Épilogue
Aux abords du désert, depuis quelque temps, on racontait une bien étrange histoire dans les bars et autres lieux publics. C'était le vieux Jerry, un baroudeur du désert qui avait commencé par affirmer à qui voulait bien le croire que le désert était peuplé par des géants, ce que tous prirent pour une hallucination de sa part.
Quelques jours plus tard, c'est un employé de supermarché qui jura avoir vu un soir, deux silhouettes monstrueuses sur le parking désert, alors qu'il sortait une benne de produit invendu. De peur, il avait fui, mais une fois son courage revenu en se persuadant que sa vision n'était pas possible, il retourna sur le parking pour y découvrir la benne complètement vidée.
On racontait également que dans un restaurant de burger d'une célèbre chaine de fast-food, un client peu conventionnel avait été remarqué. À la fermeture, alors que l'un des équipiers nettoyait la salle de restaurant de l'étage, il y aurait aperçu ce qui semblait être un extra-terrestre, installé à une table. Un petit être plutôt grisâtre avec une tête énorme d'après son témoignage. Quand l'employé était revenu avec des collègues, il n'y avait plus de trace de cette vision, juste une porte laissée ouverte vers la terrasse extérieure. Mais cette histoire-là ne sembla pas avoir de rapport avec les géants du désert. L'employé déclara quand même qu'il avait gagné sept centimètres depuis son étrange rencontre et qu'il ne se l'expliquait pas.
Les témoignages paranormaux s'étaient alors tellement multipliés en quelques mois, que l'affaire fut prise très au sérieux par les autorités locales. Le chef de la police, un brave moustachu qui avait fini par croire à l'histoire des géants, promit d'organiser une battue de recherche dans la partie la plus sauvage du désert. Tout le monde en ville s'était porté volontaires, pris par l'effervescence des rumeurs. Peu de gens avouaient sérieusement y croire, mais l'excitation de trouver potentiellement une forme de vie surnaturelle avait motivé plus d'un curieux à se déplacer.
Les recherches dans le désert durèrent trois jours et deux nuits presque continuent. Les chaines de télévision locales avaient relayé l'information et c'est toute la région qui fut touchée par la fièvre des géants. Malheureusement, les recherches furent un échec. Aucune preuve tangible de leur existence n'avait été découverte, si bien qu'on ne reparla plus de cette histoire. On n'entendit plus non plus le moindre témoignage de personnes ayant aperçu de près ou de loin les fameux géants.
Avaient-ils disparu, ou bien n'avaient-ils jamais existé ? Les recherches avaient fini par donner raison aux sceptiques, ceux-là mêmes qui s'était laissé séduire à l'idée de débusquer un de ces géants.
— Tu vois, je te l'avais bien dit que ce n'était que du flan cette histoire. Lança avec un peu d'arrogance, le chef de la police à son second.
Plusieurs semaines étaient passées depuis, le calme était revenu et la voiture de police sillonna la ville pour sa patrouille habituelle. Le petit second n'osa pas reprendre son chef, même avec les très sérieux témoignages enregistrés ni les recherches personnelles qui l'avaient conduit à un article intriguant, relayant de mystérieux phénomènes de changement de taille chez des clients de fast-food. Il avait été tant investi dans l'enquête, mais comme une mode dépassée, il se fit une raison et préféra tourner la page pour ne plus être moqué.
Le poste de radio dans la voiture de patrouille était branché sur l'antenne locale de la petite ville, le chef moustachu aimait l'écouter quand il patrouillait. Le morceau qui passa à ce moment sur l'antenne était joué par un groupe qui s'était installé dans une caravane à la périphérie du désert. Ils avaient été remarqués par l'animateur radio vedette de la station et étaient depuis diffusés régulièrement. C'était devenu un petit succès local. Leur titre « Les monstres les plus libres du désert » était un grand succès public.
Dans une interview du groupe diffusé aprés le morceau, les deux artistes expliquaient avoir un message à faire passer avec leur musique. « Parfois, on pense être trop grand pour être tranquille, ou trop petit pour se faire entendre. Mais la plupart du temps, on n'est juste pas la bonne personne au bon endroit. » Racontait alors le jeune homme, d'une voix posée.
La voiture de patrouille passa justement devant le campement des musiciens. Avec une joie non dissimulée, le second fit de grands signes au jeune musicien posé devant ça caravane, le chef de la police le salua d'un geste plus sobre, de son index vers son chapeau.
Depuis l'auvent de la caravane, sur une chaise en osier, la guitare à la main, Chris leur répondit d'un hochement de tête.
Plus tard, Chris fut rejoint par Patricia qui sortit tout excitée de la caravane une feuille de papier à la main.
— Regarde, je viens de finir ce texte, qu'est ce que tu en penses ? demanda Patricia en lui tendant la feuille.
— Hum... C'est vraiment cool ! s'extasia Chris après lecture.
Tiens au fait, il y a le chef de la police qui est passé avec son second, ils m'ont salué.
— C'est vrai ? Alors qu'ils étaient les premiers à vouloir nous chasser dans le désert, ils font ami-ami maintenant. Je ne les comprends vraiment pas. Songea Patricia, suspicieuse.
— Si tu veux mon avis, répliqua Chris en riant, sa guitare prête à être gratté, ils n'ont toujours pas compris qu'on était de « dangereux géants du désert ».
La journée toucha à sa fin, et le soleil brûlant s'enfonça dans l'étendue des steppes. Laissant alors la place à une lune bien ronde, qui ferait probablement danser toutes les lumières du désert ce soir encore.
Annotations
Versions