Les deux jeunes filles retrouvèrent leurs amis près de leurs dragons. Sauf Luc et Anna n’en possédaient pas. Aaron vint à leur rencontre, le jeune homme transpirait la nervosité cependant il faisait son possible pour ne pas le montrer.

– Êtes-vous vraiment certaine de vouloir venir ?

– On ne va pas te laisser, assura fermement Valentine. On vient.

– Merci les filles, c’est gentil.

Avant qu’elles ne puent répondre quoique ce soit, Clara et Lucas débarquèrent pour leur dire de faire attention. La jeune Dresseuse serra fort ses amies dans ses bras. Puis elle alla retrouver Laurène qui les rejoignait avec Luc. Valentine commença à aider Anna à monter sur Doubiscia, sa dragonne. Il s’agissait d’une dragonne de Terre, au pique sur ses écailles vertes et des grandes ailes dentées. Anna n’eut pas de mal à monter dessus néanmoins Valentine resta à l’arrière pour s’assurer qu’elle ne tombe pas.

– Heu… tu crois que je ne pourrais pas monter avec Aaron ? Sur Aquaventus ? demanda Luc à l’oreille de sa petite sœur.

– Le Père et la Mère ne vont pas te tuer, tu sais. Ils savent bien que tu n’es pas mauvais, Luc. Tout le monde le sait.

– Peut-être, mais s’il-te-plaît, je serais plus rassuré comme cela.

– Bon, d’accord. Chéri ! interpella Laurène. Tu pars avec Aquaventus ? Luc préférerait monter avec toi, sur Aquaventus.

– Heu ouais… t’es sûr mec ? Tu aurais pu passer un moment avec ta sœur.

– Oh mais ça ne me dérange pas de passer un moment avec mon beau-frère aussi !

– De toute façon, on reste côte à côte, si jamais il y a un problème, on pourra se défendre.

Laurène grimpa sur Ignisaqua et prit le temps de se positionner le plus confortablement possible. Elle attendit que les deux jeunes hommes et ses deux amies soient prêts et les trois dragons s’envolèrent. La Liée ne savait pas vraiment de quel sujet cet entretien allait être, néanmoins, elle fut sûre que cela avait une importance avec la prophétie. Ignisiqua les guida pendant une bonne heure jusqu’à leur destination, plus ils s’éloignaient, plus Laurène se sentait mal. Il n’y avait aucun endroit où elle se sentait pleinement en sécurité, mise à part les bras d’Aaron, cependant, rester proche du campus la rassurait tout de même beaucoup. Elle sentait la pression, l’angoisse couler dans ses veines, l’état d’alerte en elle qui lui criait de regarder partout, de faire attention à un potentiel attaque. Entre les attaques qu’elle avait vécu et celle que ses parents lui avait racontée, cela ne l’aidait pas à rester sereine. Une fois arrivée, les trois adolescents se posèrent.

– Restez ici pour le moment, annonça la Mère ce qui étonna tout le monde. Je te dirais lorsque je serai sûre.

– OK, répondit simplement Laurène.

La vérité restait toujours très difficile à digérer pour elle, de se dire qu’elle avait vécu des moments forts avec un dragon pour qu’au final ce ne soit pas lui dans certains moments. Qu’une personne en quelque sorte les épiais depuis le début, c’était introduit dans la tête de Laurène aussi simplement. La Liée connaissait l’importance du lien entre elle et son dragon, encore plus étant l’élue, mais les liens s’effilochaient de plus en plus. Et la faute venait autant de la Mère que de Laurène. Et la situation chagrinait Ignisaqua.

– Ça va ? s’inquiéta Aaron en lui prenant la main.

– Non, répondit franchement Laurène. C’est juste qu’il y a trop de pression en ce moment, c’est tout.

– Y a pas que ça, je le vois, soupira Aaron en replaçant les cheveux de Laurène.

Laurène se mit sur la pointe des pieds et l’embrassa. Ce geste lui donna du courage et du réconfort, beaucoup plus que ce que n’importe qui pouvait lui donner. Aaron n’insista pas plus, connaissant trop les attitudes de Laurène pour déterminer qu’elle ne souhaitait pas en parler et il se contenta de jouer avec ses cheveux en attendant qu’elle signale le début. Il jetait des coups d’œils derrière lui : Valentine et Anna se murmuraient quelques mots à l’oreille alors que Luc psychotait et guettait les alentours comme si on pouvait les attaquer par surprise et les capturer à tout moment. Ce qui était hautement possible, mais Aaron n’avait pas peur pour eux, Laurène était beaucoup trop puissante désormais pour se faire inquiéter par tous les ennemis.

