Chapitre 34 :

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Laurène n’avait eu de nouvelles, seulement quelques jours après. Elle savait juste que son partenaire se portait bien. Si Ignisaqua ne lui avait absolument pas expliquer son plan, il paraissait confiant.

Au cours du mois qui passa, Laurène s’entraînait tous les soirs aux partages, obnubilée par les jais de lumière qu’elle avait pu former. Et après débat avec son dragon, il avait accepté de lui débloquer la capacité pour la maîtriser. C’est là qu’elle réalisa que les humains en savaient si peu sur les dragons… qu’elle en savait si peu sur Ignisaqua, finalement.

La Liée s’améliorait de jours en jours avec ce partage particulièrement épuisant qui lui laissait tant d’interrogations. Cependant, elle accroissait la puissance de son pouvoir. Elle allait devenir encore plus forte, presque invincible afin d’échapper du village. Et d’être digne de la communauté. Digne d’être sauvée, d’en valoir la peine.

L’adolescente avait repris un peu de poids, cependant, chaque nuit, elle pleurait en examinant son corps meurtris. Laurène aurait voulu que ça ne l’impacte pas autant, mais dès qu’elle observait ses cicatrices, des flashs revenaient, la sensation de douleur revenait. Et elle pensa, qu’ils ne viendraient vraiment pas la sauver. Pour toujours elle resterait avec eux. La Liée se demandait ce que pouvait faire Aaron pendant ce temps. Son job ? Des missions ? Du temps passé avec Sara ? Secrètement, elle espérait qu’il passait son temps à élaborer un plan pour la sauver. Si sa captivité lui avait bien fait réaliser quelque chose, c’était bien ses sentiments. Oui, elle était amoureuse d’Aaron et voulait garder le mince espoir que cela soit réciproque. Sinon, elle attendrait, le temps qu’il faudrait pour qu’il soit libre, ou qu’elle soit guérie de cette sensation.

Durant le mois écoulé, Laurène commençait à comprendre petit à petit certains ennemis. On les élevait avec une croyance opposée à celle promue par la société. N’étant pas croyante dans aucun côté, elle possédait donc une vision et un avis neutre par rapport à eux. Elle ne leur pardonnait rien, mais elle comprenait qu’une grande majorité était manipulée par cette confession, par les personnes qui les dirigeaient et qui s’enfonçaient dans leur croyance. Cependant, la jeune fille devait avouer que l’autre partie de la société aussi ! Aucune des deux factions ne laissait la place aux idées de l’autre. Laurène commençait sérieusement à se poser des questions, à douter.

Peut-être était-ce possible de trouver une solution permettant aux deux parties, pas de se réunir, ils étaient beaucoup trop différents, mais, pourquoi pas une trêve ? Il y aurait peut-être une solution permettant de limiter les dégâts de chaque côté. La famille de Luc était gentille, vraiment, certaines personnes aussi, et Laurène estimait qu’il ne méritait pas de mourir. Mais elle se demandait bien comment elle pourrait les épargner…

Étrangement, en un mois, même si elle ne parlait à personne, elle avait tout de même sympathisé avec un ennemi : Luc. La Liée s’était contrainte à faire des efforts puisqu’il restait collé à ses basques H24. Au final, le jeune homme baissait la garde, peu habitué aux autres. Ils avaient donc fini par bien s’entendre, ce qui les aidait à ne pas s’entre-tuer. Mais cela s’était fait naturellement, leur caractère s’accordait bien.

Même si elle le trouvait un peu plus sympathique, Laurène n’oubliait pas qu’il demeurait un ennemi. Elle devait toujours faire attention à lui. Aussi, se créer des connexions lui permettrait d’obtenir des informations, du moins elle l’espérait puisqu’elle n’avait plus que ça à faire. Luc faisait encore attention. Elle gagnait peu à peu sa confiance et celle du doyen. Dans quelques temps, elle pourrait chopper des informations pour mieux comprendre ! Mais pour cela, il lui fallait quelques semaines. Loin de ses amies. Loin de son frère. Loin d’Aaron, pour pas mal de temps. Néanmoins, selon l’adolescente, il s’agissait du bon choix. Les ennemis cachaient forcément des choses ! Autant les découvrir. Même si son cœur lui disait qu’elle devait partir.

