Août 1998 (campus nord de France) :

À quasiment 18 ans, Nicolas Maguy, meilleur élève de sa promotion était tout excité d'aller au ministère avec ses amis. Sébastien aussi était déjà prêt et aidait Christine à finir les préparations. Nicolas, lui attendait devant le quartier des Liés. La porte s'ouvrit sur une jeune fille aux cheveux roux et aux yeux verts. Clothilde, la demi-sœur de Christine. Dès leur rencontre, Nicolas était resté subjugué par la jeune fille, il aurait tout donné pour elle.

– Viens, fit-elle en lui attrapant la main. Je dois te dire quelque chose.

Elle l'entraîna avec elle jusqu'à sa chambre, basée sur le thème du rouge, sa couleur préférée. Voyant que Clothilde était assez nerveuse, Nicolas tenta de se montrer détendu pour contrebalancer. Mais la vérité était que dès qu'elle avait peur, il avait peur pour elle.

– Tu te souviens lorsque je devais faire une prise de sang pour vérifier tout mes taux, commença-t-elle en cherchant une feuille sur son bureau.

– Heu... oui ?

La jeune fille lui tendit le papier et le jeune homme regarda minutieusement les analyses. Tout semblait en ordre, sauf quelques hormones.

– Cela signifie quoi les forts taux de prolactine et d'ocytocine ?

– Je... ceux sont des hormones très présentes en fin de grossesse, souffla-t-elle avant de s'asseoir.

– De grossesse, répéta-t-il en l'observant. Mais ton ventre...

– Ils ont découvert que j'étais à sept mois de grossesse, Nico. J'ai fait un déni de grossesse.

Nicolas était partagé entre joie et panique. Bien évidemment qu'il ne s'attendait pas à être père, que tout était soudain. Cependant, il se devait d'être confiant pour Clothilde. Il était là pour elle, et la soutenait dans n'importe quel choix.

– On est très jeune pour être parent, murmura la jeune fille en larme.

– Hey, commença doucement Nicolas en lui prenant les mains. Je ne sais pas ce que tu comptes faire, mais qu'importe le choix que tu fais, je serai là pour te soutenir. Que tu le gardes ou non, je serai là.

– Mais toi... tu serais là, prêt à assumer d'être papa à tout juste 18 ans ? Te sens-tu prêt à être responsable d'un être humain ?

– Peut-être qu'au début je ne serai pas à l'aise, mais Clo... t'es la femme de ma vie, et je ne m'imagine pas faire toute ma vie sans toi. Je nous imagine déjà en paix, dans une maison tranquille. Certes c'est tôt, mais c'est avec toi, donc je reste heureux, parce que je t'aime.

– Et tes parents ? Tu les connais mieux que moi, ils vont péter un câble en apprenant cela, ils ne voudront plus jamais que je te vois, ils feront tout pour nous séparer.

– On s'en fout de mes parents. Comme si j'allais leur laisser le choix de cela. Je veux être avec toi, c'est moi qui décide.

La jeune fille sourit et ils s'embrassèrent passionnément. Nicolas prit les valises de la jeune fille pour la soulager et elle dit au revoir au deux autres Liés du campus qui lui répétèrent de faire attention sur le trajet. Ils avaient raison, cela pouvait être très dangereux. Clothilde prit à l'écart Christine, sa demi-sœur pour lui parler. De deux ans plus jeune, l'aînée avait peur pour sa petite sœur. Elle n'avait même pas encore 16 ans et en tant que Soigneuse, elle pouvait payer chère cette escapade. Cependant, l'adolescente ne voulait pas laisser sa grande sœur seule. Les deux sœurs se serrèrent dans leurs bras. Nicolas, Clothilde et Sébastien montèrent sur leurs dragons. Le jeune Gomez aida Christine à monter avec lui et ils s'en volèrent avec les adultes.

