La nuit comme une marque de sel
Dans le ventre de fer du vaisseau
où les mâts, rêvant debout, pointent vers le rien,
ils dorment tous,
tous, sauf les ombres.
Des bruits, comme des souffles d’un autre temps,
des pas qui glissent entre les cordages,
l’équipage chavire dans des draps essorés,
les yeux noyés de hantises.
Ils voient, tous, ce qu’ils n’osent dire :
les feux dans la mer,
des éclats d’étoiles qui rampent sur les flots,
des ombres aux yeux vides qui dansent en silence,
et ce chant, ce chant
qu’aucun d’eux ne connaît mais qui palpite
comme une prière dans les veines ouvertes.
Le capitaine s'écorche en suppliques
à la lune invisible
et la mer, géante sourde,
rit de ses dents de geisha.
Ils naviguent ainsi,
pleurant entre deux mondes
dans une langue qui ne peut être sue.
Et au matin, ils diront
qu'ils ont rêvé,
que rien ne s’est posé sur le pont,
mais tous garderont
sur leur peau la trace des ombres,
la brûlure du sel qui mord
là où l'invisible a touché.
Et le navire,
ivre de songes et de cauchemars,
dansera encore,
sans fin.
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