Chapitre 40 :

10 minutes de lecture

Laurène regrettait d’avoir fait une pause. Voilà deux jours que Brasier allait alerter le campus. Heureusement ils ne l’avaient pas poursuivi une journée, ce qui lui avait laissé de l’avance. Ignisaqua avait insisté pour qu’elle se paye une chambre d’hôtel afin de se reposer pendant la nuit. Il ne lui avait absolument pas laisser le choix ! Maintenant elle avait l’impression d’avoir gâché du temps inutilement ! Cependant elle devait avouer que son corps appréciait le repos qu’elle lui avait procuré.

La jeune fille sortit de la douche et s’habilla avec les seuls vêtements qu’elle possédait : les mêmes que les jours précédents. Arrivée dans les Pyrénées, elle se demandait maintenant où se trouvait l’emplacement de la grotte.

« As-tu du nouveau ? », s’informa Laurène.

« Quelques endroits intéressants, mais pas plus. Rien de suspect. »

Ignisaqua était parti en repérage toute la nuit ! Cet inconvénient retardait fâcheusement la rencontre et grignotait sur l’avance de Laurène. La Liée retourna dans sa chambre et se plaqua au mur, surprise au début de voir quelqu’un dans la pièce. C’était l’individu mystérieux, entièrement dissimulé. Assis sur le lit, il attendait manifestement son retour. Laurène resta à bonne distance de lui en préparant son sac.

– Quelle surprise ! commença-t-elle. Vous savez que vous êtes flippant à surgir de nulle part ? Qu’êtes-vous venu me dire aujourd’hui ? Que je dois renoncer à mes plans quels qu’ils soient et retourner au campus ? Pour le moment, il en est hors de question, je décide de mes priorités. Et je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien !

L’individu resta silencieux un temps, l’observant boucler ses affaires. Laurène n’avait franchement rien à lui dire à part lui demander son identité. Cependant la jeune fille savait bien que l’inconnu ne répondrait jamais.

– Tu as beaucoup changé, ces derniers mois…

– Ah… parce que vous me connaissez personnellement pour pouvoir déduire ça ? rétorqua l’adolescente sur la défensive.

– Peut-être.

Cette réponse fit froncer les sourcils de Laurène, et avant qu’elle n’ait pu se renseigner, l’inconnu la devança.

– Tu as juste beaucoup maigri… et j’ai pu voir certaines cicatrices. Rien de plus.

– Je ne vous dirais rien.

– Je ne comptais pas te le demander.

La jeune fille voulait s’approcher et retirer la cagoule à l’individu, cependant elle ne préféra pas s’approcher. Elle ne faisait pas vraiment confiance à cette personne, et ne savait pas comment ça pouvait dégénérer si jamais Laurène commentait un geste qui ne plaisait pas à son interlocuteur.

– Je… les cicatrices sont si voyantes ?

Il ne répondit pas. Et Laurène se stoppa fixant sa main tremblante. Elle ne parvenait pas encore à gérer ce phénomène quand elle en parlait. Son corps refusait de s’étendre sur le sujet. L’adolescente serra les mains pour qu’elles arrêtent de trembloter puis reporta son attention sur le type bizarre. Il s’avança vers elle. Laurène ne recula pas même si elle se demandait ce qu’il voulait. Il l’avait aidé une fois. Il ne se trouvait pas ici par hasard non plus. Il ne faisait rien au hasard.

– Pourquoi vous m’aidez ? Que voulez-vous de moi ?

– Pour que les choses tournent vers la meilleure issue et aussi pour une question d’équité. Allez, suis-moi. Je vais te montrer la grotte du voyant.

– Vous savez que les ennemis ont un voyant ?

– Je le répète encore une fois, mais je suis un homme libre n’ayant pas de camp défini, seuls mes intérêts m’importent. Et je connais beaucoup d’informations, sur les deux camps.

– Si vous n’êtes pas un ennemi, alors quelle est la meilleure issue selon vous ? demanda Laurène méfiante en le suivant dans le couloir.

– La meilleure fin, est une fin où l’humanité, les dragons et la terre entière ne seront pas détruits, assura l’individu dans l’ascenseur.

Laurène ne savait pas trop comment le juger mais il restait son seul espoir de trouver le voyant. Elle paya à la réception avant de sortir dehors. Il faisait chaud alors que l’été déclinait peu à peu pour laisser place à l’automne. Le duo s’éloigna afin de retrouver deux dragons. Le partenaire de l’individu paraissait familier à la jeune fille. Cependant il lui était impossible de retrouver dans sa mémoire l’identité de son humain.

– Ce n’est qu’à quelques minutes, le chemin ne sera pas long. Oh… ton ami que tu t’es fait chez les ennemi te cherche. Il n’avait pas l’air très content lorsque je lui ai parlé.

Laurène ne demanda pas spécialement de nouvelle de Luc. Cet avertissement ne l’étonna pas non plus, cependant, elle ressentit du soulagement : le Dresseur ne restait pas chez les ennemis ! Il s’agissait d’une première victoire pour elle.