En début d’après-midi, tout le village entier se rassembla dans le lieu sacré. Laurène suivait Luc qui se frayait facilement un chemin dans la foule. Le lieu sacré ne ressemblait pas au sanctuaire même s’il y avait des vitraux. Il paraissait être bâti dans un style plutôt romane. En effet, on retrouvait une voûte en berceau brisé et des colonnes à l’extérieur mais aussi à l’intérieur du bâtiment. Les couleurs changeaient entre le beige, l’orange et le rose pâle. Sur les murs intérieurs, on retrouvait des fresques colorées. Laurène tenta de trouver le début pour un peu mieux analyser mais cela la perdait. Elle ne voyait pas où se trouvait le début, le milieu et la fin, comme s’il n’y avait pas réellement de sens.

– Les fresques représentent le passé du Dieu Suprême ainsi que son point de vue sur les faits. Tu dois sûrement connaître la version des autres, celles qu’ils estiment vrais. Celle du Père et de la Mère, lui expliqua Luc en la faisant s’asseoir au premier rang, à ses côtés.

– Plusieurs versions… et toi ? Tu crois ?

– Tu t’attends à ce que je blasphème ? Tu vas être déçue. Vous l’appelez l’Imposteur. Mais nous l’appelons le Dieu Suprême. Je crois en lui et je suis sûr qu’il peut nous donner la force qu’il faut pour gagner. Et un jour, on gagnera, car les Dresseurs méritent d’être à la tête de tous. Car nous sommes supérieurs.

Laurène avait anticipé ce genre de réponses. Même s’il était gentil, il restait une personne embrigadée dans les idéaux qui pouvaient s’avérer dangereuses. Habituée à ses propos, cela ne la choqua pas, cependant, elle voyait bien que ce n’était pas normal. Puis… cet échange lui rappela douloureusement son échange avec Aaron au sanctuaire. Il lui manquait beaucoup. Trop.

– Et toi ? Tu vas blasphémer si je te pose la question ?

– Si tu insistes tant, je ne vais pas m’en priver… mais ce ne sera pas ce que tu penses ou veux entendre de ma bouche, commença Laurène sans le regarder. Je ne crois pas en votre Dieu Suprême mais je ne crois pas non plus au Père et à la Mère. Comme beaucoup de gens, j’ai toujours pensé qu’au vu des événements qui se sont produits, une divinité ne pouvait pas exister. Un Dieu n’est pas censé laisser passer des guerres et des millions de morts atroces, si ? Tellement de personnes sont malheureux et ont une vie misérable… Pourquoi ne reçoivent-ils aucune aide ? Beaucoup affirment qu’il s’agit juste d’épreuves pour prouver notre loyauté. Personnellement, je n’y crois pas, admit Laurène en lui jetant un coup d’œil. Parce que cela signifierait que toi comme les autres idolâtrer et vénérer quelque chose qui fait des choses horribles, mal. Puis, j’ai toujours eu besoin de voir quelque chose pour y croire. Ton Dieu Suprême, le Père, et la Mère… personne ne les a jamais vus aujourd’hui.

– Mais alors les prophéties qui tracent nos avenirs… si ce n’est pas grâce à une divinité, alors d’où cela proviendrait ? demanda Luc ébranlé par l’avis très tranché de l’adolescente.

– Je ne sais pas trop, concéda Laurène. J’admets avoir toujours eu du mal avec les prophéties… quelqu’un tire forcément les ficelles. Quelque chose de matériel selon moi, qui influence je ne sais pas comment les événements. C’est quelque chose qui existerait et serait matériel.

– T’es flippante toi !

– Dixit celui qui croit ce qu’il ne voit pas, se défendit sèchement Laurène. Chacun ses opinions. Je respecte les tiennes même si je ne comprends pas. Tout le monde devrait respecter tout le monde. Puis je… je ne peux pas croire qu’un Dieu me laisserait être torturée…

La Liée sentit qu’elle avait touché Luc. Si cela pouvait le remettre en question sur son éducation, de se poser des questions… Laurène comprenait bien que ce n’était pas de la faute des ennemis, que tout était lié à leur éducation.

Ils restèrent silencieux jusqu’à ce que tout le monde soit installé ce qui mit un peu de temps. En plus, les chaises n’étaient pas très confortables. Comme au campus, ce fut le doyen qui se chargea du discours.

