Ce dernier leva la tête vers Laurène puis comprit. Il se retourna mais la lame arrivait déjà près de lui. Mais l’ayant vu aussi, Clara se décala instinctivement pour l’intercepter et poussa un cri de douleur quand le poignard s’enfonça dans son corps. La jeune fille regarda Lucas dans les yeux. Les siens brillants de larmes de peur et de douleur. Elle se raccrocha aux bras de Lucas qui lâcha directement son emprise sur le partage, sans se détacher du regard de Clara. Ils tombèrent au sol si brutalement que la chute arracha un gémissement de douleur à Clara. Elle n’arrivait plus à tenir debout, les joues trempées de larmes. Lucas la prit dans ses bras, l’allongeant doucement, posant sa tête sur ses cuisses.

– Clara, murmura-t-il en laissant échapper des larmes. Pourquoi ?

– Pour te sauver, idiot, répondit-elle difficilement. Je ne peux pas te laisser mourir.

– Tu n’as pas le droit de mourir, idiote, sanglota Lucas.

Aaron avait eu vent des nouveaux gadgets des Soigneurs pour les batailles. Il s’approcha et appuya sur le bouton rouge qui dépassait de la poche de Clara. La jeune fille l’avait gardé, et heureusement ! Les larmes aux yeux, Laurène s’agenouilla et prit la main de sa meilleure amie. La voix d’Anna retentit dans l’air :

– Clara ? Clara tu m’entends ? On ne peut pas accéder à votre emplacement. La situation est-elle grave ? Qui est blessé ?

– C’est Clara, répondit doucement Aaron espérant atténuer la violence de la réponse. C’est proche du cœur ou d’un poumon je crois.

Anna jura inquiète de ne pas pouvoir prendre en charge son amie. La jeune Dresseuse tentait de tenir contre l’appel du voile sombre qui passait sous ses yeux, contre le sentiment certain de plénitude si elle fermait les yeux, sauf que Clara ne voulait pas les abandonner… mais elle aurait tant voulu échapper à cette souffrance intense. Elle serra un peu plus la main de Lucas, se raccrochant à cet encrage. Clara ne voulait pas le laisser.

« Laurène, tu dois le faire. »

« Non. Il en est hors de question. »

« Laurène. Tu dois utiliser la capacité de lumière immédiatement ! », gronda Ignisaque.

Cela ressemblait plus à un ordre direct qu’autre chose. La Liée secoua la tête, lui lança un regard noir dans le ciel. Ce pouvoir l’effrayait désormais, elle qui avait tant travaillé pour accroître sa puissance, désormais elle voulait juste l’enfouir au fond d’elle. Sauf que c’était trop tard. L’adolescente se reporte sur Clara qui souffrait le martyr.

« Laurène, si tu veux que Terra survive, que Clara survive, c’est la seule et unique solution. »

Malheureusement la jeune fille le savait. Mais l’idée de tuer encore si subitement… cela l’empêchait presque de respirer, comme si elle mourait après ses victimes. Oui, elle devait mourir après ses victimes. Sauf qu’elle devait subir la prophétie pour le moment…

« Laurène, c’est une guerre. Tu as déjà tué. Et là, c’est vous qui risquez de vous faire tuer. Clara qui risque de mourir. »

Ignisaqua la manipulait. Il s’agissait encore de cette mystérieuse partie de sa personnalité que sa partenaire redoutait tant. Laurène le savait mais elle ne pouvait laisser son amie dans cet état. Mais tuer tous ces gens… l’adolescente sentit des mains envelopper la sienne.

– Que t’as-dit Ignisaqua ? demanda doucement Aaron.

– Je sais que je dois le faire, murmura Laurène. Mais je ne veux plus tuer comme ça. Mais Clara…

– Écoute-moi, je suis avec toi, d’accord ? Quoi que quelqu’un pense ou fasse, je serais là pour te protéger. Mais ça reste ton choix. Il est complètement compréhensible et tu n’as à te forcer pour personne. Personne.

La jeune fille baissa la tête en n’arrivant plus à bien comprendre ce que disait Clara. Sa meilleure amie. Celle a qui elle racontait tout, celle avec qui elle faisait des nuits blanches juste pour parler… et son frère était si bouleversé. Laurène avait toujours pensé qu’elle n’avait plus qu’à le laisser tranquille avec Joyce, mais c’était faux. Il avait besoin de Clara. Lucas avait besoin de Clara. Laurène sécha ses larmes avant de presser le bouton/talkie-walkie :

– Anna, dîtes de replier les troupes, vos troupes. Immédiatement !

