3 - 7

4 minutes de lecture

Une fois qu'elle referma la trappe, elle poussa un soupir de soulagement et respira un grand coup d'air frais, le vent carressait à nouveau ses cheveux et son visage, l'air ambiant parfumé par l'oderu de l'herbe fraîchement coupée et les fleurs odorantes des jardins avoisinants. La journée était presque terminée alors avant de toucher à quoi que ce soit, elle prépara un mélange de légumes qu'elle mit à bouillir dans l'eau à feu fort qu'une fois cuits elle égoutta et remit à cuire dans l'huile, ajoutant épices et concentré de tomate, préparation qu'elle agrémenta de viande hachée avant d'en fourrer des feuilles de brick. Une fois fait, elle les laissa au frigo en attendant le moment de passer à table pour qu'ils soient bein croquants. Le repas étant prêt et le riz l'accompagnant déjà prêt de la veille, elle pouvait désormais vaquer à ses recherches. Elle se dirigea vers l'entrée et sortit les boîtes de médicaments, ainsi que l'ordonnance de leur poche. Il y avait là plusieurs boîtes d'aspirine, des médicaments pour les crampes d'estomac mais également, moins communes, des boîtes de Vortioxétine et de Loxapac. Elle se saisit de son nouveau téléphone et tapa les deux intitulés dans la barre de recherche, constatant avec stupeur que le premier était un anti dépresseur très puissant, et le second un neuroleptique atypique.

"Maman, comment t'as pu me cacher ça ?! Et... Comment je n'ai rien vu ?!"

Son monde s'écroulait, sa mère, une malade mentale ? Impossible, ce devait être un cauchemars, ça ne pouvait pas être réel. Elle s'assit sur l'un des tabourets haut de la cuisine ouvert et s'adossa au bar s'étonnant que la fontaine en face d'elle aies désormais la tête tournée en sa direction, toujours l'air triste, main tendue. Peut-être étais-ce une illusion d'optique, après tout elle ne se positionnait jamais ici les seules fois où elle s'installait au bar, mais à l'opposé. Elle se leva et s'approcha du visage de la femme.

"Où est ton bébé..."

L'eau devint alors plus sombre et épaisse et les yeux par lesquels jaillissait l'eau clair se teintèrent de noir en même temps que leur liquide. Un sanglot éclata juste derrière elle, la faisant sursauter, mais lorsqu'elle se retourna, rien, ni personne ne se trouvait là, pourtant elle était sûre d'avoir entendu une femme pleurer à l'instant.

- Maman, c'est toi ?

Lorsqu'elle tourna à nouveau le dos à la cuisine, le visage de la femme était redevenu normal, et l'eau également, la matière gluante et visqueuse traînant désormais au fond du bassin, trop lourde pour être propulsé à nouveau par les pompes dans les tuyaux et trop épais pour être soluble.

"Encore quelque chose que je vais devoir nettoyer moi-même, quelle horreur, ça fait combien de temps que les tuyaux ont pas été vidangés ?"

Son attention se porta à nouveau sur son téléphone, cette fois-ci elle chercha la définition de "Bébé Bulle" bien qu'elle ait déjà à ce sujet un mauvais pressentiment et la réponse ne se fit pas attendre. Le premier site qui s'afficha sur la page de résultat donnait deux autres synonymes ainsi qu'une définition rapide et claire : "L'appellation bébé bulle ou bébé ballon / bébé ange désigne un enfant décédé."

"Oh maman..."

Une vague de tristesse s'empara d'elle. Elle aurait dû avoir une grande soeur, c'était à la fois terrifiant de savoir que toute la vie qu'elle avait pu menée, jusqu'à son nom n'était dû qu'à la mort de celle qui aurait dû être son aînée et terriblement malheureux qu'elle ne puisse jamais connaître le fait d'avoir une soeur, cette confidente et vraie amie qui l'aurait suivie dans tous ses déménagements, chose qu'elle n'avait jamais pu avoir. Une relation fusionnelle et indestructible. Peut-être qu'elles n'auraient même pas procédées à autant de déménagements si elle avait été encore en vie ? Peut-être même qu'Iséa ne serait donc pas venue au monde ? Elle ne savait plus si elle devait remercier le ciel d'être née et en vie, ou si au contraire elle devait le blâmer pour les souffrances qu'il avait causé.

C'était donc ça le mot de passe de l'ordinateur, on dit que l'on ne se remet jamais totalement de la perte d'un enfant, c'était sans doute vrai finalement, même vingt ans plus tard, sa mère semblait toujours très sensible, refusant d'oublier et de faire son deuil de cet évènement. Il était désormais bientôt vingt heures, beaucoup trop tard pour appeller le numéro sur le carton qu'elle avait gardé dans sa poche – politesse oblige – et devrait donc attendre le lendemain afin d'en savoir plus sur la raison qui avait poussé sa mère à collecter tous ces clichés d'hommes sous toutes leurs coutures, et quel était le lien entre ça et la personne qu'elle obtiendrait au bout du fil. Après plusieurs tentatives d'appel à sa mère sans toujours obtenir de réponse malgré un bruit quelques minutes auparavant, elle abandonna, mettant sa portion au frais après avoir elle-même dîné.

Elle monta dans sa chambre, ferma la porte et sortit son petit carnet, pour y inscrire ses récentes découvertes, avant d'aller se coucher.

Annotations

Vous aimez lire □ □ □ ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0