Bonus III Anna
Anna aimait particulièrement le quartier des Persévérants même si elle ne regrettait pas d'être Soigneuse. En effet, il y avait peu de monde ce qui laissait un calme. Puis, Valentine possédait donc une chambre à elle toute seule comme Laurène, ce qui était bien pratique pour que les deux jeunes filles se retrouvent. Autant dire, que la rouquine décampait souvent de sa chambre et que ses copines qui la partageaient, étaient heureuses d'avoir un peu plus d'espace. Anna ne pouvait pas leur en vouloir, avoir de l'espace, c'était cool. Et de l'espace dans la chambre de sa petite-amie, il y en avait.
La rouquine se redressa, agressée par la lumière du soleil, elles avaient oublié de fermer le rideau. Elle baissa les yeux vers sa grande cicatrice qui parcourait tout le flanc droit. Elle ne la détestait pas cette cicatrice, elle l'avait depuis ses 7 ans, cependant, cela lui remettait des mauvaises images en tête. Des images qu'elle aurait bien voulu oublié. Les doigts de Valentine parcoururent la cicatrice avant qu'elle sente le menton de cette dernière contre son épaule.
– Tu y repenses souvent ? demanda la Persévérante.
– À quoi ?
– Ce jour, où tu te l'ais faite.
– Dès que je me regarde dans le miroir, murmura la rouquine. C'est étrange parce que je n'ai pas beaucoup de souvenirs, pourtant, j'ai l'impression que cela a été le jour le plus important de ma vie. Et c'est vrai, cela a impacté beaucoup de chose.
– C'était... l'accident ?
– Oui. Celui qui a coûté la vie de ma mère.
– Je suis désolée, souffla Valentine en déposant un baiser dans le coup d'Anna.
– C'est la vie... j'ai de la chance d'avoir que très peu de souvenirs de ce moment, pour reconstituer cette soirée, c'est mon père qu'il me l'a raconté. Il a tenu jusqu'à ce que je sois assez grande, puis il a sombré d'un coup. D'un seul coup, il est tombé, comme s'il n'était plus assez fort.
– Il attendait que tu sois assez forte, et tu l'es maintenant, assura Valentine en la prenant dans ses bras.
– Je ne sais pas...
– Aaron va nous entraîner, toi y compris. Forcément tu vas t'améliorer, et on saura se défendre. Franchement chou, ne remets pas tes capacités en doute. Tu es très bien comme tu es.
– Tu sais... je me suis souvent demandée comment serai ma vie si ma mère était vivante. Ce qu'ils se seraient passés, aurait-elle accepté de me laisser ici ? Comment j'aurais grandis avec elle ? Mais je ne le saurai jamais. Je n'ai vécu que les conséquences de sa mort.
– Tu ne devrais pas repenser à cela. Oui le futur dépend de l'avenir, mais cela ne sert à rien de te tracasser avec cela.
– Je ne me tracasse pas avec cela. C'est juste que des fois je réfléchis à ça, parce que je ne peux pas oublier quand même. Puis j'me dis, si j'avais été plus vieille, j'aurai pu soutenir mon père...
– C'est pour ça aussi que tu veux faire Soigneuse, non ? devina Valentine.
– Un peu, si je peux éviter la mort à des personnes à défaut de ma mère... c'est comme une manière de me racheter de l'accident et de la mort de ma mère.
– Mais ce n'était pas ta faute, la mort de ta mère. Ce n'est pas la faute de ta mère non plus.
– C'était leur anniversaire de mariage, murmura la rouquine. Et j'avais insisté pour qu'ils aillent au restaurant car ils étaient tellement mignons... si je n'avais pas insisté, on ne serait pas sorti ce jour-là et ma mère ne serait pas morte. C'est entièrement de ma faute.
– Tu avais 7 ans ! Et c'est de la faute aux personnes irresponsables qui prennent le volant et tuent les gens. Ils vivent avec une culpabilité et la mérite pour toutes les conneries qu'ils font.
– Il y a des accidents qui ne sont pas dus à des cons Val. Une inattention, un simple relâchement peu tout coûter.
– Ce n'était pas cela dans le cas de ta mère.
– Oui. Le conducteur avait pris de la cocaïne, et il est genre ressorti de prison un an après alors que ma mère a pris la mort. Mais on ne peut rien y faire, on ne décide pas des peines, ni de l'irresponsabilité des gens.