– Bien ! Aujourd’hui nous sommes réunis pour la grande prière mensuelle. Depuis quelques mois, nous accueillons une invitée très spéciale, l’élue : Laurène Maguy. De la fameuse famille Maguy si je ne me trompe pas. N’ayant jamais assisté à notre petite cérémonie et habituée à celles de nos ennemis, j’ai trouvé cela judicieux de repasser nos vidéos historiques pour qu’elle nous comprenne. De plus, une piqûre de rappel ne fait de mal à personnes ! Prête à accroître votre culture générale sur notre communauté, mademoiselle ?

Toutes les têtes se tournèrent vers Laurène qui vira au cramoisie, toujours gênée de devenir le centre de l’attention. Il s’agissait d’une question purement rhétorique. Néanmoins, la pression exercée par l’ensemble du village incita l’adolescente à répondre malgré son mal être apparent.

– Oui, bien sûr. Autant comprendre vos motivations.

L’adolescente fut surprise de se sentir profondément sincère en répondant. Elle croisa le regard d’un petit garçon qui lui sourit et elle sentit son cœur se serrer. Il paraissait si innocent, comment pouvait-elle penser que tout était de leur faute ? Non…

Affichant un sourire triomphant, il fit signe pour ordonner le noir complet et le début de la projection. La Liée s’attendait tout d’abord à voir une reconstitution du passé selon le point de vue de l’Imposteur, ce qui ne rata pas ! Le pauvre petit dragon maltraité par les hommes, passant pas loin de la mort. Le pauvre petit dragon attaqué par le Père et la Mère. Il se retrouvait seul, maltraité, mal-nourri, meurtri… tel un martyr. Mais heureusement, dans tout ça, il y avait la jeune Fournaise, fondatrice de la lignée feu. Fournaise qui s’attacha profondément à l’Imposteur. Fournaise qui le soigna, le nourrit et lui jura fidélité à jamais. Elle embrigada les autres lorsqu’ils étaient seuls, blessés par les hommes. Ils pensèrent que c’était lui leur sauveur qui montrerait aux hommes qu’ils restaient supérieurs et respectés.

Laurène ne s’attendait pas à cela. Cette description de l’Imposteur l’ébranla. On ne lui avait jamais parlé de ça au campus. Il n’avait pas été mauvais au début, il l’était devenu car il avait laissé la rancœur s’emparer de lui. Mais quoi penser désormais ? Sachant pertinemment qu’on l’observait, la Liée tenta de rester de marbre, ce qui se réalisa compliqué. Et si les autres se mentaient depuis le début ? Et s’il y avait une part de vérité ? Qui avait cherché la vérité sur tout ? Personne. Laurène doutait de ce qu’elle devait croire. La jeune fille se demandait qui pouvait avoir raison. Qui ?

Alors qu’elle se détendit, à sa grande surprise le documentaire continua. La suite ne concernait pas la légende des divinités. Ils diabolisaient les Soigneurs et les Persévérants, les montrant avides du pouvoir et de puissance. Laurène serra les dents : elle comprenait mieux ! Si les enfants voyaient ça régulièrement, pas étonnant qu’ils n’aient plus aucune pitié après. Le peuple ennemi se retrouvait juste manipulé. Il n’avait rien demandé. Rien du tout.

Sur une image en noir et blanc, qui semblait d’archive, la légende choqua Laurène. Un Soigneur qui assassinait le premier ministre Dresseur afin d’obtenir le poste ! Non, elle ne pouvait pas voir ça. Ce n’était pas vrai ! Elle regarda la fragmentation de la société, les premiers conflits surgir… les premières batailles. Elle vit les villages détruits, dont certains à cause des Liés, catégorie qu’ils découvraient sur le champ de bataille. Ils détruisaient tout sur leurs passages sans leur laisser le temps de comprendre ce qu’il se passait. Leur obsession pour les Liés naissait de là.

Malgré cette souffrance, Laurène n’oubliait pas leur atrocité loin de là. Ils l’avaient torturé ! La jeune fille se focalisa un moment sur ses cicatrices pour se remettre les esprits au clair. Elle n’avait rien démoli du tout. Elle cherchait juste à se défendre et à s’échapper. Elle payait pour elle ne savait pas quoi !


