il ne serait pas assez puissant...

- Pas si le fléau en question était de même nature que Ryomen Sukuna lui-même.

Gojo haussa un sourcil, et Reiketsu se sentit soudain mal à l'aise ; un Démon Imaginaire, c'était le nom qu'on donnait aux fléaux de classe S qui avaient atteint leur statut grâce à la peur massive qu'ils avaient engendré sur le monde. Sukuna était un démon qui était craint par tous les exorcistes et fléaux réunis, jusqu'à infecter le monde profane.

Le Roi Écarlate était un cas à part, mais avec des Démons Imaginaires, c'était souvent le cas.

- Tu as l'air d'être calé sur le sujet ! Je n'en attendais pas moins de toi, mais...

- Mes parents ont travaillé sur une affaire similaire en Sibérie. Apparemment, tout un village s'était auto-détruit sous l'action d'un fléau, mais personne n'avait pu l'exorciser.

- Ah oui, l'affaire "Missvronik"... Il faisait plutôt froid, non ?

- C'est pas vraiment le sujet ! (Reiketsu renâcla) La plupart des affaires liées à ce sujet sont floues et bâclées. Mais elles ont toutes un point commun.

- La fameuse phrase prononcée par le moine qui la chantait à tue-tête, compléta Gojo.

Bon, au moins, on peut pas dire qu'il est idiot. Le jeune exorciste acquiesça, mais un détail subsistait : si le Roi Écarlate pouvait agir sur le monde entier, pourquoi ne s'attaquait-il pas directement à des exorcistes ? Les éliminer un par un serait plus efficace que de tuer des personnes lambdas.

- Ça cache quelque chose, marmonna-t-il. On va enquêter sur les lieux du crime !

- Je te laisse faire ! Je vais aller m'acheter quelques souvenirs en attendant...

- Pourquoi ça m'étonne pas, grogna Reiketsu en voyant le clown procrastinateur s'éloigner en sautillant. Bon, au boulot...

Il revint dans le temple, et commença à observer le jardin sec avec attention. Il mit quelques minutes avant de découvrir les mêmes résidus d'énergie occulte que sur le corps du moine défunt. Il suivit leurs traces, et celles-ci le menèrent directement... jusqu'au sanctuaire ! Qu'est-ce que cette histoire... Il commença à inspecter les alentours, dans le cas où il se serait trompé, mais non : les traces menaient bien jusqu'ici.

Reiketsu fronça des sourcils, avant de continuer de suivre la piste. Peut-être que le cadavre transporté par les moines du jardin jusqu'à cette salle avait laissé des traces, mais... le décédé avait été nettoyé autre part qu'ici, donc les traces auraient dû être disparates. Là, elles étaient fraîches et bien visibles.

La statue de Bouddha.

Les résidus d'énergie occulte étaient bien plus concentrés en s'approchant de la sculpture ligneuse. Donc ça soulevait deux hypothèses : soit le fléau était capable de traverser le bois, soit c'était la statue elle-même qui avait été maudite. Mais comment aurait-pu-t-on maudire un objet sacré ? Les fléaux étaient naturellement repoussés par ces derniers, quelle que soit leur classe...

Reiketsu s'approcha plus près de la statue et en examina le moindre détail, jusqu'à qu'il finisse par tomber sur une tache de sang. Celle-ci avait une forme étrange mais familière... Une ligne qui tourbillonnait et s'entrecroisait sur elle-même pour former une sorte d'œil houdjat. Reiketsu sentit son estomac se retourner.

C'était la même marque que sur son torse.

Il faut que je fasse vite, pensa-t-il en faisant le signe du kata.

« Sors des ténèbres, voile plus noir que la nuit et purifie cette souillure. »

Ce qu'il savait au moins parfaitement exécuter sans activer la marque, c'était au moins les rideaux. Ce dernier ne recouvrait seulement que le temple en lui-même, sachant qu'il avait demandé aux moines de s'éloigner pendant un un temps.