Le trajet fut agréable, il ne faisait pas froid et les dragons n'allaient pas très vite. Nicolas et Clothilde discutaient, plus détendus pendant que Sébastien et Christine guettaient les alentours, mais tout semblait calme. Pourtant, la plus jeune sentait comme un mauvais pressentiment même si elle ne pouvait pas vraiment expliquer d'où cela provenait.

– Tu psychotes pour rien, murmura Sébastien pour la rassurer. Tu sais que les Soigneurs et les Liés sont particulièrement en danger donc cela te tracasse car cela te correspond à toi et à ta sœur. Mais regarde, s'il y avait déjà, on se serait déjà fait attaquer, non ?

– C'est toi le génie de la bataille, répondit Christine. Mais Seb... je te jure que je me sens mal, je ne sais pas, c'est comme si ma petite voix me disait qu'on devait juste retourner en arrière au campus. Comme si quelque chose de grave allait se passer.

– Chris, souffla Sébastien en lui prenant la main. Cela va aller, et de toute façon, on ne peut plus faire chemin arrière maintenant, on est déjà à la moitié du trajet.

– Je sais...

Mais pourtant, Christine n'était pas du tout rassurée, elle voyait sa sœur et Nicolas rigoler entre eux, et les voir si heureux la rendait encore plus mal à l'aise tout compte fait de sa peur. Lorsqu'elle entendit des explosions, elle s'agrippa de toutes ses forces à Sébastien. Nicolas et Clothilde furent plus alertes. Christine hurla d'horreur en voyant une hache se planter dans la tête du dragon de Nicolas. Ce dernier cria le nom de son dragon en pleurant, la mort ayant été trop soudaine. Il ne se dégagea même pas de son dragon qui tombait. Heureusement, Clothilde le rattrapa et le hissa avec elle sur son dragon. Nicolas ne pouvait plus rien faire, il était en état de choc, sidéré.

– Cela va mal se passer, murmura Christine.

– On est ensemble tout les quatre, on se battra jusqu'au bout.

– Je ne sais pas me battre.

– Je te protégerai.

– À terre ! hurla Clothilde.

Les deux dragons filèrent en chute libre alors que les adultes furent tous projetés de leur dragon dans une chute mortelle. Nicolas, qui reprenait ses esprits malgré sa souffrance se positionnait devant Clothilde qui malgré son état, brandissait déjà ses armes devant elle. Sébastien avait déjà passé un couteau à Christine mais cette dernière, peu sûre restait en retrait. Elle n'avait jamais combattu et elle avait peur de mourir depuis qu'elle avait débarqué dans ce monde.

Sébastien et Nicolas comprirent vite qu'ils ne faisaient pas le poids, il y avait trop de monde pour qu'ils réussissent à s'échapper. Ils n'avaient plus qu'à battre en retraite, mais ils seraient vite neutralisés. Clothilde s'avança devant eux, confiante et déterminée.

– Clo, fait attention, fit Nicolas en lui prenant la main.

– Je veux tenter de vous sauver. Je ne suis pas la plus puissante, mais je dois essayer. Je ne veux pas qu'on tombe auprès des ennemis.

Les mains de la jeune Liée s'enflammèrent et elle commençait à attaquer sous le regard terrifié des autres. Malheureusement, même si son dragon aidait, ainsi que le dragon du jeune Gomez qui crachait du vent, les ennemis avançaient trop facilement et Clothilde s'épuisait beaucoup trop. Nicolas rattrapa la jeune femme dans ses bras, à deux doigts de s'évanouir. Christine s'occupa directement d'elle. Sébastien et Nicolas tentaient de les repousser, mais ils se firent vite neutraliser. Nicolas attrapa Clothilde et ne lâcha pas sa poigne, même une fois embarquée. Sébastien tentait de calmer Christine en pleine crise de panique, ce qui s'avérait compliqué. Même en leur enfilant des cagoules, Nicolas ne lâcha Clothilde que lorsqu'ils furent jetés dans des cellules différentes.