« Ignisaqua… je ne sais pas depuis combien de temps tu existes. Mais… je dois savoir. Tout cela, est-ce vrai ? »

« Laurène, j’étais déjà là. Oui, il y a eu ces événements. Mais ils tournent ça de leur manière. Par exemple, le premier ministre que tu as vu assassiné venait de s’obtenir les pleins pouvoirs pour commencer une dictature. Tu n’as pas le contexte, mais ne te laisse pas penser qu’ils ont forcément raison partout. Ils n’ont pas totalement tort, mais pas raison non plus. »

« Je suis embrouillée… je comprends que leur but est de me rallier, mais toi ? Tu savais qu’ils allaient finir par me montrer ça ! »

« Que je le veuille ou non, c’est à toi de choisir ton camp, Laurène. Et pour ça, tu dois connaître les deux différents points de vus. »


Choisir son camp ? Elle n’y avait jamais songé. Jamais. Certes, l’adolescente se sentait à part au campus, et il en allait de même ici. Ce n’était pas sa place non plus… mais où était sa place sinon ? Ignisaqua la mit en garde de bien réfléchir sauf que Laurène aurait juste aimer que son dragon ne lui parle pas de camp.

– Ça va ? demanda Luc en lui claquant les doigts à côté de son oreille quand le reportage fut fini.

– Oui, tout va bien, mentit l’adolescente en sursautant.

En réalité elle était totalement perdue. Elle ne savait quoi penser. Laurène préférait la vérité aux spéculations mais dans ce cas il n’y avait que des suppositions, pas d’affirmations. Personne ne connaissait la vérité sur ça. Laurène comprenait la colère des ennemis mais il fallait faire la part des choses et rien ne justifiait la torture. En tout cas, la jeune fille savait qu’elle ne réussirait jamais à leur pardonner ce qu’ils avaient pu lui faire subir.

Alors qu’elle pensa avoir vu flou en se retournant, elle réalisa que le type bizarre se tenait près de la porte. Cela signifiait-il que le moment était venu ? Laurène aurait dû ressentir de la joie mais elle n’en était plus capable pour le moment. Elle décida de se focaliser sur les paroles du doyen pour oublier. S’ils comptaient attaquer… comment allait-elle pouvoir se frayer un chemin pour s’enfuir dans tout un chaos ?

– Bien, après cela, nos techniciens vont nous mettre en relation avec notre voyant. Il a mis en ordre ses visions et se sent prêt à enfin tout nous exposer !

– Vous avez un voyant ? s’affola Laurène à voix basse.

– Oui ! Heureusement les ennemis ne le savent pas, expliqua Luc avec un petit sourire. Et c’est pour cela qu’on cherche à éliminer les voyants : pour qu’ils soient moins avancés que nous.

Cette information changeait tout ! Avec ce voyant, les ennemis possédaient sûrement d’autres éléments qu’elle ne connaissait pas. Des éléments capitaux ! Laurène devait absolument les obtenir. Coûte que coûte. La jeune fille ne voulait pas se faire torturer à nouveau, mais si elle devait faire n’importe quoi d’autre, alors elle le ferait !

Soudain, un bruit d’explosion se fit entendre à l’extérieur. Les petits enfants se mirent à paniquer et à pleurer tandis que les adultes gardèrent un sang froid effrayant. Ils restèrent tellement calmes ! Puis, les portes explosèrent pendant que les fumigènes se répandirent partout dans le bâtiment. Laurène se leva mais Luc l’attrapa et la porta tel un sac à patate.

– Mais qu’est-ce que tu fais ? Bon sang ! Va aider tes camarades et lâche moi ! hurla la jeune fille la voix secouée à chaque pas de course du jeune Dresseur.

– On est ami mais je n’ai pas totalement confiance en toi. Je n’ai pas oublié d’où tu viens. Tu vas tenter de t’enfuir et cela ne doit pas arriver. Tu ne peux pas partir d’ici, tu m’entends ? Tu dois rester avec nous.

– N’importe quoi ! Luc Laurewce, relâche moi immédiatement !

– Non.

– Sale baltringue, souffla Laurène en gesticulant.

Il la balança au sol quand il fut chez lui et ferma directement à clé la porte d’entrée. Agacée, la Liée lui tourna le dos et monta dans sa chambre. Si des ennemis mourraient, tant pis pour eux. Ce n’était pas son problème ! Pourtant des larmes dévalèrent de ses joues. Peut-être aurait-elle pu croiser ses amis ! Peut-être aurait-elle pu croiser Aaron ?