En effet, le type bizarre ne lui avait pas menti. En une dizaine de minutes Ignisaqua se posa au bord avant qu’elle saute dans une cavité inatteignable sans dragon. L’adolescente se serait attendue à un espace aménagé mais il n’en était rien ! Dans cette cavité il n’y avait aucune trace de vie humaine. Aucune ! Gagnée par la panique, la Liée se retourna pour demander des explications sauf que le type s’était déjà éclipsé en toute discrétion.

– Hey ! s’écria Laurène la voix raisonnante. Où est-ce que je peux trouver le voyant dans cette putain de grotte ? Allo ?!

Mais il était déjà parti. La Liée abattit un poing rageur sur une paroi. L’avait-il dupé ? Elle ne comprenait pas comment cette cavité pouvait être la solution ! Il n’y avait absolument rien. En levant les yeux, et en observant un peu plus le mur, elle distingua des dessins presque préhistoriques. Oui, comme ceux du voyant ! Laurène sécha ses larmes de rage et se remobilisa. La Liée pouvait forcément en obtenir quelque chose d’exploitable. En s’approchant plus elle distinguait qu’il y avait des personnes sur les dessins. Deux ou trois pas plus mais cela ne semblait pourtant pas avoir de rapport avec la prophétie. En se baissant, Laurène remarqua des endroits marqués au sol mais aussi sur les parois. Était-il possible qu’il y ait un mécanisme ? Laurène recula un peu, se pinçant la lèvre, contrariée. Malheureusement, elle n’avait pas d’idée.

– C’est un endroit étrange pour chercher,je ne sais quoi.

Les lèvres de Laurène s’étirèrent automatiquement. Aaron était finalement venu ! Elle ne pouvait cacher toute la joie qui la submergeait. Enfin après quasiment un an, elle retrouvait un de ses proches les plus chers ! Enfin ! L’adolescente se retourna et vit son ami à l’entrée de la grotte. Il paraissait épuisé mais il restait Aaron. Laurène se souvenait toujours de l’avoir vu comme ça, mais il y avait quelque chose d’autre dans cette fatigue, pas comme d’habitude. La jeune fille remarqua qu’il maintenait la distance entre eux par précaution. Ce geste la chagrina, cependant elle ne pouvait pas lui en vouloir : la Liée l’avait attaqué et laissé délibérément toutes ses intentions dans le flou pour les faire tous douter.

– Tu es venu ! s’exclama-t-elle enfin en faisant quelques pas vers lui. J’avais l’espoir que tu viennes m’aider. Tu es la personne en qui je fais le plus confiance.

– Moi aussi je croyais en toi. Je n’arrivais pas à croire que tu aurais pu nous trahir. C’était impensable pour moi. J’ai confiance en toi aussi.

Aaron lui aurait volontiers sauter dans les bras, cependant il ne savait plus quoi penser… Laurène l’avait attaqué ! Avec le partage ! Néanmoins, il se força à rester lucide. Son amie n’était pas chez les ennemis, et elle semblait si heureuse de le voir… la Liée ne pouvait quand même pas feinter sa joie, si ?

Avant que Laurène ou Aaron n’ait pu approché un peu plus, une bourrasque de vent s’éleva et souleva de la poussière, les obligeant à se cacher le visage et à fermer les yeux. La jeune fille tenta quelques pas mais se retrouva vite déséquilibrée. Elle attendit donc sagement droite comme un piquet que la poussière se dissipe.

– Aaron ! s’écria le jeune fille lorsque la poussière retomba.

Le Lié ne bougeait pas, la regardant dans les yeux, horrifié. Son regard passa sur la lame contre son cou au visage de Laurène. Aaron ne devait pas bouger, il le savait. Son cœur ratant un battement, les yeux transperçant de colère, Laurène lorgna Luc qui menaçait son ami. Le Dresseur arborait un coquard et une lèvre fendue. Ils ne l’avaient pas raté ! La Liée sentit toute la culpabilité peser sur ses épaules. Évidemment que c’était de sa faute qu’il se retrouvait dans cet état ! Mais il était parvenu à s’enfuir. Ça semblait un espoir pour Laurène mais sa sympathie pour son ami ne faisait pas le poids face à sa colère de voir Aaron si près de la mort. Elle s’était jurée qu’Aaron ne mourait pas !

– Luc, annonça-t-elle d’une voix froide aussi pour le présenter à son camarade. Tu m’as suivi… je t’en prie, relâche-le.

Le Lié se retint de ne pas casser la gueule à son agresseur. Le fait qu’il paraisse avoir été aussi proche de Laurène le rendait irrationnellement malade !

« Mon ami, contrôle ta jalousie. Tu ne peux pas bouger. », l’avertit Aquaventus.

Il savait bien que son dragon avait raison. Aaron n’avait aucun contrôle sur la situation et ne devait pas aggraver son cas. Cependant, l’existence de ce jeune homme le chagrinait.

– Ce n’est pas lui contre qui tu es en colère ! Relâche-le, plaida à nouveau Laurène la voix tremblante.