Début Septembre 1998 :

Entre les barreaux qui séparaient les deux cellules, Nicolas tenait toujours la main de Clothilde. Même en tant que Dresseur, Nicolas prenait cher, une de ses mains était cassée puis ses bras étaient criblés d'entailles. En plus de cela, la mort de son dragon le tourmentait. Son dragon, son partenaire, qui était tout pour lui. Clothilde l'aidait à surmonter, mais sans elle, il ne pouvait pas. Il se sentait vide, une partie de lui s'était brisée, volatilisée, morte, comme son dragon.

Néanmoins, il tentait de rester fort pour Clothilde. Nicolas n'avait pas spécialement peur pour son meilleur ami, mais il imaginait déjà le pire des cas pour Christine. Soigneuse, cela ne pardonnait pas ici, mais il n'abordait pas le sujet avec son amoureuse. Elle n'imaginait pas sa demi-sœur mourir. Pourtant, elle morflait déjà beaucoup. La jeune Liée avait une jambe cassée pour l'empêcher de s'enfuir, ainsi qu'un bras pour l'empêcher d'enflammer d'autres ennemis. Bien évidemment, ils la soignaient, espérant qu'elle donne des informations, sauf son bras qui lui faisait souffrir le martyr. Nicolas restait hanté par ses cris, par sa souffrance qu'il ne pouvait pas empêcher. Il se sentait coupable, il s'en voulait de ne pas pouvoir l'aider. La pénombre empêchait Nicolas de la voir, mais de ses doigts, il trouvait son visage.

– Est-ce que nous allons survivre ? murmura Clothilde la voix tremblante.

– Je sais pas... je sais plus, il faut que quelqu'un vienne nous chercher, continua-t-il la voix cassée. Je ne te laisserai pas tomber OK ? Même si j'ai une occasion de m'enfuir ou de sortir, je resterai avec toi.

– Non, si tu as l'occasion de sortir, tu sors.

– Je reste avec toi, quoiqu'il arrive.

Nicolas leva la main de la jeune fille et l'embrassa. Même s'il ne pouvait pas la voir, elle sourit. Un peu soulagée et heureuse malgré la situation.

– Ensemble, murmura-t-elle en lui serrant un peu plus la main.

– Ensemble, promit tendrement Nicolas.

– Et on l'aura notre maison, ensemble, loin de ce monde. Avec cet enfant, et peut-être d'autre non ?

– Oui, on l'aura.

– Je t'aime, souffla-t-elle.

– À l'infinie.

C'était leur phrase à eux, qu'ils se répétaient surtout dans les moments où cela allait mal, pour surmonter, pour supporter. Être à deux les rendaient plus fort, ils le savaient, mais cela ne les rendait pas plus fort infiniment.

Clothilde sentait le bébé bougé ces derniers temps, ce qui n'était pas étonnant à huit mois de grossesse. Quelques fois, elle guidait la main de Nicolas jusqu'à son ventre. Elle priait la Mère et le Père pour qu'ils s'en sortent vivants, tout les trois. Alors que des ennemis arrivaient, elle agrippa un peu plus la main de Nicolas. La lumière s'alluma et elle vit le couteau sous ses yeux et la douleur à son bras. Le Dresseur hurlait pour qu'on la laisse, mais cela ne faisait rien, il ne pouvait rien faire et Clothilde n'avait plus assez de force pour former ses flammes. Néanmoins une douleur au ventre l'interpella, et quand elle baissa les yeux, elle vit du liquide coulée le long de ses jambes et par terre. Elle tourna sa tête horrifiée :

– Je perds les eaux !

