ELTANIN *** II ***

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GALAXIE D'ULTYA - ZOLDELLO

Nommée Zoldello par les Utlyens, cette planète avait émergé au centre de la galaxie d'Ultya, parée d'un vert émeraude éclatant. L'une des plus anciennes et des plus fertiles, elle avait constitué le dernier rempart d'une humanité marquée par les épreuves. Mère nourricière des survivants de la dernière éclipse, elle avait également abrité le palais du roi Gotbryde et ses sujets. Ce dernier avait gouverné d'une main de fer un royaume florissant, mais dont l'éclat avait pâli au fil du temps. Incapable de nourrir l'ensemble de sa population, il avait été contraint à des choix déchirants. Une ségrégation arbitraire avait été instaurée, déclenchant un vent de révolte. Des rumeurs avaient circulé sur une nouvelle éclipse imminente, exacerbant les guerres intestines parmi ceux qui luttaient pour leur survie.

ZOLDELLO - PALAIS D'ULTYA

Au sein du palais d'Ultya, l'heure était venue de prendre des décisions cruciales. Le roi Gotbryde avait arpenté les vastes couloirs de l'aile ouest, son pas lourd résonnant sur les pierres froides. Il attendait, anxieux, l'entrevue qu'il avait prévue avec sa propre fille. Ses pas l’avaient mené devant une rangée de miroirs dorés, et soudain, il s'était arrêté, attiré par son propre reflet. Il s'était observé, un silence introspectif l'avait envahi. Ce visage royal, fort et décidé, ne semblait plus être celui qu'il reconnaissait. Cette idée qu'il s'apprêtait à mettre en œuvre était-elle une folie ou un acte nécessaire ?

Imposant, de stature massive, Gotbryde incarnait la force naturelle. Ses larges épaules et son torse musclé témoignaient de sa prestance. Ses cheveux châtains, mi-longs et ondulés, encadraient un visage lisse, sans cicatrice, où chaque trait dégageait une autorité indéniable. Ses yeux noisette, pénétrants, sondaient celui qui osait soutenir son regard. Chaque geste, chaque parole prononcée résonnait avec l'assurance d'un souverain, instaurant crainte et respect.

Il avait pris une inspiration profonde, cherchant à chasser ses doutes, avant de pénétrer dans la salle où l'attendait Lilas. Lorsqu'il était entré, il l'avait découverte debout, les mains jointes, perdue dans ses pensées. Un léger sourire s'était étiré sur ses lèvres. Elle ne l'avait pas entendu arriver, son regard détaché de cet instant. Rappelé à l'importance de cette entrevue, Gotbryde avait choisi une entrée brusque, masquant ainsi sa vulnérabilité.

— Tu dois partir, ordonna-t-il fermement.

— Partir ? Mais pour aller où, Père ? s'inquiéta la princesse.

— Zoldello n'est plus un endroit sûr. La révolte gronde et tu es la dernière héritière du trône. Mon rôle et de te protéger, et tu sais aussi bien que lui vers qui les insurrections se tournent lorsque le vent du changement souffle.

La princesse resta silencieuse. Son père est un souverain juste, parfois dur, mais toujours équitable. Elle comprend que si son père veut l'exiler, c'est qu'une menace plus grande pèse sur la famille royale.

— Kylburt t’accompagnera hors du palais ce soir.

— Quoi ? Mais je...

— Non, Lilas ! Tu n'as pas le choix. Je ne te laisse aucune alternative. Tu dois partir immédiatement.

— Mais les noces ?

— Au diable les noces !

Il balaya l'idée d'un geste résolu. La princesse serra les poings, son cœur lourd de confusion et de révolte. Gotbryde s'approcha d'elle, prit doucement ses mains dans les siennes.

— Je ne veux que ton bien, insista-t-il avec un regard plus tendre.

Lilas sentit l'urgence dans sa voix et comprit enfin l'ampleur de la situation.