Durant cinq longues minutes, interminables pour Clara où seuls ses gémissements ainsi que les pleures de Lucas comblèrent l’attente, rien ne se passa. Laurène fixait inlassablement le bouton, trop bouleversée pour observer sa meilleure amie se vider de son sang. Trop concentrée aussi.

– Nos troupes sont repliées, à toi de jouer Laurène. J’espère vous rejoindre bientôt.

– Merci Anna.

La Liée souffla, échangeant un regard avec Aaron. Il avait compris. Les jambes tremblantes, les larmes aux yeux, elle fixa ses mains, elle les détesta en cet instant. Aaron lui attrapa la veste. Il était là. Laurène repensa à la petite fille, son regard si innocent… Après une grande inspiration, elle fit naître une ligne de lumière brûlantes, très dangereuse. Ce pouvoir si mystérieux. Si détestable pour Laurène ! Elle fit grandir la ligne pour prendre toute la largeur puis la jeta. Elle dû lancer quelques vagues qui parcoururent l’espace jusqu’à la bannière de leurs alliés jusqu’à ce que les humains tombent comme des misérables insectes.

Lorsqu’elle vit un groupe au loin s’élancer, l’adolescente s’effondra au sol dans les bras d’Aaron sous le choc. Elle explosa en larmes dans les bras du Liés en repensant à la petite fille, à ce que disait Luc. Elle n’était qu’un monstre qui méritait de mourir, pourtant Aaron la berça comme un bébé. Pourrait-elle un jour se détacher de ses remords ? De sa culpabilité ? Pourrait-elle se dire qu’elle méritait de vivre aussi ? Laurène s’accrocha un peu plus à Aaron, le visage contre son torse, profitant de ce cocon. La Liée ne pouvait pas affronter la réalité, ces corps dépourvus de vie autour d’eux. Aaron tentait de la rassurer, lui chuchotait qu’elle les avait sauvés, mais il savait que son amie resterait ébranlée à jamais et profondément coupable.

– Leau a réussi ? murmura difficilement Clara.

– Bien sûr, c’est ma sœur.

Clara sourit avant de tousser du sang. Lucas lui serra un peu plus la main, tenta d’enlever le sang près de sa bouche. Dans un geste tendre, il dégagea les mèches de cheveux devant le visage de Clara.

– Lu’, hoqueta Clara. Je… je vais…

Il la coupa en se penchant vers elle afin de l’embrasser. Un baiser au goût de larmes mélangé à celui cuivré du sang. Un baiser qui avait un goût d’adieu. Clara n’y pensa pas et s’accrocha à ce maigre espoir, broyant la main de Lucas.

– Tu ne vas pas mourir, se convint le jeune Lié. Tu restes avec moi. On reste ensemble.

Clara laissa échapper un petit rire qui se changea en un gémissement de douleur, les étoiles dansaient devant le visage de Lucas.

– Je n’allais pas dire le contraire, prononça-t-elle lentement car c’était toujours difficile pour elle. Je voulais juste te dire que je…

Elle savait qu’elle ne finirait pas sa phrase, peut-être jamais pensa-t-elle avant que le voile persiste sous ses yeux. Clara tentait de se raccrocher à la voix de Lucas qui l’appelait, à ses mains qui bougeaient doucement son visage. Mais elle sombrait déjà dans la douceur enveloppante. Une douceur qui inhibait toute sa douleur, toute sa tristesse. À condition de fermer les yeux, et de ne plus entendre personne. Oui, elle voulait du répit, sa douleur, la blessure lui faisait trop mal, elle voulait ne plus rien sentir. Ce sentiment termina de chasser la voix de Lucas.

– Clara ! hurla encore une fois Lucas en pleurant. Clara tu m’entends ? Réveille-toi ! Clara…

Mais la jeune Dresseuse ne répondait plus, inconsciente, partit autre part. Lucas poussa un cri guttural, énervé contre lui-même, contre sa sœur, contre Aaron, contre Clara, contre le monde entier. Il aurait dû faire plus attention et elle n’aurait pas été blessée aussi gravement. Le groupe de Soigneur arriva, se divisant en deux, un auprès de Terramicus et un autre autour de Clara. Lucas vit sa mère s’agenouiller, on le poussa gentiment et il raffermit son emprise sur la main de l’adolescente.

– Lucas, tu dois la lâcher. On ne peut pas travailler si on ne peut pas la positionner correctement.

– Je ne la lâcherai pas, maman. Pas maintenant. Jamais !