Paniquée, les gardes la transportèrent directement. Nicolas hurla, tapa. Non, il devait être présent, il devait l'accompagner. Il ne pouvait pas la laisser seule, affaiblie, et en train d'accoucher. Il devait la soutenir. De rage, il frappa le sol de sa main cassée et explosa en larme. Il avait déjà perdu Igna dans cette capture. Il ne se sentait pas de survivre sans Clothilde. Tremblant, il se leva et s'accrocha aux barreaux. Il hurla. Il hurla sa rage, sa douleur, le prénom de Clothilde. Son mince filet d'espoir était parti, il ne comptait que sur lui-même pour se sauver, pour les sauver, mais il n'était pas en état. Il continua de hurler à s'en brûler la gorge, à s'en casser la voix, à faire venir des ennemis le tabasser pour le faire taire. Il ne savait pas où ils avaient placé la Liée, mais il l'entendait crier alors qu'elle poussait.

– Clothilde ! Je suis là ! Je reste...

Le coup de poing en plein visage le fit taire. Il cracha du sang et sentit sa tempe en sang. Malgré tout, il se débattit. Pour se sentir en vie. Pour garder espoir. Pour sortir d'ici. Il acceptait cette douleur, il ne refusait pas de se l'épargner. Les larmes écorchèrent ses jambes, ses bras, son torse. Et ils le laissèrent inconscient. Pourtant, lorsqu'il ouvrit les yeux, Clothilde n'était toujours pas là. Il se leva, le corps endolori et hurla son nom. Il attendit quelques heures et ils la jetèrent dans sa cellule à lui. Il prenait ça pour un mauvais signe. Clothilde n'arrivait pas à bouger tellement elle était épuisée. Nicolas rampa à elle et posa sa tête sur ses cuisses. Elle avait le teint pâle et le visage strié de larme qu'il essuya doucement.

– Ils... Ils l'ont pris, sanglota-t-elle. Ils m'ont juste laissé choisir la première lettre de son prénom... Nico, je ne survivrais pas.

– Qu'est-ce que tu racontes mon cœur ? Bien sûr que tu vas survivre ! Je serai là et...

– Je suis faible actuellement, ils ne nourrissent pas bien, et je ne suis pas l'élue. Tu sais bien que Christine est sûrement morte et que comme je ne suis pas une Liée importante, ils me tueront. Je ne veux plus faire comme si j'avais de l'espoir...

– Il faut garder espoir chérie, martela Nicolas. Il le faut, sinon c'est comme cela, c'est en baissant les bras que l'on n'y arrive plus. On survivra et on récupérera notre fils.

– Chéri...

– On va survivre.

Il se pencha et l'embrassa. Ils passaient des moments horribles, mais il voulait y croire pour eux deux, pour qu'ils s'en sortent. Vivants.

Octobre 1998 :

Nicolas n'arrivait plus à dormir de la nuit. Les cris de souffrance, l'expression de souffrance de Clothilde le hantaient, le hanteraient toutes sa vie. Il restait là, pour la soutenir, pour recueillir ses larmes, lui réchauffer le cœur, la soulager lorsque ces monstres partaient. Tout le temps qu'ils restaient, ils le passaient dans les bras l'un de l'autre. Parfois sans parler, mais aussi à s'imaginer le futur en sachant qu'ils ne tiendraient peut-être pas jusqu'à une hypothétique libération. Jusqu'à ce que l'inévitable se passa, car Clothilde perdait trop de sang, et qu'ils n'avaient aucune raison de la sauver puisqu'elle ne disait rien. Nicolas appuya sur sa blessure pour limiter la perte du sang mais cela ne servait à rien, personne ne viendra la soigner.

– Nico, prononça Clothilde. C'est fini.

Elle leva lentement sa main pour la coller à la joue du jeune homme qui s'entêtait à appuyer sur la blessure. Non. Non ce n'était pas possible, elle ne pouvait pas mourir. Pas maintenant, pas après tout ce qu'ils avaient enduré, ils méritaient du bonheur, elle le méritait.

– Tu ne peux partir, souffla-t-il en pleurant.