— Dans toute la galaxie, Kylburt est l’homme en qui j’ai le plus confiance. Je lui confie ce que j’ai de plus précieux. La chair de ma chair. Mon propre sang. Ma protégée. Tu dois être en sécurité, à tout prix. Suis ses instructions et ne doute pas. L’avenir de la galaxie d’Ultya repose sur tes épaules. Emporte le strict nécessaire. Mais n’oublie pas l’Œil. Garde-le près de toi, toujours, insista-t-il.

Lilas n'eut d'autre choix que de se soumettre à la volonté de son père, malgré le chaos qui déchirait son cœur.

— Très bien, père... souffla-t-elle, la voix brisée.

Il déposa un baiser doux et protecteur sur le front de sa fille. Quelques secondes s’écoulèrent dans un silence lourd, puis ils échangèrent un dernier sourire, leurs regards se croisèrent dans un instant d’affection et de compréhension silencieuse. Finalement, le roi sortit de la pièce, suivi par ses soldats qui ouvrirent la porte sur son passage.

— Je n'y crois pas... murmura la princesse sous le choc de la situation.

Des pas métalliques résonnèrent sur le sol de pierre, interrompant ses pensées.

— Princesse Lilas ! tonna Kylburt de sa voix grave.

Il posa sa main sur son cœur en signe de respect, un geste emblématique de la devise des Ultyens : "La main sur le cœur, le regard vers l'avenir". Toute présentation devant un éminent du pouvoir devait suivre ce rituel.

La princesse demanda d'une voix tremblante :

— Bonjour, Kylburt. Dois-je te suivre ?

— S'il te plaît, Lilas. Je vais t’accompagner jusqu'à tes quartiers.

Sa présence la rassura. Kylburt était un homme à la peau noire, robuste, avec une carrure impressionnante, fruit de nombreuses années de pratique physique. Ses dreadlocks épaisses, serties ici et là de bijoux dorés, encadraient son visage durci par le temps et l'expérience. Une longue veste en cuir rouge et noir, altérée par les années, tombait jusqu'à ses chevilles. Celle-ci restait toujours entrouverte, laissant apparaître sa silhouette imposante. Des tatouages représentant des poissons de toutes sortes ornaient sa peau, rappelant son origine modeste et son lien avec la mer. Une boucle d'oreille en cuivre ornait son oreille gauche, ajoutant une touche d’audace à son apparence déjà saisissante.

Lilas le connaissait depuis sa plus tendre enfance, et son allure d'armoire à glace ne l'impressionnait plus en rien. Kylburt n’était pas seulement un homme de main du roi, il était un véritable ami, presque comme un frère qu’elle n’avait jamais eu.

Issu d’une famille modeste, Kylburt, âgé d’à peine cinq ou six ans de plus que la princesse, avait traîné dans les couloirs du palais dès son plus jeune âge. Ses parents, tous deux employés du palais, ne pouvaient le laisser seul à la maison. Il passait donc le plus clair de son temps à faire les quatre cents coups entre ces murs. C’est ainsi qu’ils s’étaient rencontrés. Un jour, un groupe de soldats courait après lui, furieux qu’il eût subtilisé l’un de leurs poignards.

La princesse et lui s’étaient retrouvés nez à nez lors de cette course effrénée. Ses poursuivants les avaient retrouvés entassés l'un sur l'autre, ce qui avait provoqué une éclatante crise de rire parmi les témoins. C’est dans cette éclatante crise de rire enfantine, pleine de fougue et d’énergie, que leur amitié avait commencé à se tisser. Mais Kylburt n’avait pas échappé à la réprimande de sa mère, exaspérée par ses bêtises.

Il avait toute la confiance de la famille royale. On pourrait presque dire qu’il en faisait partie.

PALAIS DE ZOLDELLO - QUARTIERS DE LILAS

Lilas s'affaira à prendre ce qui lui semblait important. Suivant les conseils du roi, elle s'approcha de la boite en bois qui renfermait l'Œil. Lorsqu'elle l'ouvrit, une délicate et enivrante musique s'en échappa. Elle profita de la mélodie et attendit un petit instant avant d'enfiler le précieux bijou à son annulaire droit. Kylburt se tenait debout devant la porte de la chambre. Il montait la garde. Le corps en alerte.

— Tu devrais enfiler une tenue plus appropriée, conseilla-t-il.