Laurène se reprit et leur fit signe de la suivre. Aaron n’avait jamais vu Saumure et Corail. Tout deux restaient des dragons très impressionnants, comme tous les fondateurs des Lignés. Aaron aurait pu avoir peur, cependant, il avait déjà vu Fournaise se faire battre, alors il ne voyait pas pourquoi, si les choses tournaient mal, cela ne se reproduirait pas. Cela lui faisait bizarre de regagner une part de naïveté qu’il avait perdu à cause des épreuves de la vie, mais Laurène représentait tout ce qui avait pu le libérer de son passé au final, de se sentir mieux. Elle entrait dans sa tête, son regard, sa voix, son rire, son âme. Et elle chassait ses pires souvenirs, ses pires pensées, ses sentiments les plus obscurs, pour à la place, l’emplir d’une émotion, de sentiments qui lui avaient été inconnu, qui l’avait rendu plus ouvert, plus enclin à s’ouvrir aux autres, à le faire vivre pleinement. Laurène était le cœur battant d’Aaron. Aaron représentait l’espoir de Laurène, l’espoir de vivre, l’espoir de finir toute cette histoire en sachant qu’à la fin, il y aurait quelqu’un à ses côtés qui la voulait autant qu’elle le voulait. Il était le sang qui coulait dans ses veines. Ils étaient leur indispensable l’un pour l’autre.

Lorsqu’ils se retrouvèrent avec les autres dragons, c’est en pensant qu’à ses côtés rien ne pouvait lui arriver que la Liée se cramponna à la main d’Aaron. Pour se rappeler d’abord qu’on tenait à elle et qu’elle ne pouvait se permettre une action suicide, et aussi pour le lui rappeler à lui. Les deux fondateurs des Lignés fixèrent Aaron qu’ils n’avaient jamais vu auparavant, ce qui rendit l’atmosphère particulièrement tendue. Valentine se tata à lancer une blague afin de détendre l’atmosphère, cependant elle renonça. Anna serra sa main pour la réconforter et baissa les yeux, n’osant pas regarder plus les fondateurs des Lignées.

– Est-ce qu’ils savent qui tu es vraiment ? questionna Laurène à Ignisaqua.

– Ignisaqua c’est qui je suis vraiment, s’indigna son dragon. Cependant oui, ils savent que la Mère est présente aussi.

– Hey, souffla Aaron à son oreille alors qu’il était posté derrière elle. Je sais que tu es extrêmement déçue par Ignisaqua et la Mère aussi. Je peux comprendre que tu t’es sentie dupée et que tu ne te sens pas en sécurité dans cette relation, mais il faut que tu fasses un effort, tu sais que le monde en dépend.

– Tu as raison, admit Laurène. Mais… ça ne sera plus jamais comme avant désormais.

– Je sais. Ne t’inquiète pas, je crois en toi.

– Bon heu… pourquoi vous vouliez nous voir ? commença Luc. Que se passe-t-il de si important ?

– Vous savez sûrement que l’Imposteur doit sa force à tous les fondateurs des Lignées, commença la Mère. Sans eux, et surtout sans Fournaise, il n’est rien. C’est pourquoi s’attaquer aux fondateurs des Lignés est primordiale pour s’assurer que l’on finisse bien. Corail et Saumure veulent nous aider, cependant il va falloir duper Zéphyr, Rafale, Lanthane, Cérium et Fournaise afin de réussir à les tuer définitivement.

– Ça fait beaucoup, constata Valentine. Et c’est quoi votre plan pour y parvenir ?

– Où est Brasier ? s’étonna Laurène.

– Ils veillent sur eux en permanence justement.

– Vous lui faites confiance ? s’étonna Aaron.

– Brasier est bien plus qu’un simple fondateur des Lignés. C’est grâce à lui si la prophétie peut se dérouler. Si je perdure toujours, expliqua la Mère mystérieusement.

– Et donc, c’est quoi la prochaine étape ? relança Luc. Aaron, Anna et Valentine doivent déjà récupérer le Père. Alors de quoi vous vouliez discuter ?