– Oui. Tu sais, durant la bataille je t’avais dit que si tu t’enfuirais, je te retrouverai. Mais là… je voulais te tuer pour ce que tu m’as fait ! déclara-t-il un sourire mesquin face à la tête encore plus horrifiée d’Aaron et surprise de Laurène. Au début, je voulais des explications mais tu n’en vaux pas la peine ! Puis j’ai vu ton ami, et je me suis dit, que cela serait terrible pour toi de le voir mort. De le voir mourir sous tes yeux.

– Je te considère comme un ami Luc, sincèrement. J’ai de l’espoir pour toi, commença Laurène sur le même ton glacial en sortant un poignard qu’elle lança.

L’arme déchira la veste d’Aaron pour se loger dans l’épaule de Luc qui serra les dents.

– Mais sache, que si tu t’en prends à mes amis, tu t’en prends à Aaron, ce ne sera pas toi que je choisirais. Si tu touches encore un de ses cheveux, je n’aurai aucune pitié à te neutraliser, même si je serais triste de devoir en arriver là !

Heureusement, elle n’eut pas à le faire puisque Aaron profita de la blessure de son adversaire pour se dégager promptement et lui asséna un coup de pied dans le ventre avant de reculer de quelques pas, aux aguets, prêt à se battre. Sauf qu’il resta à terre, les larmes coulant. Laurène réprima son envie de le rejoindre et de le réconforter même si le voir dans cet état la rendait mal, très mal. Il restait instable pour le moment, donc dangereux. Luc releva la tête, la fixant.

– Tu ne te rends pas compte… tu es juste une hypocrite Laurène. Tu dis que tu détestes tuer les gens, que tu te sens coupable et que les images restent dans ta mémoire, que ça te pèse sur la conscience. Mais ce n’est qu’un putain de mensonge ! Tu es insensible, comme eux. Comme le doyen, comme tous les autres.

– Quoi ? s’étonna Laurène la voix se cassant.

– Ne fais pas l’innocente, sinon je finirai vraiment par te tuer. J’ai été torturé quand tu es partie. Ça passe encore. Mais les autres… ils sont tous morts.

– Quoi ?

– Tu m’as bien entendu ! Ta putain de lumière là ! Elle a tué tous ceux qui se trouvaient dehors ! Plus d’une cinquantaines de personnes. Tu les as tous tués.

Cinquantaine de personnes… tu les as tous tués.

– Non, fit Laurène sûre d’elle. Non ce n’est pas possible ! La dernière fois je n’ai tué personne !

Elle était certaine qu’elle s’enfuirait sans blesser personne. Sans tuer personne ! Laurène n’avait jamais prévu de les tuer. Cinquantaine de personne. Tous tués… Tu les as tous tués…

– Non ! hurla l’adolescente les larmes roulant sur ses joues. Non ce n’est pas possible !

– Tu les as tous tués ! renchérit Luc, son poing tapant contre le sol.

Ou était-ce la voix dans sa tête ? Laurène tremblant explosant en larme. Elle ne voulait pas les tuer. Elle ne le voulait pas, pas gratuitement. Son seul but avait été de sortir de ce cauchemar, de cette prison. Aaron se retourna désemparé, voulant la rassurer mais Laurène se refermait dans son armure dangereuse de culpabilité où plus aucune voix ne passait. Son compère se crispa en observant les premières goûtes d’eaux s’assembler.

– Bravo ! félicita sarcastiquement Aaron en lançant un regard assassin à Luc. Tu viens de la rendre hyper mal. Tu lui as balancé toute une culpabilité qui n’appartient pas qu’à elle ! Si vous l’aviez traité correctement, rien de tel ne serait sûrement arrivé.

Le jeune homme haïssait Luc. Il haïssait qu’il soit aussi proche de Laurène. Il haïssait qu’il se permette de la rendre dans cet état. Son poing le démangeait, sauf qu’il n’avait pas à s’occuper de lui.

Aaron appela Laurène mais cette dernière n’entendait plus. Alors que la tornade d’eau qui encerclait Laurène allait se terminer de se former, le jeune homme courra et entra avant qu’elle se referme. Les Liés se retrouvèrent prisonniers de la création des émotions de Laurène qui devenait de plus en plus rapide, de plus en plus violente. De plus en plus dangereuse. Laurène se trouvait-là, le visage enfouit dans ses mains, le corps secoué de sanglots.

Aaron sourit tristement en se rappelant l’avoir déjà vu dans cet état durant l’attaque de la soirée de Pâques. Mais c’était différent. Avant, cela l’avait touché au fond de lui, il s’était rendu compte qu’il tentait toujours de se bloquer, de bloquer toutes ses émotions. Ce soir là, elle lui avait appris que les émotions restaient nécessaires. Ce soir là, quelques choses avaient naquis dans sa poitrine, dans son cœur, dans les profondeurs de son âme. Quelques choses envers Laurène, qui lui criaient aujourd’hui que cela lui était insupportable de la voir dans cet état là.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Starry Sky ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0