— Tu veux dire, une tenue pour fuir un royaume dans le Chaos ?

Il ne lui répondit pas et se contenta de remuer la tête, amusé.

Finalement, Lilas s'exécuta. Kylburt avait raison, elle ne pouvait décemment pas s'enfuir en robe d'apparat. Derriere les parois d'un paravent laissant deviner sa silhouette dévêtue, elle enfila rapidement quelque chose.

— Est-ce plus adéquat ?

Son ami découvrit un habit rouge, près du corps, orné d'une ceinture couleur or.

— Ce n'est pas vraiment discret, mais ça ira. Ça me semble...

Kylburt marqua une pause, penchant sa tête sur le côté tout en l'examinant.

— Plus pratique... Si tu es prête... Ils nous attendent.

— Qui nous attend ?

PIROS

Après avoir fui Eltanin, la menace à leurs trousses, ils étaient enfin arrivés au Piros. Ils avaient découvert le vaisseau impressionnant qui les attendait patiemment, son train d'atterrissage solidement ancré dans la neige, juste à temps pour échapper à leurs poursuivants inconnus.

— Il s'en est fallu de peu ! Quelques minutes de plus et c'était le trépas, déclama Zorth sur un ton jovial.

Ils avaient couru comme des dératés dans la neige. Essoufflés, ils tentèrent de reprendre leur calme tandis que Zorth époussetait élégamment son costume.

— Venez, je vais vous présenter l'équipage ! déclara-t-il, d'un ton satisfait.

Sans un mot, ils le suivirent à travers les couloirs du vaisseau. Tout semblait neuf, comme si ce bâtiment venait tout juste de quitter l'atelier. Après avoir traversé plusieurs ponts vitrés et quelques salles équipées de technologies dernier cri, une porte automatique s'ouvrit sur une vaste salle. L'atmosphère était claire, métallique, mais d'une manière surprenante, elle dégageait une certaine chaleur. Deux personnes étaient assises autour d'une grande table ronde.

— Ho ! Les demoiselles sont là ! s'exclama Zorth, en faisant de grands gestes dans leur direction.

Il se plaça rapidement derrière l'une d'elles et l'observa attentivement sans la toucher.

— Voici Mademoiselle Sylice. Sylice D'Argon. Elle est le cerveau de ce vaisseau ! Une scientifique de renom, admirée par les plus éminents Hasturiens !

La jeune femme resta de marbre face à ces compliments. Les Hasturiens étaient l'espèce la plus intelligente de toutes les galaxies, à l’origine de presque toutes les innovations scientifiques et technologiques dans l’espace.

Elle salua d'un simple mouvement de tête. De petite stature, elle incarnait parfaitement le pragmatisme des Hasturiens. Ses cheveux bruns étaient attachés sans fioritures, réduits à l’essentiel, signe de son indifférence à la mode et à la coquetterie. Ses yeux verts, traversés de pupilles fendues, rappelaient ceux des félins. Ce regard perçant, à la fois fascinant et troublant, donnait l’impression qu’elle mijotait toujours quelque chose, et le Gudjanien semblait mal à l’aise en sa présence.

Zorth, sans bouger de sa position, prit soin de ne pas s'approcher trop près de l'autre jeune femme. Elle portait une tenue typique des Adharas, faite de fourrures animales brunes et noires en guise d'épaulettes, recouvrant le haut de son corps par-dessus un veston de cuir tanné. Ses bras entièrement découverts révélaient un corps sec et musclé, forgé par des années de discipline. Il la désigna poliment du doigt, l’introduisant à distance.

— Et voici Mademoiselle Binny Ristoc. Une Adhara.

Cela confirma ce qui était pressenti. Les Adharas se distinguaient par une silhouette petite, sèche et athlétique, taillée pour l’action. Ce étaient des guerriers redoutables. Ses cheveux rose pâle, héritage de son peuple, tombaient en un carré ondulé qui caressait son visage d'une touche de vivacité. Sa peau métisse faisait ressortir l’éclat de ses grands yeux expressifs, et ses canines proéminentes, marque de son héritage Adhara, lui conféraient un air farouche, toujours prête à bondir ou à défendre ce en quoi elle croyait.

