Chapitre 56 :

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Luc posa une tasse devant son frère. Il ne connaissait pas trop le job d’un frère, mais il savait qu’un ami soutenait. Donc un frère… cela ne devait pas être trop différent non plus. Lucas le remercia avant de poser ses mains sur la tasse pour se réchauffer. Luc avait brièvement vu Clara avant qu’elle parte, il ne la connaissait pas, mais elle était très importante pour Lucas. Il le savait. Le salon des Liés était accueillant même si Luc ne se sentait pas spécialement à sa place Le Dresseur avait assuré à Valentine et Anna qu’il s’occupait de Lucas, elles cherchaient désespérément Clara.

– Comment tu te sens ? demanda doucement Luc en s’asseyant à ses côtés.

– Comme un moins que rien, avoua Lucas. Je ne peux m’empêcher de me dire que j’aurai pu l’accompagner, mais dans ce cas là c’est Clara qui serait sûrement morte… j’ai l’impression que mon choix sentimental a tout influencé. J’ai l’impression d’être responsable.

L’affirmation dans le ton de Lucas rendit son frère un peu triste. Lui aussi, avait longtemps pensé être responsable de tout ses problèmes. Longtemps il avait désigné des coupables. Mais la vérité était bien plus compliquée, surtout dans le cas de la prophétie.

– Et Clara a l’impression d’être responsable, reprit doucement le jeune homme. Tu ne l’es pas et elle ne l’est pas non plus. Il faut que tu te raccroches à ça Lucas, et il faut que t’ailles la rassurer, lui dire que ce n’est pas de sa faute.

– Je sais, mais je ne sais pas si j’arriverais à trouver les mots pour l’apaiser… Tu sais, j’ai l’impression que lorsque je parle, ça fait l’effet inverse. Et j’aimerais tellement pouvoir lui dire que même Joyce n’aurait pas voulu qu’elle se flagelle.

– Je pense qu’au contraire, tes mots l’aideront. Tu l’aimes beaucoup, tu vas trouver les mots, j’en suis persuadé. C’est lorsqu’on y pense le moins qu’on trouve les mots. Ta sœur, elle sait trouver les mots, avec moi, elle a su trouver les mots, avec Aaron elle sait trouver ses mots. Alors pourquoi tu n’y parviendrais pas pour la personne qui compte le plus pour toi ? Ne va pas souffrir seul, trouve la, rassemblez-vous, soutenez-vous, faites en une force pour vous. Pour vous personnellement et votre relation. Ça serait triste que ça vous sépare, non ?

– Oui, admit Lucas avec un petit sourire. Oui tu as raison.

Il y eut un petit silence, puis timidement, Lucas le serra dans ses bras. Ce n’était pas les franches accolades qu’il pouvait avoir avec sa jumelle, mais en même temps, il ne connaissait pas Luc depuis très longtemps.

– Je suis désolé d’avoir été désagréable avec toi au début, t’es un mec bien. C’est juste que j’avais peur pour Laurène au même titre que nous tous ici.

– Je comprends, ne t’inquiète pas pour ça.

– C’est vraiment triste que ça se soit passé de cette manière… j’veux dire, j’aurais bien aimé connaître mon grand-frère quoi.

– Si je peux t’être de bons conseils maintenant, c’est déjà un bon début, murmura Luc. Je ne sais pas trop ce que ça fait d’avoir vraiment une famille, j’ai toujours été « fils unique » et je sentais bien que mes parents adoptifs me cachaient quelque chose.

– Tu t’habitueras vite. La clé, c’est d’embêter à bon escient sa sœur.

– Pour risquer de se faire cramer ou noyer ?

– Ouais c’est vrai que c’est dangereux maintenant, réalisa Lucas en grimaçant. C’était plus simple à l’époque. Maintenant elle est assez intouchable, mais on a la légitimité de famille, on a le droit quand même. Elle se gênera pas non plus, t’inquiète.

– T’inquiète pas que je n’ai pas attendu de savoir que c’est ma sœur pour la taquiner. Mais tu sais ce que ça signifie aussi ? Rien ne m’empêche de faire pareil avec toi !

Lucas rigola avant de s’arrêter soudainement.

– Attend quoi ? Mais je te proposais un pacte pour embêter Laurène, pas te donner l’idée de m’embêter aussi !

– Je n’ai jamais dit que tu n’avais pas le droit de m’embêter, affirma Luc avec un sourire narquois. Mais va aider Clara. Elle a ses amies, mais je pense que c’est toi son plus grand soutien.

– Tu sais elle était sympa Joyce, raconta Lucas avec une certaine émotion. Je me sens coupable pour Joyce. Je ressentais vraiment quelque chose pour elle, mais ce n’était pas le genre de sentiment qui restait. Elle ne m’en a pas voulu… Joyce essayait même d’ouvrir les yeux à Clara.