– J'aurai tellement voulu rester avec toi, pleura Clothilde. Je... je veux que tu saches. L.

– L ?

– Le prénom de notre fils. S'ils respectent vraiment, il commence par un L.

– Oh... L. Je te promets, je te promets que je retrouverai notre fils. Pour nous. Pour qu'il sache qui étaient ses parents, qui était sa mère. Pour qu'il sache que même si c'était une surprise, qu'on l'aimait cette surprise. Que tu l'aimais cette surprise.

– Merci, murmura-t-elle alors qu'il lui caressait la tête. Je sais que tu feras tout ce qu'il faut. Je t'aime tellement...

– Je t'aime.

– À l'infini, termina-t-elle.

Il se pencha pour l'embrasser, mais elle partit avant que ses lèvres touchent les siennes. Et Nicolas pleura, il vida toutes les larmes de son corps en suffoquant son prénom, mais elle ne répondait plus. Elle ne répondrait plus jamais.

C'était fini, ils avaient gagné. Nicolas Maguy n'avait plus aucune raison de vivre.

Quelques jours plus tard :

Le regard de Nicolas ne pouvait se décrocher du corps de Clothilde. Il espérait la voir esquisser un geste, ouvrir les yeux, mais il savait qu'elle était morte, et dès qu'il le réalisait à nouveau, il se mettait à pleurer. Cette fois, les ennemis prirent leur temps pour s'installer, ils portaient une cagoule, mais lorsque la grille s'ouvrit, et qu'ils ôtèrent les cagoules, Nicolas reconnut son père. L'adulte avança vers son fils :

– Depuis combien de temps Clothilde est dans cet état ?

– Quatre jours, murmura le Dresseur.

– Elle est morte, annonça au même moment l'autre homme.

S'ils étaient venus plus tôt, elle aurait pu rester en vie. Seulement quatre jours... ce constat fit pleurer Nicolas. Le jeune Dresseur se demandait comme il avait assez d'eau dans le corps pour pleurer. Une équipe débarqua pour déplacer le corps de Clothilde et l'examiner. Il retrouva la lumière du soleil dans un village isolé, ils les avaient abandonnés. Ils auraient pu mourir de faim et de froid ! Il aperçut des Soigneurs en action et pensa directement à Christine. Il s'avança rapidement mais la jeune Soigneuse, bien amochée tenait la main de Sébastien, une autre sur sa joue. Son meilleur ami s'était sacrifié pour elle, et pour le moment, son état n'allait pas. Les Soigneurs aînés tentèrent de l'éloigner mais elle se débattait, voulant rester à ses côtés. Sauf qu'elle termina à terre et ils en profitèrent pour éloigner le brancard alors qu'elle se mit à pleurer. En se relevant, elle tourna la tête. Elle avait un coquard et une lèvre fendue en plus des cicatrices dans son cou et sûrement autre part sur son visage.

– Nico... elle est où Clothilde ? Elle est où ma sœur ?!

Nicolas ouvrit la bouche mais ne sut quoi dire. Le son ne sortait pas. L'adolescente comprit juste à son expression. Ses yeux brillèrent et elle s'avança dans sa direction. Elle s'arrêta lorsque le brancard avec la tête de Clothilde dépassant roulant devant elle.

– Non ! Non ! Clothilde ! hurla Christine.

Elle tomba par terre et Nicolas la rattrapa. Elle pleura, hurla. Sa sœur, sa grand sœur, celle qu'elle admirait, celle qui la sauvait, l'impressionnait ne pouvait pas mourir alors qu'elle survivait. Elle se raccrocha à Nicolas à défaut que Sébastien et Clothilde ne soient pas là. Il la prit dans ses bras sans rien dire, la porta et l'entraîna avec lui dans la voiture. Ils rentraient enfin, après tant d'épreuves, tant d'épreuve. Ils rentraient enfin dans un semblant de maison.