– Ces personnes-là devraient mourir, déclara durement Valentine.
– Ces personnes-là gâchent leurs vies déjà, c'est suffisant. Mais qu'ils entraînent la mort des gens dans leur connerie... oui c'est putain d'injuste mais on y peut rien. Juste espérer qu'un jour ils restent en taule de nombreuses années pour comprendre. Et aussi qu'ils se fassent soigner.
– Tu es beaucoup trop gentille, murmura Valentine en lui embrassant la joue.
Août 2010 :
Sortant d'un restaurant côté pour leur dix ans de mariage, le couple Roy décida de se balader au centre ville, tenant chacun leur fille d'une main. La jeune Anna, toute joyeuse, sautait légèrement à la place de marcher. Le restaurant était agréable puis voir ses parents heureux la rendait aussi heureuse. Elle se sentait bien, et ses parents aussi. Après leur balade, ils regagnèrent leur voiture. La femme attacha sa fille à l'arrière avant de déposer un baiser sur son front. Elle monta dans le siège passager en avant. Alors qu'elle attacha la ceinture, son mari l'embrassa et il tourna la clé. La famille Roy prit donc la route tranquillement. Au bout de quelques minutes, la jeune Anna s'endormit paisiblement à l'arrière. Toutes voitures, illuminaient le regard des gens avec les phares. M. Roy dut freiner vivement, à cause d'une voiture aux phares défectueux qui ne se remarquaient pas. Cela réveilla la petite fille qui se cogna au dos du fauteuil de sa mère. Anna commença à pleurer en se tenant le front. M. Roy ne quitta pas la route des yeux pendant que sa femme se retourna pour s'occuper de leur fils. Alors qu'elle releva la tête elle vit une voiture zigzaguée en plein phare.
– Emmanuel ATTENTION ! hurla la maman d'Anna.
Sauf que c'était déjà trop tard. Le chauffard rentra dedans et ils percutèrent le béton. Anna hurla, se retapant la tête une seconde fois contre le siège de sa mère. Néanmoins, elle fut sonnée pendant quelques minutes. Puis, elle se détacha et sortit pour voir ses parents. Le conducteur de la voiture non éclairée se précipita vers elle, un portable à l'oreille, en ligne avec les secours. Le père d'Anna n'était pas inconscient, mais il ne pouvait pas parler, ni bouger pour le moment. Clara bougea vers sa mère. Elle ne bougeait pas, et ne réagissait pas. Anna ouvrit la portière et bascula sa mère. Sa poitrine ne se soulevait plus, et ses yeux grands ouverts n'esquissaient aucun mouvement.
– Maman, fit la jeune fille en lui prenant la main. Maman réveille toi ! Tu ne peux pas dormir là, ce n'est pas le moment.
La petite fille bougeait le bras de sa mère, sauf que cela ne donnait aucun résultat. Lucile Roy ne se réveillait pas.
– Maman ! sanglota la petite fille. Tu dois te réveiller.
L'adulte resta auprès de la petite fille sans oser bouger puis le camion de pompier arriva. Les pompiers prirent en charge les parents. Un pompier examina Anna et l'entraîna dans le véhicule pour la transporter à l'hôpital pour qu'elle subisse des examens plus poussés. Elle risquait sûrement un impact cérébral. Cependant elle ne voulait pas lâcher sa mère. Les pompiers se regroupaient vers elle avant de se regarder en chien de faïence.
– Nuque brisée, elle est morte sur le coup.
– Au moins, elle n'aura pas souffert...
La petite fille comprenait un peu le mot mort. Elle ne voulait pas lâcher sa mère et hurlait dès que les pompiers tentaient de la retirer. Elle vit son père transporté dans un brancard et on dut l'arracher à la main de sa mère pour l'emporter avec lui.
Quelques jours plus tard :
Anna n'avait jamais vu son père dans un si mauvais état. Dans son habit noir, Emmanuel Roy ressemblait à un fantôme avec son teint pâle presque maladif et ses cernes interminables. Après s'être réveillé pleinement conscient le lendemain de l'accident, l'homme avait directement appris le décès de sa femme. Cela l'avait anéanti. Il avait perdu une des choses les plus précieuses de sa vie. Habillée de noir, Anna comprenait juste qu'elle ne reverrait plus jamais sa mère qui se trouvait dans un cercueil prêt à être enterré. Avant que son père entame un discours, la petite fille repéra une tête brune dans la foule et se dirigea directement vers elle. Valentine s'extirpa de la foule et se jeta dans les bras de son amie.