- Priiince....retouuur....

Reiketsu se retourna ; c'était un moine, bien que plus âgé que les autres, car il portait la barbe grisonnante réservée aux membres éminents du monastère. Reiketsu sentit cette sueur froide habituelle ; le moine en question possédait une énorme quantité d'énergie occulte.

- Hé ! T'es un maître des fléaux ? lui lança le jeune exorciste.

-....Priiiiince....retouuuur....

- Tu vas gentiment me suivre pour que je te pose des questions, le menaça-t-il en le pointant du doigt, en espérant que ça fasse mouche.

Mais le moine avait les yeux exorbités, ses orbites roulant indépendamment l'un de l'autre. Tout à coup, ses yeux saignèrent abondamment, rivières de pourpre et de haine. Le moine hurla à pleins poumons, et Reiketsu se couvrit les oreilles ; l'énergie occulte ne servait à rien dans ces moments-là. Il faut que je le fasse taire... Il bondit sur le possédé pour lui asséner une bon crochet du droit.

cRaAcK...

Le cou du moine avait été bien moins solide qu'il ne le pensait, et se brisa sous son poing et le regard médusé de l'exorciste. Il avait tué un être humain.... Merde ! Cela n'était pas la première fois que cela arrivait, sachant qu'il avait déjà mis fin aux jours à des maîtres de fléaux, mais là c'était un innocent possédé ! J'aurais dû appeler Gojo avant, et tenter de le purifier...

- Frappez-moiiii... Priiiince...

À ces mots, le sang de Reiketsu ne fit qu'un tour. Pris d'une rage aussi soudaine qu'abominable, il se rua sur le vieux moine en beuglant et commença à le matraquer de coups. Il frappa, frappa encore, et chaque choc provoquait en lui une extasie si délectable qu'il voulut vomir. La sensation bouillonnante de tuer... Il ne l'avait plus ressenti depuis ce jour-là. Le sang collait à ses phalanges, les dents du prêtre les avaient éraflé, le visage de ce dernier complètement explosé sur le sol. C'était comme un cauchemar sous LSD, une sorte de mélasse impitoyable qui l'empêchait de s'échapper.

Arrête ! hurla-t-il de toutes ses forces.

Il frappa.

S'il te plaît... supplia-t-il en pleurant, mais aucune larme ne pouvait couler.

Son poing décrocha la mâchoire du prêtre.

NON !

Il frappa une dernière fois de ses deux mains, faisant exploser la tête du type et répandant sa cervelle sur tout le sol.

L'odeur de sang était si forte quand il reprit ses esprits. Il recula, tremblant de sueur et de peur. Qu'avait-il fait ? Pourquoi... Comment avait-il perdu ses esprits ? Après un petit moment de réadaptation, il déboutonna sa chemise avec difficulté, ses doigts poisseux glissant sur le plastique ; la marque ne brûlait pas, elle ne brillait pas.

Il avait juste... craqué ?

- Gye he he he...

Le rire provenait du sang du prêtre qui coulait dans la mauvaise direction, c'est à dire vers le plus haut. Et le plus étrange, c'était la quantité : il y en avait plusieurs dizaines de litres. Le sang séparé en rivières se rejoint sur un lac profond qui bullait, avant de devenir une sphère qui gonflait, gonflait, pour finalement prendre la forme d'une sorte de momie au masque de fer tordu.

- Un "Prince" s'est finalement réveillé... Quelle joie, quelle nouvelle réjouissante ! Gye he he he...

- T'es...(Un fléau qui parle ? )T'es qui toi ?

La créature s'éleva dans les airs, et il put ressentir son énergie occulte se déverser dans toute la pièce, la pression était telle que les shoji se froissèrent, et que l'air se déforma.

Un classe S... Oh putain, c'est un classe S.