– De toi, affirma Saumure.

Luc eut un mouvement de recul. Laurène se plaça devant lui, une main proche de son poignard. Anna et Valentine relevèrent la tête. Mais Aaron resta très silencieux, dans le contrôle. Ignisaqua semblait troublé.

« Laurène… tu ne crois tout de même pas que je laisserai ma mère vendre ton frère aux fondateurs ? »

« Je n’en sais rien ! Qu’est-ce que vous lui vouliez ?Il n’a rien fait ! Il a même renié son dragon ! »

« Nous n’allons pas le tuer. »

« J’espère bien ! »

« Pourtant tu sais que ça aurait été la solution la plus simple. Si on le sacrifiait, tout serait déjà fini. »

« Non. Il y aurait toujours les fondateurs des Lignés qui voudraient venger l’Imposteur. »

Laurène avait raison. La Mère le savait et Ignisaqua appuyait là-dessus. Le dragon comptait bien soutenir sa compagne et retrouver sa confiance. Cette discussion-là, ils l’avaient déjà eu entre eux et la Mère n’avait pas été enchanté de la position de sa progéniture. Jamais Ignisaqua s’était permis d’aller à l’encontre de sa mère, mais il l’avait fait.

– Laurène, murmura Anna à l’oreille de son amie. Si tu as des infos importantes, n’hésite pas à nous les partager !

– Ils ne vont pas tuer Luc, prononça Laurène fixant Ignisaqua.

– Pourquoi tueraient-ils Luc ? s’étonna Aaron.

– Car il s’agit de la solution la plus facile.

La voix de la Mère refroidit tout le monde et Laurène fut très heureuse d’avoir permis à Luc de ne pas être sur le dos d’Ignisaqua. La Mère aurait-elle tenté une manœuvre quitte à se tuer, elle, Laurène et Luc ? Étrangement, Laurène ne doutait pas qu’elle en soit capable ! Évidemment, cette solution avait traversé l’esprit du principal concerné. Peut-être aurait-il accepté ce sort plus tôt dans sa vie, mais il ne réussirait pas a accepté cette fois-ci : il avait une famille désormais.

– Et que voulez-vous que je fasse ? Je n’ai aucun pouvoir sur mon dragon, je ne peux pas l’influencer. Il en a toujours fait qu’à sa tête.

– Mais les fondateurs des Lignées pourraient te faire confiance, argua Saumure. Même si vous n’êtes pas en entente, tu es son humain. Ils te voient comme l’humain supérieur. On ne pourra jamais retourner Fournaise contre l’Imposteur, cependant il y a peut-être de l’espoir sur les autres.

– Je ne quitterais pas le campus, répliqua froidement Luc qui se rapprochait un peu plus de Laurène. Je ne veux pas me retrouver seul. Je viens tout juste de retrouver mon père !

Luc savait bien que c’était égoïste. Il en avait totalement conscience mais il avait l’impression d’avoir perdu tellement de temps ! Il avait subi toute sa vie et il se sentait renaître peu à peu. Pourtant il n’osa pas défier Ignisaqua du regard. La Mère l’effrayait trop et il comprenait totalement sa sœur qui avait du mal avec elle.

– Nous ne te demandons pas de quitter le campus, assura Ignisaqua, vraiment lui. Nous organiserons des entrevus. Mais nous voulions te préparer à l’idée qu’il va falloir que tu te lies à eux. Que tu en ais envie ou non.

Laurène serra les dents, n’appréciant absolument pas cette pression autour de son frère. Luc n’avait pas besoin de ça.

« On a tous un rôle à jouer, Laurène. Je sais que c’est compliqué de voir les personnes auxquelles tu tiens se mettre en danger. Mais tu n’as pas le choix. Il faut leur faire confiance et les laisser partir. »

« Ah oui ? Parce que tu sais ce que ça fait toi de voir les autres en danger !? », lança agressivement la Liée.

« Ça ne me ravit absolument pas de savoir Aquaventus en danger juste pour récupérer le compagnon de ma mère ! »

Sa réplique tenait tant d’hardeur qu’elle coupa toute réplique à l’adolescente. Si la Mère n’hésitait pas à envoyer les gens tels des pions à exécuter leur destin, Ignisaqua ne partageait pas les sentiments de sa génitrice. Il ne s’était pas mis à l’écart des attachements. Laurène avait senti toute sa peur de perdre Aquaventus. Si jamais ce dernier ne survivait pas, la jeune fille se douta bien que ça deviendrait compliqué chez son partenaire.