Christine avait l’impression de se voir à son âge, ce qui ne l’aida pas à se montrer ferme. La mère de famille ferma les yeux pour se remobiliser, elle ne chasserait pas son fils. Elle décida donc de se concentrer sur la jeune Gomez. Laurène fixa sa mère un moment, tirailler par l’envie de la serrer dans ses bras sauf que ce n’était pas le moment. La Liée remercia Aaron et se détacha pour aller éloigner Lucas, essayant de ne pas jeter un coup d’œil au corps de sa meilleure amie. Cependant ce n’était pas possible.

« Ça va aller ? »

« Il faut que Clara tienne. Elle… elle ne peut pas mourir. Je refuse. »

Laurène aurait pu s’effondrer devant le corps immobile de Clara, mais elle n’avait plus de larmes et surtout, elle n’était pas encore morte. Malgré son pessimisme, la jeune fille voulait garder de l’espoir pour elle. Laurène tira son jumeau et le regardant dans les yeux.

– Lucas, tu dois laisser maman faire son travail. Tu retrouveras Clara plus tard, j’en suis convaincue. Regarde Terra est aussi prise en charge. Il faut faire confiance aux Soigneurs.

– Clara !

C’était Valentine et Anna. Si la rouquine alla prêter main forte à ses collègues après un sourire à son amie, Valentine se jeta directement dans les bras de Laurène. Cette dernière raffermit l’étreinte. Valentine s’écarta légèrement et lui ébouriffa les cheveux ce qui fit rire la Liée.

– Idiote ! Pourquoi tu n’es pas revenue quand on a attaqué ? Leau, tu nous as tous manqué.

– J’avais des choses à faire. Puis… j’ai des superbes amis qui sont venus me chercher.

– Qui est ce type que tu nous as ramené ? questionna Anna en s’approchant les mains en sang. Il n’a rien voulu nous dire et le premier ministre l’a fait emprisonné.

– C’est quelqu’un d’important.

Ce n’était pas le bon moment pour expliquer que Luc avait du pouvoir sur l’ensemble des vies humaines au même titre qu’Aaron et elle. Pas du tout même. La Liée attira Anna à elle. Elle était toujours la plus petite mais peu de centimètres les séparaient désormais.

– Je suis désolée d’avoir dû te forcer à ne rien révéler, murmura la Liée à Laurène de la rouquine.

– J’ai eu tellement peur qu’ils t’aient retourné le cerveau. Tellement.

– Je sais que j’ai été mystérieuse mais je ne voulais pas prendre le risque de vous mettre en danger.

– Mais nous on ne voulait pas que tu te mettes en danger ! s’exclama Valentine.

Levant la tête, elle vit M. Gomez débarquer, le teint livide. Il s’approcha de sa fille et demanda des informations à Christine. Ils lui paraissaient invraisemblablement proches. La Liée aurait souhaité pouvoir lui sauter au coup, néanmoins, Clara avait cruellement besoin de lui. Ce n’était pas elle sa fille !

Pendant longtemps, elle regarda son père dans les yeux, voilà un an et demi qu’elle ne l’avait pas vu, tout comme sa mère. Laurène remarqua ses cernes, ses traits tirés par la fatigue lui donnait quelques années de plus. Son père n’alla pas soutenir son fils même s’il ne savait que trop bien ce que c’était de perdre un être cher. Il s’approcha de sa fille qu’il enveloppa de ses bras. La jeune fille pleura contre la poitrine de son père.

– Pardon, murmura son père. Pardon, je n’imagine pas ce que tu as pu vivre là-bas.

La jeune fille savait qu’il mentait mais elle n’avait pas la force de dire le contraire. Trop fatiguée pour démarrer cette conversation qui n’avait pas lieu d’être pour le moment. Laurène se détacha doucement. Elle s’attendait à ce que son père retrouve son frère, pourtant il la contempla.

– Tu as tellement grandi, commenta-t-il les yeux brillants.

Laurène rit, sachant qu’elle n’était pas bien grande. Son père lui embrassa le front puis rejoignit Lucas pour l’épauler. Nicolas s’était promis de ne plus jamais laisser tomber ses enfants et il tenait sa promesse. Le monde s’activa autour de Laurène ne savant pas où aller, à qui parler, où se trouvait sa place. Elle se tourna vers Aaron qui avait la mâchoire serrée en regardant au loin. L’adolescente suivit son regard en s’approchant de lui.

– Le ministère arrive, grogna-t-il avant de poser un regard tendre sur Laurène qui détonnait avec son ton.