Allongée sur le lit, elle pensa au voyant des ennemis. Ils avaient peut-être une longueur d’avance au final ! Et cela, c’était loin d’être idéal. Très dangereux même. Deux heures plus tard, Laurène entendait toujours des explosions ainsi que des cris de rages et de douleurs. La jeune fille ferma les yeux, ses doigts étaient croisés, elle espérait que ses amis ne soient pas blessés.

« Laurène, il faut que tu sortes. Il faut régler la situation avant que cela dégénère. »

« Ah parce que je suis la seule personne à pouvoir terminer cette bataille maintenant ? »

« Oui, tu l’es. »

« Mais que veux que je fasse ? Je ne sais même pas quel camp aider ?! Je ne sais même pas ce que je veux faire vraiment… »

« Tu es une femme libre. Fais comme bon te semble », lui conseilla Ignisaque ce qui n’aidait pas vraiment la jeune femme.


La Liée soupira et descendit les escaliers avec une vitesse dangereuse. Alors qu’elle vérifiait que la porte n’ouvrait pas, Luc la plaqua contre le mur.

– J’ai dit que tu ne sortirais pas d’ici, s’énerva-t-il en approchant son visage de celui de Laurène pour l’intimidé.

– Allez, ne soit pas idiot, laisse moi sortir. Tu peux aider et je peux aider aussi.

– T’échapper, oui.

– Selon toi. Mais si tu me laisses partir à l’attaque, tu verras que je resterai, assura Laurène toute confiante.

Luc détourna le regard se mordillant la lèvre. Il avait trop de responsabilité… beaucoup trop. Toute la confiance qu’il avait acquis auprès des adultes dépendait de Laurène et était mise en jeu. Il devait faire extrêmement attention. Sauf qu’il voulait se battre auprès des autres ainsi qu’aider ses camarades. Il serra la clé dans sa poche. Puis… finalement Laurène se montrait sympathique aussi mais en même temps il savait bien qu’elle ne pensait quand même pas rester. Ça lui en saurait trop en demander et il ne lui en tenait pas rigueur après ce qu’elle avait vécu, il comprenait qu’elle ne veuille pas rester.

– Si tu ne reviens pas, je te traquerais et je te tuerais de mes propres mains, prévint-il sévèrement.

– OK.

Bien qu’étonné par sa réponse, il céda et déverrouilla la porte. Il la regarda partir d’un pas déterminé. Plus il apprenait à la connaître, moins il comprenait la jeune Maguy. Cela le rendait fou, l’agaçait profondément. Alors qu’elle sortit de son champs de vision, lui, se précipita vers l’origine d’une fumée qui montait au ciel. Un bâtiment avait prit feu et il y avait de grande chance pour que ce soit leur refuge.

Laurène venait de se mettre à courir en espérant de tout son cœur de ne pas croiser un de ses proches. Elle forma une sphère d’eau qu’elle éclata au-dessus du lieu en feu. Elle répéta son action jusqu’à éteindre l’incendie. Ça ne lui prit pas longtemps mais elle sentit que ça venait d’entamer son énergie ! L’adolescente rabattit sa capuche sur sa tête pour être mieux dissimulée. Ensuite, elle s’avança parmi la foule. Il y avait des blessés dont les Soigneurs s’occupaient. Laurène pressa son pas en regardant ses pieds. Elle percuta quelqu’un. En relevant la tête, elle aperçut Anna.

– Laurène, murmura Anna avant de la serrer dans ses bras.

Son amie s’agrippa à la Liée comme une enfant avec son doudou. La jeune fille avait les larmes aux yeux de la revoir. Malheureusement elle n’avait pas le temps pour des retrouvailles digne de ce nom. Elle attrapa les mains d’Anna et la fixa dans les yeux.

– Tu comprendras plus tard, mais pour l’instant, si on te demande, je ne suis pas passée par ici. Tu ne m’as pas vu. Tu n’as rien vu.

Elle laissa Anna confuse, la rassurant d’un clin d’œil pour montrer qu’elle gérait la situation, sauf qu’elle ne contrôlait rien du tout ! S’éloignant de dos à Anna, Laurène essuya les larmes roulant sur ses joues. Elle ne pouvait pas renoncer maintenant. Pourtant la Liée se sentait tiraillée par l’envie de revenir et l’obsession naissante de trouver le voyant des ennemis. L’adolescente trouva au fond, le doyen, protégé par les adultes. Puis elle se glissa à ses côtés.