Rapide comme l'éclair (il s'agissait surtout de fuir), il plongea vers un des shoji, le transperçant au passage afin de sortir d'aller dans une autre pièce. Dans sa hâte, il faillit lâcher son cellulaire mais parvint à composer le numéro. Il porta l'appareil à son oreille. Réponds, réponds ! La messagerie se fit entendre, et Reiketsu lâcha un "Viens me retrouver !", avant de tomber nez à nez avec le fléau.

- Il ne sied pas à un Prince de fuir son devoir, gloussa le fléau en tendant un de ses longs bras vers lui. Mais vous m'avez libéré de son emprise, aussi vais-je être magnanime quand à votre punition.

- Va crever ! hurla Reiketsu en faisant exploser son énergie occulte.

La douleur le prit à la gorge sans prévenir. Merde ! Dans le feu de l'action, il avait oublié la marque... La créature sembla étonnée, avant de hausser des épaules. Reiketsu cracha du sang et tomba à genoux.

- Vous êtes encore liés à notre Roi... Quel dommage que vous n'ayez pas encore maturé...

-...Kreuh...Roi ? gargota l'exorciste. Vous parlez du Roi Écarlate ?

Le fléau ne répondit pas, ses traits cachés par le masque de fer. Il fit grandir sa main qui fut assez large pour entourer Reiketsu, avant de le soulever dans les airs et l'approcher de son "visage".

- Vous n'êtes que le fruit des entrailles putrides de notre Monarque vénéré. Soyez fier d'être un... Argh !

Reiketsu lui avait filé un bon coup de pied chargé en énergie occulte, repoussant le fléau et libérant le châtain par la même occasion. Même si la plupart du temps, il ne parvenait pas à utiliser de techniques sans activer la marque, un peu d'énergie occulte lui était accordé, ce qui n'était pas si mal que ça.

Il s'enfuit en courant, mais s'arrêta à un embranchement pour se dissimuler et continuer à regarder le fléau. Quand cette chose eut reprit contenance, elle hurla de frustration et tournoya sur elle-même pour... rien. Apparemment, d'après son cri de rage, elle avait tenté quelque chose mais s'était foiré.

Et si... Quand Reiketsu l'avait fui, il s'était directement retrouvé face à la créature ; une sorte de téléportation ? Un forme fantomatique qui passait les murs ? Mais regarder cette chose tournoyer une nouvelle fois pour ne rien faire confirma une de ses hypothèses : la chose ne pouvait pas le trouver tant qu'il la regardait.

Soudain, le fléau dut comprendre son stratagème, et se dissimula dans un autre couloir. L'exorciste lâcha un "tch" avant de se retourner ; rien. Est-ce que le fléau avait d'autres conditions pour utiliser sa technique ?

Attends une seconde... Reiketsu prit son téléphone, armant son poing chargé d'énergie, et envoya un message aléatoire.

Le classe S apparut subitement devant lui, mais se prit un coup de poing catapulté à pleine vitesse. L'impact mêlé à l'énergie occulte fut suffisant pour repousser la créature. Reiketsu recula, ne la quittant pas des yeux. La créature utilisait son téléphone comme balise pour le retrouver. C'était malin, ça fonctionnait parfaitement dans la société d'aujourd'hui.

Ce qui voulait dire que ce fléau était très, très jeune. Et pour un classe S... Enfin, un semi-classe S, sinon je serais mort... Pour un truc pareil, c'était vraiment unique en son genre. Mais il lui semblait que cette chose n'arrivait pas à l'attaquer ; est-ce que le fléau en était seulement capable ? Dans le cas où il était jeune, il était clair qu'il n'avait pas assez maturé pour passer à l'offensive avec des sortilèges autres que de simples possessions.

Il fallait tenter le tout pour le tout, malgré le danger ; c'était la valeur d'un exorciste de détruire les fléaux à tout prix.

Il rassembla son énergie occulte dans ses jambes, sa marque vibrant de plus belle. La douleur était telle qu'il en avait les larmes aux yeux, et Reiketsu se mordit la lèvre inférieure jusqu'au sang. Quand il parvint à stabiliser le flot dans ses pieds jusqu'à ses cuisses, des arcs électriques crépitèrent le long de son corps, ses yeux s'illuminant comme deux lampions.

