Episode 84
Jovany
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VOTRE CORRESPONDANT EST ACTUELLEMENT EN VEILLE PROLONGEE.
VOUS ALLEZ ETRE REDIRIGE SUR SA MEMOIRE EXTERNE DANS 3… 2… 1…
MERCI DE LAISSER VOTRE MESSAGE APRES LE “HUP !”.
VOTRE ENREGISTREMENT SERA CONSERVE 9125 JOURS.
… HUP !
— Hey, Milia ! … C'est con hein, je m'attends toujours à entendre ton « Yo, Vani ! », comme quand on était gamins. C'est con comme ça me manque : Nojolevos, Nonna, toi, faire des conneries avec toi dans l'arrière-boutique. J'ai tout ce que j'ai toujours voulu, hein, mais y a des jours où j'ai un coup de mou.
En vrai, là tout de suite, ça va pas fort. Y m'arrive des trucs de dingue, t'imagines même pas. Ça me pompe toute mon énergie. Bah, d'ailleurs, c'est pour ça que j'ai pas appelé depuis une paie. Mon padre, ma madre, mes sorelle, y passent leur temps à me remplir la boîte vocale et j'ai jamais une minute pour les rappeler. Et qu'est-ce que je fous là à te raconter maille laïfe, hein ? Pfff. Tu sais bien qu'tu passes avant tout l'monde.
Eh, en parlant de paie, je me fais facile mille plaques de plus par semaine. Et pis, tiens-toi bien, elles tombent direct dans ma poche ! « T'es qu'une marchandise, garçon ! qu'il disait, l'autre ruskov. T'es qu'une pute comme les autres. » Ouais, bah en attendant c'est à moi qu'il a filé les clés du palace pendant qu'y s'la coule douce à l'étranger. Tu confierais ta boutique à « une pute comme les autres » toi ? Nan. Personne fait ça. M'sieur Nikonov y sait qu'je suis un putain d'Boss.
Tu sais c'que j'ai dit à mes vecchi ? Que je gérais une boutique. Ouais, rien qu'ça. Eh, je t'entends soupirer d'admiration dans le futur, là, quand t'auras tou minoutes pour m'écouter. Sois pas jalouse, hein. C'est toi qui m'a planté comme un jirke, faut assumer maintenant.
Tss. Quand j'pense aux plans qu'on avait, hein ! Tu t'souviens comment personne misait sur nous. J'ai zéro regret, Milia. Zéro. Ça me manque pas, tout le monde qui nous répète qu'on a qu'nos corps à vendre. Même la famille – cavolo ! – qu'est là à faire du fercingue en mode « Vas-y ragazzo, va sonner chez Cosm'ethique et, vas-y, fais l'cobaye pendant une semaine ou deux pour qu'y ait d'la viande à table ! » Hein ! On peut dire tout c'qu'on veut ; à côté d'eux, sérieux, moi j'suis pas une raclure.
J'te raconte pas comment y doivent être verts dès qu'y r'çoivent mes virements. Eh, j'suis bon prince quand même ! On dira tout c'qu'on veut, Milia ; j'suis bon prince.
Tu t'souviens comment on s'est tirés, hein ? Toi et moi. J'ai failli clamser avec leurs échantillons d'la mort. Cazzo ! Heureusement qu't'étais là pour taper un scandale dans le hall de Cosm'ethique ! J'ai flippé ma vie qu'ils trucident la famille après ça mais, haï souerre, ça faisait un bien de fou. Ça j'te l'ai jamais dit mais, à c'moment-là, j'me suis dit que t'étais la seule personne qui m'méritait. Et ça, tu sais, j'le pense encore, même si tu m'as lâché comme une salope. Tiens, tu sais quoi ? Dès qu'j'ai assez de côté, j'viens t'chercher, j'te retape et j't'installe au Temple !
BATTERIE FAIBLE.
C'est peinard ici, tu vas voir. Pis j'ai un bon filon. Mille plaques de plus par semaine, j'te dis ! Déjà, y a les frais d'gestions. En gros, j'suis payé comme Nikonov pour jouer les concierges. Pis, comme lui, j'touche une prime à chaque fois qu'j'fais signer un contrat. Mais, encore mieux que ça, y a une nana qui m'paye pour la laisser faire la pute ? T'y crois ça ? Y a pas de contrat, c'est clair, mais c'est une prime par soir avec celle-là.
Ça t'en bouche un coin, hein Milia ! Moi non plus j'y croyais pas quand j'l'ai vue débarquer. J'sais pas comment t'la décrire. Tu vois, c'est pas une belle gosse mais elle a ce truc, là. J'sais pas : tu la vois, et bim, t'as envie d'mourir pour elle. Bah tu sais pas ? C'est pile poil c'qui arrive aux dutchuilz qui la sautent.