– J’ai peut-être une idée pour les éloigner, mais pour ça, il faudra les rassembler à l’extérieur puis courir à l’intérieur pour vous protéger.

– Toi ? Nous aider ? s’étonna le vieux doyen en pressant sa main contre sa poitrine.

– C’est à prendre ou à laisser, papy, déclara sarcastiquement Laurène.

Elle reçut un regard noir mais la jeune fille sut qu’elle avait gagné, rien qu’en le voyant regarder ses troupes, désespéré. Leurs ennemis, le clan de Laurène avait réussi leur coup. Cela la rendait un peu fière mine de rien. D’habitude, ses amies et elle se faisaient toujours surprendre. Alors qu’ils aient pris des initiatives étonnaient agréablement la jeune fille. Ils ne l’avaient pas oublié.

– Attends devant le bâtiment. Je te ferai signe, grommela le vieillard. Vous ! Fermez toutes les portes à part celle du refuge ! Nous allons les rassembler sur la place !

Laurène partit sans un regard. Elle passa rapidement devant Anna et Valentine qui parlaient entre elles. La rouquine fixa son amie, perturbée par son comportement. La Soigneuse devinait que son amie avait une idée en tête, mais quoi ? Lorsque deux Dresseurs les attaquaient, Laurène leur forgea un bouclier de glace au loin, sans s’arrêter. Normalement, il tiendrait. La jeune fille avait résisté à la torture pour les préserver et sécuriser leurs famille. Ce n’était pas maintenant qu’elle allait abandonné quand même.

À l’entrée, Laurène aperçut Luc se débattre avec un Dresseur. Sûrement diplômé depuis peu car il lui semblait que Clara lui parlait quand elle faisait sa crise. Elle l’assomma d’un coup de pied à la tête. Son compagnon s’assura de ça en balançant son pied contre la tête de l’individue. Laurène croisa les doigts pour que le Dresseur s’en remette.

– Bien. Rassemble le plus de personnes au centre et je ferai ma part du job, ordonna la jeune fille.

– De quoi tu parles ?

– Pose pas de questions. Juste, fait.

Pour une fois que ce n’était pas elle qui posait les questions ! Luc lui lança un couteau pour qu’elle puisse se débattre. Elle le remercia d’un hochement de tête, songeant à quel point ses propres poignards lui manquait, puis elle sortit en réajustant sa capuche. Elle s’éloigna en rasant les murs du bâtiment pour ne pas être repérée. Laurène aurait voulu aider les autres mais elle n’avait pas d’autre solution. Si elle les faisait s’enfuir, ils ne seraient pas blessés. La Liée songea à s’enfuir en même temps, à rejoindre ses amis, sauf que le voyant lui revient à l’esprit. Elle devait savoir.

Soudain elle s’arrêta, pétrifiée. Elle ne lui avait pas connu de telles cernes ce qui l’inquiéta sérieusement, mais ses compétences au combat restaient toujours aussi admirables. Contre cinq ennemis, Aaron maîtrisait totalement la situation, galvanisé par l’espoir. Il enfonçait une lame dans le thorax à l’un, noya un autre dans une sphère d’eau, envoya valser son camarade des mètres plus haut et plus loin grâce à un coup de vent. Il en assomma un autre puis visa le cœur pour le dernier. Afin de retrouver Laurène, Aaron se montrait sans pitié même si chacun de ses actes le dégouttait et l’horrifiait. Mais il voulait la récupérer, coûte que coûte.

La jeune Liée aurait dû bouger depuis longtemps, elle aurait dû fuir dès qu’elle l’avait aperçu. Elle aurait dû, mais elle n’avait rien fait. Au fond d’elle, Laurène voulait le voir même si cela allait mal tourner. Ça ne pouvait que mal tourner, pensa la Liée. Pourtant elle voulait le voir. Elle avait tellement souhaité qu’il vienne la chercher !

Aaron la repéra. Il brandit un de ses poignards faisant reculer celle qui pensait être une ennemie et fonça vers elle en utilisant sa capacité de vent pour augmenter sa vitesse. Cette même capacité qui descendit la capuche de Laurène, désormais à découvert. Aaron se figea, choqué et heureux de voir son amie, en vie, si proche de lui.