Tenmetsu !

Il jaillit en un battement de cil et arracha la tête du fléau.

Ce dernier ne comprit pas immédiatement ce qu'il venait de se passer, jusqu'à qu'il constate qu'il voyait le dos de son corps. Petit à petit, le fléau ricana, puis rit, s'esclaffa pour finir par exploser d'hilarité, tordu par le folie.

Reiketsu regardait l'entité se débattre, avant de détruire sa tête d'une simple préhension. Petit à petit, tandis que le corps du fléau se désagrégeait, la foudre le quitta et il cracha du sang. Si le combat ne s'était pas joué sur la vitesse, le jeune exorciste aurait perdu. Il tomba à genoux, et sombra dans l'inconscience.

* * *

Qu'est-ce que... Reiketsu se réveilla, mais la lumière était trop forte. Il sentit quelque chose de doux sous sa tête. Au fur et à mesure que ses yeux s'habituaient à la clarté, un visage se dessina :

- Là, là..., et on lui tapota la tête.

Ce truc doux... Cette main aux longs doigts, et cette voix... Le visage finit par être détaillé, aussi Reiketsu se figea de stupeur quand il découvrit qu'il était sur une table métallique, la tête dans les mains de Gojo, ce dernier portant ses lunettes et souriant comme un benêt.

- Oh, cesse de me regarder comme ça ! Tu vas me faire rougir...

- Barre-toi ! hurla Reiketsu en le repoussant, avant de sentir la douleur déchirer ses entrailles. Eurgh....

- Ne bouge pas, intervint une autre voix. Tes organes internes sont touchés, et ma technique ne fonctionnera pas si tu ne te laisses pas faire.

Il se tourna ; une femme mûre aux longs cheveux bruns, avec un grain de beauté sous l'œil droit, tâta son bras gauche pour prendre son pouls. La femme en question n'était autre que Shoko Ieri, la docteure exclusive du lycée d'exorcisme de Tokyo.

- Je t'ai téléporté en urgence, Rei-chan ! le nargua son collègue exorciste.

- N'utilise pas ce surnom, et comment... Argh ! (il se retourna vers Ieri) Vous êtes docteure, oui ou merde ? Me bousillez pas le bras.

- Je te soigne, répondit-elle.

Ses mains s'illuminèrent d'un rouge profond, et Reiketsu se sentit tout de suite mieux. Il se redressa pour faire rouler ses épaules : il n'avait plus mal. Il regarda la docteure qui avait allumé une clope, et lui fit un signe de tête en guise de remerciement.

- De quelle classe il était ? s'enquit Gojo.

- Classe semi-grade spécial, selon moi. Mais ce fléau était étrange : il pouvait réfléchir, converser et avait un but précis, néanmoins il ne pouvait que se téléporter en utilisant mon téléphone comme balise.

- Plutôt malin, commenta Ieri en soufflant un nuage âcre de fumée.

Tiens, je m'en roulerais bien une tout à l'heure... pensa distraitement-t-il avant de sentir la main de Gojo sur son épaule.

- J'imagine que je n'ai pas vraiment besoin de faire les présentations, Shoko ?

- C'est lui qui t'a entraîné là-dedans ?

- Le contraire aurait été étonnant, grommela le vingtenaire en repoussant la main.

- Et le fléau savait parler, c'est inquiétant...

- Il en avait après moi.

Les deux autres le regardèrent avec un air étonné, tandis que Reiketsu se frottait la nuque, agaçé. Si cet abruti de collègue ne l'avait pas entraîné dans cette galère, il n'en serait pas là... D'ailleurs, c'était où, "là" ?

- Nous sommes actuellement à Tokyo, au lycée d'exorcisme, sourit Satoru Gojo. Mais tu t'en doutais, non ? Après tout, c'est toi qui m'a donné l'idée !