– Ouvrir les yeux ?

– Clara avait peur… peur que je la blesse à nouveau et je comprends très bien.

– Ce n’est pas toi qui la blesse actuellement, c’est la prophétie. Et tu n’y es pour rien. Alors lève-toi, va la chercher, dis lui que tu l’aimes, que tu es là pour la soutenir et rassure là. Elle revient d’un coma, près de la mort, elle a besoin de tout ses proches. Quant à Joyce, je ne la connaissais pas, mais si elle souhaitait te rapprocher de Clara, elle ne voudrait sûrement pas qu’elle s’isole.

Lucas se leva et serra Luc dans ses bras. Il comprenait pourquoi Laurène lui faisait autant confiance, était autant attachée à lui. Lucas sentait qu’il avait été beaucoup marqué dans sa vie, plus vécu que lui et peut-être même Laurène. Il souffla et se détacha, bien décider à chercher Clara.

Ce qui ne fut pas trop compliqué pour lui. Cette dernière était assise au bord de la falaise, le regard dans le vide. Lucas s’installa doucement à ses côtés, et ils restèrent silencieux pendant un moment. Clara fit tomber sa tête sur l’épaule de Lucas.

– Tu sais, mon père m’a dit que ta mère venait souvent là le soir pour regarder le couché de soleil, et il la rejoignait chaque soir pour regarder avec elle et discuter, raconta Clara doucement.

– Les rôles s’échangent, constata Lucas.

– Des fois j’ai l’impression qu’on est un remake de nos parents, et… et j’ai peur de finir comme eux. Pas que je ne suis pas reconnaissante à cette vie, on ne serait pas nés sinon, je ne t’aurais jamais rencontré. On ne se serait jamais rencontré…

– On n’est pas comme nos parents, assura Lucas. C’est juste une coïncidence. Tu ne devrais pas y penser. Tu ne devrais pas te tracasser avec Joyce non plus. Ce n’est pas de ta faute, ni de la mienne. On ne peut rien faire contre les destins dictés par la prophétie.

– Je sais…

– Clara, il faut que tu luttes contre tes penchants d’autodestruction, vraiment, insista Lucas en lui prenant la main. Je suis là, les filles sont là, ma sœur est là. Tu n’es pas seule et ça sert à rien de nous repousser. Nous, on veut juste être la pour toi. Je suis là pour toi, quoi qu’il arrive.

– Ça aurait pu être moi, murmura Clara. Si tu ne m’avais pas choisie ça aurait été moi et…

– C’est tombé sur elle. Tu ne peux pas te retourner la tête et te torturer pour des événements qui n’ont pas eu lieu. Clara, cela s’est passé c’est tout. Je ne pense pas que te choisir aurais changer quelque chose.

– Bien sûr que si. Si je n’avais pas détruit ton couple, je serais sûrement morte !

– Non. Déjà parce que tu n’as pas détruit mon couple, c’est moi qui me suis créé des problèmes et qui ait fait n’importe quoi. Et si tu étais partie, je serais venu avec toi, et Joyce se serait retrouvée à ta place à défendre Aaron et Laurène sans partage et ça serait sûrement revenu au même.

– Je n’avais pas pensé que nos vies se jouaient à ce moment-là… et elle en a payé le prix, insista Clara amère.

– Clara, regarde-moi, intima Lucas en tournant son visage vers lui. Ce n’est pas toi qui dirige les prophéties, ce n’est pas toi qui décide de la mort des autres. Joyce, elle n’aurait pas voulu que tu penses ça, tu le sais.

– Elle aurait voulu qu’on soit heureux, elle voulait toujours le bonheur des gens…

– Et c’est pour cela qu’on aime Joyce. Alors on va lui rendre un dernier hommage pour tout ce qu’elle a fait, et on va rester en vie, ensemble, pour elle. Pour nous aussi.

– Jamais je ne pourrais t’abandonner. Tu le sais ?

– Oui je le sais. Ouvre-toi, Clara. Accepte que l’on puisse t’aider. Que je puisse t’aimer.

– Mais toi ? s’enquit Clara. Est-ce que ça va aller toi ?

– Tant que tu es avec moi, et que ma sœur reste en vie, tout ira bien pour moi.

– Et Luc ? Je suppose que c’est étrange de retrouver un frère… Tu le prends bien ? Ça doit être compliqué.

– Je ne connais pas très bien Luc, mais il n’est pas malveillant comme on a pu le penser au début. Laurène sait bien choisir à qui accorder sa confiance. Il faut juste prendre un peu de temps, mais je sais qu’on peut lui faire confiance. C’est lui qui m’a poussé à me relever et à te voir.

– Je suis contente que tu puisses compter sur lui, murmura la jeune fille.