La jeune fille hocha sèchement la tête, assurant à tout le monde que ça irait. Elle observa Clara se faire évacuer, alors qu’ils allaient avancer, le bip de la machine ne fut plus régulier, il se fit entendre tout du long alors qu’une ligne sans fracture s’afficha. Clara faisait un arrêt cardiaque après qu’on lui ait retiré le poignard. Lucas hurla au bord des larmes pendant que M. Gomez semblait à deux doigts de s’évanouir. Christine écrasait énergiquement la poitrine de l’adolescente, ne comptant pas la laisser mourir aujourd’hui. Après quelques secondes, un rythme cardiaque régulier reprit. L’équipe de Soigneur évacua vraiment Clara, croisant le premier ministre.

« Ton amie semble avoir une bonne étoile. »

« Si elle en avait une, elle ne serait pas sur le point de mourir. », répliqua sèchement Laurène, fatiguée, même si elle savait bien que son dragon n’y était pour rien.

« Tu dramatises trop. »

« Non. Je constate. Pendant quelques secondes, elle était morte. »

– Laurène Maguy !

La Liée releva la tête, une nuance de défie dans le regard. Elle savait ce qu’il allait dire. Elle savait ce que les deux hommes qui s’avançaient allaient faire. Cela ne servait à rien de résister. Bien évidemment, elle aurait pu remettre tout le monde à sa place avec le partage sauf que ce n’était pas la solution pour sortir de cette situation. Docilement, elle tendit les bras. On la palpa pour vérifier si elle n’avait rien, ils lui enlevèrent son manteau ce qui la fit grincer des dents : elle aurait voulu que sa longue cicatrice au bras droit ne soit pas révélée au grand jour. Laurène sentit les regards de Valentine et son père sur son bras… Aaron récupéra la veste alors que l’adolescente se laissa passer les lourdes menottes qui alourdissaient ses poignets.

Pourtant, avant que quelqu’un ne puisse prononcer quelque chose, une rafale de vent causer par des battements d’ailes les firent vaciller. De toute sa splendeur, Ignisaqua s’encra au sol devant eux. Sa queue manqua d’envoyer valser plusieurs personnes et il s’approchait à petits pas du ministre.

– Ne touchez pas à ma partenaire, prononça-t-il.

Tous les regards se reportèrent sur eux. La bataille semblait s’être arrêtée l’espace d’un instant. En levant la tête, la Liée reconnut Brasier qui planait au-dessus d’eux, suffisamment pour se faire passer pour un dragon normal et pour écouter. Il surveillant son fils. Et Laurène n’arrivait pas à se faire à l’idée que les dragons puissent avoir des relations enfant/parent normales. Elle aperçut d’autres dragons avec lui, espérant que ce soit Saumure et Corail qu’Ignisaqua avaient pu convaincre.

– Je… cher Ignisaqua… vous…. Vous n’êtes pas…

– Je ne suis pas quoi ?! rugit-il. J’ai tous les droits ! Et je vous ordonne de ne pas toucher un seul cheveu de ma partenaire.

Partenaire. Ce mot m’était autant mal à l’aise Laurène que les hommes politiques en face d’Ignisaqua. Le dragon s’était déjà montré aussi protecteur envers elle cependant la situation n’était pas pareille… il n’avait pas de pouvoir sur eux et à moi de tous les brûler en un craché de flamme, il ne pouvait rien faire contre une décision nécessaire.

– Nous devons…

– Elle a fait ce qu’elle devait faire pour la prophétie. Rien de plus. Laissez-là tranquille.

Un rugissement se fit entendre et Laurène aperçut Brasier attaquer. Toutes les têtes se levèrent vers eux. A travers leur lien, la Liée put même sentir toute la tension de son dragon, toute sa peur, son angoisse. Jamais ça ne lui était arrivé, alors il devait vraiment tenir à son père pour que ses émotions soient si intenses au point qu’elle les ressente.

« Vas-y. Va l’aider. Tu ne peux rien faire contre ça de toute façon. Va aider ton père. »

Ignisaqua se tourna vers elle et la regarda dans les yeux. Peut-être était-ce bien la première fois que ça leur arrivait.

« Merci. Vraiment. »

Laurène hocha la tête et l’observa s’envoler. Les ministres l’interrogèrent mais elle ne leur répondit pas. Personne ne devait savoir qu’Ignisaqua était le fils du fondateur de la lignée de feu. Cette information ne devait arriver à personne d’autre qu’à elle. Le ministre reprit de l’assurance et se planta devant la jeune fille, la foudroyant du regard.

– Laurène Maguy, répéta le premier ministre. Vous êtes accusez de haute trahison envers la patrie et risquez donc la peine de mort qui est encore en vigueur dans notre communauté.