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Iséa prit son courage à deux mains. Elle n'était pas encore sortie de sa propriété depuis son arrivée dans cette petite ville, et l'idée de faire sa première exploration pour aller rencontrer au coin d'une rue quelqu'un qui l'espionnait depuis le premier jour, ne la ravissait pas complètement. Première chose : elle devait impérativement aller se changer.

Au premier étage, elle tourna à droite en direction de sa chambre, la plus grande de toutes. Elle enfila rapidement un pantalon en coton beige ample pour être à l'aise et un petit haut blanc fait au crochet, elle prit ses sandales et redescendit les escaliers en direction de la porte d'entrée. Avant de partir, elle ne manqua pas de jeter un oeil au miroir et de recoiffer ses quelques mêches rebelles. Après tout, on ne pouvait pas deviner qui l'on pourrait croiser à l'extérieur, en cette belle et chaude après-midi.

La première fois qu'elle avait traversé le jardin d'accueil par le chemin pavé, elle se souvint qu'elle avait été éblouie par les grands lampadaires anciens, en fer forgé, qui ornaient de façon régulière chaque côté du passage, avec leurs deux grandes lanternes faiblement éclairées et les fleurs multicolores qui en pendaient. Il faisait nuit à ce moment-là et elle se rendit alors compte qu'elle ne se doutait pas à quel point elle en avait sous-estimé la beauté. Le reste du terrain, alors dans l'ombre, lui était désormais révélé. Une multitude d'arbres, aux tailles, aux formes et aux couleurs différentes, tous fleuris. D'autres, sculptés, éparpillés sur l'ensemble de la pelouse, représentaient des animaux divers. On pouvait ainsi reconnaître une famille d'éléphants avec deux petits et quelques lamas.

Elle remarqua également que se cachaient, ici et là, de petits nains, tous différents et plutôt amusants : que ce soit dans leur position, comme celui-ci qui se tenait en équilibre, sur le point de tomber, ou dans leur esthétique, comme l'autre qui possédait plusieurs moustaches, au pied du cerisier. Iséa pressa le pas, non pas qu'elle était impatiente de confronter son "admiratrice", mais elle ne voulait pas non plus manquer l'occasion de comprendre enfin ce qu'il se passait et la raison de ses agissements étranges.

- Tu as été longue.

- T'as beau être mignonne, j'allais pas venir en maillot de bain.

Puis un moment de silence s'installa – et de façon plutôt confortable puisqu'il dura plusieurs minutes – et Iséa finit par s'impatienter.

- Tu m'as demandé de venir jusqu'ici pour que tu puisses mieux me reluquer ou tu as vraiment quelque chose à me dire ?

- Ne fais pas attention à elle, elle est toujours comme ça.

Une voix féminine inconnue s'était élevée juste derrière elle, la faisant sursauter.

- Pardon, je ne voulait pas te faire peur. Elle, c'est Divina, ma petite soeur. Moi c'est Vanessa, mais ici tout le monde m'appelle Vani.

- Salut, moi c'est Iséa... et personne ici ne m'appelle autrement pour l'instant, enfin, je crois.

Vanessa était très différente de sa soeur, petite en taille et fine contrairement à sa soeur légèrement plus grande et plus en chair, avec de longs cheveux noirs comme la nuit qui dégoulinaient jusqu'à ses hanches et les yeux vairons dont un était bleu comme ceux de sa soeur et l'autre d'un joli noisette. Iséa eut du mal à détacher son regard d'elle, elle était belle et sa voix était envoûtante, terriblement féminine et mélodieuse, comme aurait pu être celle d'une sirène.

"Les sirènes sont des monstres, magnifiques et divines, certes, mais dangereuses... elles ne sont sûrement pas soeurs pour rien"

- Divina, rentre à la maison, tout de suite.

- Je dois la prévenir Vani, sinon le malheur s'abattra sur elle et sa famille.

- Oui évidemment, tu la préviendras en temps voulu, mais là, ce n'est pas le moment. Rentre.

Divina sembla hésiter, regardant les deux aînées l'une après l'autre, mais un froncement de sourcils de sa soeur eût raison de sa dernière once de volonté. Elle se retourna et partit calmement, comme si rien ne s'était passé.

- Ta soeur va bien ?

Vanessa se retourna brusquement vers elle. Pendant une seconde, elle sentit son regard terriblement froid, encore plus que l'avait été celui de sa cadette, mais celle-ci changea très rapidement d'attitude, retrouvant son grand sourire et ses yeux brillants, comme à son arrivée.

- Quoi ? Non pas du tout, elle va très bien. Elle n'est pas folle tu sais, juste un peu... différente, d'une certaine manière, mais tout le monde l'aime beaucoup ici, elle donne de précieux conseils malgré son jeune âge.

- Oh ne t'en fait pas, je n'ai jamais dit qu'elle était folle, je me demandais juste si elle n'avait pas besoin de repos. Je la trouvait un peu abattue et épuisée, c'est pour ça... au cas où elle soit tombée malade.

"Menteuse" se dit-elle alors à elle-même, tout en essayant de garder la face.

- Tu es arrivée il y a peu dans le coin, si tu veux je peux te faire visiter quelques endroits sympas ?

- C'est très gentil Vanessa mais...

- Vani.

- ... Vani, mais je dois rentrer, ma mère ne va pas tarder et je n'ai pas vraiment envie qu'une nouvelle dispute éclate entre nous, c'est déjà assez tendu comme ça.

- Elle ne sera plus en colère très longtemps...

- J'insiste, une prochaine fois. Ce week end, si tu veux, mais merci pour cette proposition, c'est super de rencontrer enfin quelqu'un !

- Tu as rencontré ma soeur juste avant.

- Je voulais dire quelqu'un de mon âge, rien à voir avec ta petite soeur, elle à l'air... gentille !

- La prochaine fois qu'elle vient t'embêter devant chez toi, fais-moi signe, je lui dirait de te laisser en paix.

Elles échangèrent leurs numéros et Iséa prit congé. Elle jeta un léger coup d'oeil derrière elle au niveau de l'intersection, et au moment où elle s'engageait dans l'autre rue, elle aurait juré avoir vu le visage de sa nouvelle amie se relacher d'un coup. Elle rentra chez elle le plus rapidement possible, ferma la porte à clef et se mit a genoux devant la cheminée éteinte du grand hall, entre les deux escaliers menant au premier étage.

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