Guitry n'avait pas quitté Sylice du regard. Son air d'idiot du village laissait entendre qu'elle lui plaisait. Binny, quant à elle, adopta une posture décontractée : les jambes croisées, les pieds posés sur la table et la chaise basculée sur deux pieds. Ses mains étaient derrière sa tête, comme si elle se prélassait dans un hamac. Elle esquissa un grand sourire tout en fermant les yeux, mais ne prononça pas un mot.

— Ne nous éternisons pas ici, je vais vous présenter le capitaine de bord.

L'exploration du vaisseau se poursuivit. Son origine tucanienne ne faisait aucun doute. Les vaisseaux les plus impressionnants des plus grandes flottes spatiales sortaient de leurs usines. Richement détaillés, ils accordaient également une attention particulière à l'esthétique de leur intérieur, privilégiant un design agréable et raffiné, là où d'autres se contentaient de créer des structures sombres et utilitaires.

Arrivés devant la porte du cockpit, Zorth l'ouvrit en passant sa main sur un appareil de reconnaissance digitale. L'homme aux manettes se tourna immédiatement vers eux.

— Zorth ! s'exclama-t-il, visiblement soulagé.

Il était grand, solide. Son allure vigoureuse contrastait agréablement avec son humeur guillerette et accueillante. À son oreille droite brillait un anneau en or, dont on ignorait s’il s’agissait d’un simple choix de style ou du souvenir d’un pari perdu. Ses cheveux châtain clair, presque dorés, formaient une couronne de boucles indisciplinées, lui donnant un air à la fois jeune et aventureux. Il semblait tout droit sorti d’un récit d'explorateurs audacieux ou d’une légende galactique. Sa veste en cuir, marquée par les années et les missions à travers l’espace, renforçait encore cette impression.

— Vous attendiez quelqu'un d'autre, Capitaine ? plaisanta Kydine.

— Je suis sur mes gardes ! confia-t-il, en glissant nerveusement ses doigts dans ses cheveux. N'oubliez pas que je suis le garant de la sécurité à bord de ce vaisseau.

— Je suis bien au fait de cela, mon cher. Et vous remplissez votre mission à merveille !

Zorth lui asséna une franche tape dans le dos, qui ne le fit pas bouger d’un millimètre.

— Je vous présente notre capitaine Crylon Dogast. L'un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur.

Jusqu’à présent très silencieux, Guitry prit enfin la parole.

— C'est bien beau tout ça, mais on ne sait toujours pas ce qu'on fout ici.

Zorth interrompit les présentations.

— Vous avez raison, trêve de bavardages inutiles ! déclara-t-il, l’index au garde-à-vous. Bien que cela fût nécessaire. Il était important de connaître ses compagnons d'infortune ! Nous risquions de passer un certain temps ensemble. Je vais de ce pas convoquer tout l’équipage dans la salle principale.

Sans ajouter un mot, il appuya sur sa montre, et une alarme retentit dans les couloirs.

PIROS - SALLE PRINCIPALE

L'équipage était déjà réuni autour de la grande table ronde. Zorth les invita à le rejoindre.


— Bienvenue à cet équipage presque complet ! Il est évident que les deux nouveaux venus ignorent encore leurs projets. C'est pourquoi je sollicite toute leur attention. Nous sommes ici aujourd'hui sur les ordres du roi Gotbryde de la Galaxie D'Ultya. Il m'a envoyé, moi, Zorth Kidyne, fidèle représentant de la confrérie de...


— Venez-en au fait, Zorth, l'interrompit Kybop sèchement.


— Oui, bien sûr, toutes mes excuses. Les Gudjaniens ont parfois la fâcheuse tendance à s'emballer dans des discours fleuris.


Il s'éclaircit la gorge avec une élégance feinte avant de poursuivre.


— La mission Minden m'a été confiée par le roi D'Ultya. Ce vaisseau, le Piros, nous permettra de naviguer à travers les Galaxies lointaines. Notre mission est claire : éviter l'effondrement, prévenir le déséquilibre. Chacun d'entre vous a un rôle crucial à jouer. Nous devons sauver l'univers !

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