– Laurène, déclara-t-il d’une voix chargée d’émotion.

Il avait les yeux brillants, d’un côté à cause des larmes, mais aussi car il la regardait elle, celle à qui il aurait dû tenir la main. Laurène lisait tout dans ses yeux, même si elle avait du mal à réaliser toute la tornade d’émotion qu’il ressentait. Et cela compliquait sa tâche, mais elle s’y tenait. Pour le monde. Mais… peut-être pouvait-elle le rejoindre, l’enlacer et lui dire que ça allait ?

Pourtant elle s’efforça à garder la tête froide, mais elle ne parvenait pas à détacher son regard de celui de son ami. Deux grosses larmes coulèrent sur ses joues et elle leva ses bras pour qu’une sphère mi eau mi feu emprisonna Aaron. Il n’y avait pas que de l’eau donc il n’arriverait pas à la détruire. Dire que qu’il lui disait qu’aucun Lié ne combattrait l’un contre l’autre. Cela faisait mal que ce soit le cas, qui plus est contre Aaron. Cela lui brisait le cœur. Cela lui brisait le cœur de ne pas le rejoindre et de lui faire autant de peine.

– Laurène ! Laurène ! Reviens ! On a besoin de toi ! J’ai besoin de toi !

– Laurène ! hurla Luc. Cela va être le moment. Rapplique !

Elle lui fit un signe de la main et il partit. Alors qu’elle allait le suivre, elle percuta de plein fouet Sara. Cette dernière fut très vite plaquée au sol et la reconnut. Pour une fois, la voir n’agaçait pas Laurène. Une première depuis qu’elles se connaissaient. Sara ne partageait pas vraiment le même ressenti.

– Je sais, il est dans ma sphère, indiqua Laurène en se relevant. Écoute-moi bien, Sara. D’ici quelques secondes, je le libérerais. Éloigne le et partez. Personne ne meurt aujourd’hui. C’est compris

– Laurène ! cria Aaron.

– Laurène, c’est bon ! renchérit Luc.

« Préviens Aquaventus de venir les chercher. »

« Pas de problème. »

– Compris ? répéta la jeune fille

– Compris.

Les larmes de Laurène coulèrent quand elle rabattit sa capuche. Ensuite, elle laissa Sara et courut au centre, dans l’espace qu’ils avaient laissé. Elle tapa son poing pour s’ancrer et se focalisa sur la lumière qui s’échappa de sa main puis de son corps tout entier. Les ennemis se confinèrent à leur refuge. La lumière contraint les ennemis, les alliés de Laurène à se replier. Elle s’arrêta quand tous prirent la fuite. Et seulement lorsqu’elle ne vit plus personne, Laurène relâcha son effort et elle s’écroula. L’adolescente se releva mais ses jambes tremblaient trop.

– Je suis là minimoys, appuie toi sur moi, chuchota Luc en lui tendant ses bras pour l’aider à marcher.

– Je suis pas une minimoys, connard ! lança-t-elle en serrant fort ses mains. Une naine à la limite.

Luc laissa échapper un rire avant de se rapprocher pour qu’elle se soutienne mieux. Tout le village ressortit joyeux. Ils remercièrent la jeune fille et le doyen lui concéda des compliments. Luc aida Laurène à retourner jusqu’à la maison. Elle resta par la suite, effondrée dans le lit, incapable de bouger. La capacité de lumière aussi improbable soit-elle, usait toutes ses batteries. L’effort en plus de cela avait été immense. Puis, elle repensa à Valentine, Anna et Aaron. Elle s’effondra en pleurs suite à cette pensée. Elle aurait pu les rejoindre ! Les retrouver ! Qu’est-ce qui s’était passé dans sa petite tête ? Pourquoi fallait-elle qu’elle prenne des décisions aussi hâtives ?


« Tu veux que je transmette un message à Aquaventus pour Aaron ? », proposa Ignisaque.

« Je… je ne sais pas ce que je peux lui dire. Je suis juste seule maintenant. »

« Non. Ce n’est pas vrai. Je suis là. »

« Juste… dis lui que je vais bien. Qu’il n’a pas à s’en faire, ça ira pour moi. », décida Laurène.

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