Moi j'm'en fous, hein. Elle me donne mes cent plaques et, si on m'demande, j'l'ai jamais vue d'ma vie. Par contre, elle casse les couilles, encore pire que Jeringa. Tiens, l'aut' fois, y a une p'tite paumée qui s'ramène et qui m'fait mettre en pause mon holoporno. Tout ça pour quoi ? Parce que la p'tite dame veut devenir top-modèle ! Nan mais t'y crois ? Même toi et moi on était pas si con qu'ça quand on a débarqué à Elthior. Et pourtant vas-y qu'on s'y voyait déjà : Milia et Jo, animateurs radio sur Les Ondes de Choc ! On était des bouffons, ouais, mais elle, j'te jure, elle a un grain.
Y blaguait pas Jeffrey quand y disait qu'y suffit d'vendre du rêve aux gens. La p'tite là, j'lui ai promis qu'elle en baverait, qu'elle aurait d'la concurrence et qu'elle allait d'voir tout sacrifier pour le Temple. Bah bingo, elle a signé direct. L'a même pas lu l'contrat. T'y crois, ça ? J'te jure, quelle kount. Ben tiens-toi bien, à peine j’enrôle la p'tite que Jeringa me tape une scène. Normal quoi : Jeringa. Et v'là t'y pas qu'ma poule aux œufs d'or vient tambouriner à mon bureau pendant les heures de taff, alors que j'étais en plein avec un client, pour me traiter d'enflure et tout ça. Nan mais sérieuse, la gonzesse. T'sais pas, elle a commencé à m'menacer genre « T'as déconné mon gars ! D'où tu forces des mômes à baisser leur culotte ? » Alors, primo, pétasse, la p'tite elle est majeure. Deuzio, quand t'as pas d'famille friquée pour te dorloter, le Temple, c'est zeu phoquing paradayze.
BATTERIE FAIBLE.
Haï souerre, Emilia. Tu vas adorer ici.
Bref, la tueuse millionnaire m'engueule comme jaja. Et vas-y que si j't'y reprends j'te fais goûter à mon venin. Nan mais comme si j'allais m'laisser empoisonner par cette cinglée ! J'pensais qu'elle allait me lâcher la grappe mais, t'sais pas, v'là qu'elle se pointe au p'tit matin et me balance franco : « Eho l’affreux Jojo, tu vas m'faire voir tout les contrats et rien n'sera validé sans mon approbation. Pis tiens, j'rencontrerai personnellement les nouvelles recrues pour une soirée d'essai avant qu'elles s'fassent pucer ! » Nan mais ouate ze phoque, elle a rien d'autre à foutre la céréale killeze ? Tss. Si elle m'filait pas des plaques, ça fait longtemps que j'lui aurais balancé ses quatre vérités.
— Les quatre vérités de quiiiii ?
— Eh ! Ta Cyprine-Saphir ou chais pas quoi t'a pas appris à frapper aux portes ?
— Wow, l'affreux Jojo, faut prendre un peu d'sourire en poudre, mon pote !
— Ouais, ouais, allez, du vent. Tu vois pas qu'suis occupé ?
— Si, si. Capisce. Ciao l'idiot !
— Elle, c'est Katerina Luski. Un putain d'bon numéro. Les clients se l'arrachent. Y en a qui disent qu'elle a le goût d'barbe à papa, genre où tu vois. Elle est chiante, genre attachiante. Pis elle est comme moi, elle adore prendre son pied.
BATTERIE FAIBLE.
Pfff. J'enrage que tu t'sois cassée en solo, Emilia, sans déc. Tout ça parce que tu pouvais pas blairer Jeffrey, hein. T'avais la rage qu'il ait de meilleurs plans qu'toi, pis tu voulais pas m'prêter d'toute façon, avoue... N'empêche que Jeff avait raison : le sexe, ça rapporte gros. Alors ouais, j'suis peut-être une pute de luxe, mais ça servait à quoi d'faire ta fière en vrai, hein ? « Moi j'suis indépendante », « Moi j'baise qui j'veux, comme j'veux et si j'me sens d'humeur ! ». Tu t'sens de quelle humeur, dis-moi, dans ton tiralasauvette sans contrôle sanitaire, à écarter les cuisses tous les quarts d'heure shoutée au nibilium ? Fière ? Eh, t'en fais pas Emilia, t'es mon prochain investissement. T'es l'genre de contrat qui fera chialer de joie l'autre pétasse.
— Euh, Jojo, j'arrête pas de frapper mais tu me calcules pas, alors j'entre quand même.
— C'est Boss, Gummy. Combien d'fois faut t'le dire ? On ne répond qu'à nos pseudos.
— Faux : tu viens de me répondre. Plus important : Yirwv a pété les plombs, elle récite en boucle le prompteur des bornes d'union civiles et le technicien d'Hiratek n'y comprend que dalle.
— Et qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ?
— Je sais pas, c'est toi le Boss. Y a déjà deux clients qui l'attendent.
— T'as quelque chose dans tes fouffes qui ressemble à une tenue de cérémonie ?
— Yes, Boss !
— Bon, j'dois raccrocher Emilia. Faut qu'j'aille enfiler ma tenue de mariée.
HUP… HUP…
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