Janvier 1999 :

Sébastien avait fait quasiment trois mois de coma, trois mois inconscient. Trois mois pendant lesquels Christine restait à son chevet tout le temps, dormant assise, mangeant à peine, se douchant à peine. Nicolas ne se remettait pas de la mort de l'amour de sa vie, mais il voulait tenir une promesse auprès de Clothilde, non formulée mais évidente : veiller sur sa petite-sœur.

Après le réveil du Dresseur, Christine s'était réfugiée en haut de la falaise, assise au bord, regardant le campus dans toute sa splendeur. Ce monde qui lui avait tout volé, sa sœur, Sébastien... elle entendit quelqu'un s'approcher d'elle et s'asseoir à ses côtés. Elle aurait voulu que ce soit le jeune Gomez, ils avaient l'habitude de se retrouver là, au couché de soleil. C'était Nicolas.

– Tu veilles sur moi car ma sœur te l'a demandé, non ?

– Elle en a pas eu besoin. Et tu n'es pas que sa sœur pour moi, tu es une amie.

Elle hocha la tête, dans un geste maladroit, il l'attira vers lui et elle posa sa tête sur l'épaule du jeune Maguy. Cela faisait du bien, de pouvoir se reposer sur quelqu'un, même si ce n'était pas la même épaule solide que l'on connaissait avant.

– J'ai appris pour Seb. Je... je suis désolé. Je n'imagine même pas ce que tu dois penser.

– Je... c'est un mélange de tristesse et de colère en faites, expliqua Christine la voix tremblante. Je ne sais pas trop, puis, le pire c'est qu'il n'y ait pour rien, ce n'est pas sa faute ! C'est celle des ennemis.

Elle pleura et Nicolas raffermit son emprise pour la réconforter. Qu'aurait dit Clothilde pour la réconforter ? Elle aurait su comment apaiser sa sœur, mais elle n'était plus là, et il n'était pas Clothilde et ne connaissait pas assez Christine pour aider. Il se sentait inutile, mais sa présence aidait déjà la jeune Soigneuse.

– Tu te rends compte ? Il aurait pu perdre la mémoire sur tout ou son identité. Mais non. Il m'a oublié. Il m'a oublié et il nous a oublié, nous. Et à la place il y a l'autre pouffe qui en profite en lui faisant croire que tout allait bien entre eux dans le meilleur des mondes. Cela fait si mal !

– Je peux lui parler si tu veux, proposa Nicolas.

– Non. Ce n'est pas bon, et pour lui et pour moi. Il va déjà entendre par ses parents... le seul moyen que tout revienne comme avant serait qu'il retrouve la mémoire. Mais il ne le retrouvera sans doute jamais.

– Je suis désolé...

– Je suis désolée pour ma sœur. Je sais à quel point tu l'aimais.

– Je peux te confier un secret ?

– Oui bien sûr, assura Christine en séchant ses larmes.

– Elle était enceinte, et elle a accouché là-bas avant de...

Christine ne répondit rien, comprenant tout ce que Nicolas avait perdu quelques mois plus tôt. Elle lui prit la main et le serra dans ses bras. Il en avait besoin, besoin de réconfort. Ce que ses parents n'arriveraient jamais à lui donner. Et ils restaient là, ils étaient deux adolescents meurtris par des événements atroces, et ils devaient tenir le coup. Car ils n'avaient pas le choix et ne voulaient pas donner raison aux ennemis, à ceux, qui leur avaient tout volé.

– J'ai tellement envie de quitter ce monde, se plaignit Christine.

– Alors faisons cela, décida Nicolas.

– Mais tu es fou ! Et Seb et tes parents ?

– Je resterais en contact avec Seb et je me fiche de l'avis de mes parents. Après tout ce que ce monde nous a fait... partons Christine. Partons loin d'ici, et recommençons à zéro.

– Deal ?

– Deal.