– Moi aussi !

Lucas l’embrassa puis ils retournèrent leurs têtes quand ils entendirent des cris. Ils se relevèrent en apercevant une foule courir vers le bâtiment et une fumée noire s’étendre dans tout le campus. Ils ne virent pas Laurène monter sur Ignisaqua et aller en direction de la fumée. Clara prit la main du Lié et l’entraîna au bâtiment le plus proche : le sanctuaire. Il n’y avait personne. Pas un voyant. Ils s’effondrèrent sur le banc des Liés, se demandant ce qui avait pu se produire. Ils restèrent là mais sursautèrent au moment où la porte s’ouvrit.

Lucas et Clara, craignant une attaque sautèrent, arme à la main. Peu de fumée passa l’ouverture de la porte mais ils s’affaissèrent lorsqu’ils aperçurent Valentine et Anna, essouflées.

– On n’a pas pu atteindre les espaces clos de l’infirmerie, soupira Anna en se laissant tomber sur Valentine, assise sur le premier banc proche de l’entrée. On a pensé qu’il s’agissait de l’endroit le plus proche. Qu’est-ce que c’est que ce truc ?

– Je ne pense pas que… vous avez vu Aaron, Luc et Laurène ?

– J’ai vu Luc et ton père se précipiter dans le quartier des adultes, affirma Valentine. Mais je n’ai vu ni Aaron, ni Laurène.

Clara saisit la main de Lucas qui allait se précipiter hors du sanctuaire. Le jeune homme imaginait mal sa sœur rester dans ce brouillard. Personne ne pouvait rester dans ce brouillard ! Il s’effondra sur le banc, Clara le serrant contre lui. Valentine et Anna les rejoignirent après avoir repris leurs esprit et encadrèrent Lucas. Ils n’avaient plus qu’à attendre. Il n’avait que ça à faire ! Ils ne surent pas vraiment combien de temps ils restèrent dans le sanctuaire à discuter entre eux.

– Je crois, hésita Anna. Je crois que nos prophéties, à Valentine et moi vont se réaliser bientôt.

– Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Il faudrait demander à un voyant pour être sûr, répliqua Clara.

– Nos prophéties sont liés, indiqua Valentine jouant avec les cheveux d’Anna. Et elles sont toutes les deux Liés à la fille du Père. Avec vos explications, nous avions mieux compris…

Les deux jeunes filles ne s’étalèrent pas plus. Il y avait trop de flou pour expliquer clairement et toutes les deux ne voulaient pas trop y penser pour le moment. Depuis la première fois que sa prophétie avait été révélé, Anna redoutait les événements qui s’entraîneraient. Un baiser sur la tempe lui chassa ses pensées et elle se tordit le cou pour voler un baiser sur les lèvres de Valentine.

« Vous pouvez sortir. Le brouillard c’est dissipé depuis un moment », indiqua Terramicus à Lucas.

« D’où ça venait ? »

« Je ne le sais point pour le moment. Je tente de trouver Ignisaqua ou Aquaventus mais ils me sont introuvables pour le moment. »

Luca serra les dents : que la catastrophe s’arrête était une très bonne nouvelle mais que les dragons de sa sœur et Aaron soient introuvables… ça lui plaisait nettement moins ! A peine la bande d’adolescent fut sortir qu’ils tombèrent nez à nez avec Nicolas, Luc et Sébastien.

– Papa ! s’exclama Lucas. Luc ! Est-ce que vous avez vu Laurène ? Elle n’était pas avec nous !

– Qu’est-ce qui s’est passé ? voulut savoir Clara.

– Aaron est à l’infirmerie. On pense que le lien avec la fille du Père se développe d’où cet évènement. Il est inconscient pour le moment, on espère que son état va s’arranger bientôt.

– Vous avez dû le blesser pour le faire revenir à lui ? s’inquiéta Anna alors que Valentine lui broyait la main.

– Non. Non. Laurène a réussi à le faire revenir à lui mais après la fièvre a pris le dessus pour le moment. Les Soigneurs préfèrent que personne ne le voient pour le moment. Les complications peuvent mettre en danger les personnes à proximité. Vous serez autorisés à le voir quand ils seront sûrs qu’il n’y a aucun risque.

– Oh Laurène, soupira Clara.

La jeune fille la vit au pied de la falaise et dévala l’escalier puis la pris dans ses bras. La Liée s’effondra dans ses bras en pleurant. Lucas les rejoignit très vite.

« La dernière partie de la prophétie va commencer, je pense. Elle concerne Aaron. », l’informa la Mère.

Laurène serra les dents. Elle appréciait être déchargée de ce point, mais l’inquiétude d’Aaron la rongeait. A quel point l’apparition du lien pouvait-il le bousculer ?

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