– Je suis désolée pour ta maman, murmura la petite fille.
Les larmes de la rousse roulèrent sur ses joues alors que deux mains s'appuyèrent sur ses épaules.
– On est là, nous aussi. Tu peux compter sur nous, affirma la jeune Laurène.
– Oui, on ne te lâche pas, assura Clara à son tour.
C'était un des moments les plus durs de la vie d'Anna. Heureusement, son père était là pour la soutenir et elle avait la chance d'avoir trois amies en ors dès son jeune âge. Elle ne se souvenait pas vraiment de l'accident, seulement du corps inerte de sa mère, mais toutes les conséquences qui en découlaient : son père veuf et déprimé, orpheline d'une mère, les regards de pitié des autres personnes mais surtout l'absence insupportable d'une mère qui avait toujours été là pour elle. Anna n'avait pas encore conscience de tout cela, mais elle allait le vivre, et plus tard, en grandissant, elle se rendrait compte de tout ce qu'elle avait perdu ce jour-là à cause d'un chauffard alcoolique et drogué.
Avril 2017 :
À 14 ans, Anna sortit de sa chambre. Elle remit la couette sur le corps de son père, affalé sur le canapé. Anna éteignit la télévision et ramassa les épaves de bouteilles qu'elle jeta dans un sac poubelle qu'elle laissa dans la cuisine. Elle attrapa ses écouteurs après avoir écrit un mot à son père et attrapa le bus ri-craque. Tout le monde la fixa dans le bus, connue comme l'orpheline de maman, les gens la regardaient avec pitié. Anna ignora leur regard comme d'habitude et s'installa au fond du bus. Elle fixa une maman qui tenait prudemment sa poussette avec ses mains. Durant tout le long du trajet, elle pensa à sa vie si sa mère avait été vivante. Son père n'aurait peut-être pas sombré... elle n'aurait pas à tout gérer toute seule quasiment.
Elle descendit à l'arrêt du collège mais s'arrêta après quelques pas. Elle ne pouvait pas se présenter à ses amies, à deux doigts de pleurer. Elle aurait encore Valentine sur le dos pendant des semaines, même si cela ne la dérangeait pas. Alors qu'elle se mit à pleurer, elle sentit une main lui saisir le bras.
– Anna, qu'est-ce qui ne va pas ? s'inquiéta Laurène avant de la lâcher.
– Les autres...
– Val et Clara ne sont pas là.
– Cela reste entre nous ? Hein Laurène ?
– Bien sûr, souffla cette dernière avant de se poser à ses côtés. Que se passe-t-il ? Tu sais que si tu as besoin et si tu le veux, tu peux nous parler.
– Je sais...
Laurène ne posa pas plus de questions, respectant le silence de son amie. Elle se contenta de marcher à côté d'elle en lui lançant quelques regards à son amie qui cherchait ses mots. Anna savait qu'elle devait se confier, que ce soit à Laurène, Clara ou Valentine. Elle devait se confier et son amie lui tendait une perche, elle devait la saisir.
– Je n'y arrive plus, murmura Anna.
– Comment ça ? fit Laurène en s'arrêtant.
– Mon père se lève que pour travailler, sinon il reste coller au canapé, sans rien faire, sans rien dire, sans vivre. Je dois tout faire toute seule à la maison. Je... je ne sais pas comment je vais tenir Laurène, c'est un miracle que j'arrive à trouver du temps pour travailler ! Comment je peux faire ?
Laurène ne répondit pas tout de suite, réfléchissant.
– Est-ce que vous avez assez d'argent pour vous payez une femme de ménage ? Cela te soulagerait et tu aurais plus de temps pour travailler. Puis, pour les cours, j'ai seize de moyenne, si tu es paumée, tu sais bien que tu peux me demander de l'aide quand tu veux.
– Merci Leau...
– Hey, on est là. On te l'a dit il y a 7 ans et cela sera toujours le cas, en tout cas pour moi.
Anna lâcha un sourire et serra Laurène dans ses bras. Valentine et Clara qui les avaient aperçues, les rejoignirent et s'ajoutèrent à leur câlin. Malgré l'absence ainsi que les difficultés de la vie, l'adolescente était heureuse de savoir qu'elle pouvait toujours compter sur elles trois.
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