– J’essayerais de vous suivre jusqu’à chez les ennemis mais je crains ne pas pouvoir trop m’approcher. Je ne pourrais qu’aider qu’en cas d’extrême urgence, heureusement des membres de l’organisation seront là.

– Alors c’est décidé ? On part maintenant ? demanda Valentine.

– Le plus vite sera le mieux.

Si Luc s’en alla vers Aaron, Laurène commença à faire ses au revoir à ses deux amies. Elle les serra tour à tour dans leurs bras puis les fit promettre de ne pas prendre de risques inconsidérés. La jeune fille s’en voulait que ses deux amies soient embarquées dans une telle situation, surtout qu’elles n’avaient aucun lien avec la communauté de base ! Anna déposa un pâquet dans la main de son amie.

– Je sais que tu rechignes à en prendre, commença doucement Anna pendant que Laurène fixait le paquet de somnifère dans sa main. Mais puisqu’Aaron ne sera pas là, j’en ai chipé pour toi au cas où.

– Merci.

Laurène doutait qu’elle puisse en prendre, mais elle les rangea dans sa poche et remercia une nouvelle fois son amie. Elle resta un long moment à contempler Aaron qui discutait vivement avec Luc et Valentine. L’adolescente sécha une rapide larme sur sa joue alors qu’elle s’avança doucement vers lui. Elle se mit sur la pointe des pieds pour nicher sa tête dans le creux de son cou et s’efforça de ne pas pleurer. Pourtant Laurène sentit les mains d’Aaron tremblées dans ses cheveux.

– S’il-te-plaît, murmura-t-elle. S’il-te-plaît, reviens-moi vivant !

– Je ne peux pas te le promettre, souffla Aaron en réponse. Tu sais bien qu’on ne peut pas faire ce genre de promesse. Mais je vais faire ce que je peux pour le rester.

L’adolescente hocha la tête, les mains empoignants le vêtement de son ami elle l’embrassa une première fois. Aaron la rapprocha un peu plus de lui, espérant que ça puisse lui donner du courage. Le jeune homme embrassa le front de la jeune fille.

– Fais attention à toi, d’accord ?

– C’est moi qui devrais te dire ça !

– Je prendrais soin de Val et Anna, lui affirma Aaron.

– Prends soin de toi surtout.

Aaron sentit une douleur vive au niveau de son cœur et il comprit qu’il était grand tant de partir. Sa dragonne avait plus que besoin de lui et il ne pouvait plus la laisser emprisonner plus longtemps. Il embrassa une dernière fois Laurène puis monta sur Aquaventus. Il savait qu’il ne tiendrait plus longtemps s’il passait son temps à repousser le dépare. C’était douloureux, mais plus vite ça se passerait, mieux ça serait.

Luc et Laurène les regardèrent au loin jusqu’à ne plus les apercevoir dans leur champ de vision. Luc, toujours retissant à monter sur Ignisaqua fut secouru par Saumure qui proposa de le ramener au campus. Laurène aurait bien voulu pouvoir monter avec son frère, cependant elle-même n’était pas sereine de le laisser monter avec Ignisaqua et elle.

« Si vous n’étiez pas tous attacher les uns aux autres, tout serait déjà terminé depuis bien longtemps », s’agaça la Mère.

« Si vous n’étiez pas attachée au Père, nous ne serions pas séparés, je ne serais pas inquiète pour Aaron et Ignisaqua ne serait pas inquiet pour Aquaventus. Peut-être devriez-vous vous remettre un peu en question. », la rabroua plus sévèrement Laurène que ce qu’elle avait prévue.

« Merci. »

Même à travers le lien, Laurène parvenait à différencier la Mère et Ignisaqua. Ce dernier semblait en avoir assez que sa Mère se permette de juger son comportement. Ces désaccords donnaient un certain espoir à Laurène : peut-être que quand la Mère disparaîtra, elle retrouverait le partenaire qu’elle connaissait. La jeune fille eut le reflexe de tourner la tête derrière elle en vain car Luc volait devant.

– Pitié, murmura-t-elle en s’accrochant un peu plus fermement à cause d’une bourrasque. Pitié, revenez tous sein et sauf.