LES JARDINS DU PALAIS *** I ***

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PALAIS D’ULTYA - SALLE DU TRÔNE

La Régente arriva urgemment dans la salle du trône, espérant retrouver sa cousine. Milo lui emboîta le pas pour s’assurer qu’il n’y avait aucun risque pour elle, doigt sur la détente.

— LILAS !

Les deux jeunes femmes se jetèrent dans les bras l'une de l'autre dans une étreinte de soulagement partagé. Saranthia se recula pour prendre la tête de Lilas entre ses mains.

— Qu'est-ce qui t'a pris, bon sang ! J'étais morte d'inquiétude ! Depuis quand es-tu aussi imprudente ?

Kylburt acquiesça à la dernière phrase de la Régente, comme le ferait un père soucieux.

— Où est Kybop ? Elle était avec vous ? s'inquiéta Dogast.

— Oui. Mais Kylburt m'a ramenée de force ! Je ne sais pas ce qu'il s'est passé.

— Elle se trouvait dans l'auberge de Gyskon quand un coup de feu retentit. J'ai ramené la princesse sur ordre de Slikof. Puis ils sont entrés à l'intérieur. Nous n'avons plus de nouvelles depuis.

— Pourquoi avez-vous pris un tel risque, princesse ? Avez-vous oublié la mission ? réprimanda Zorth.

Lilas tenta de garder son calme. L'ascenseur émotionnel qu'elle venait de traverser ébranlait ses nerfs. Elle finit par exploser.

— Écoutez, le roi, mon père, est mort ! Assassiné ! PERSONNE ICI N'A RIEN FAIT !

La princesse perdit totalement son sang-froid, oscillant entre larmes et colère. Elle gesticula pour appuyer ses propos, une main sur le cœur, celui d'une jeune femme nouvellement orpheline. Cet organe vital luttait pour ne pas se briser en mille morceaux. Alors que sa colère éclatait, Fyguie, tout ensanglanté, fit irruption dans la grande salle, accompagné en urgence par Sylice.

— Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? s'inquiéta Mlle D'argon.

— Ce n'est pas moi, c'est Kybop ! Pitié, faites quelque chose, elle perd beaucoup de sang, elle est inconsciente depuis dix minutes.

— Dans le Piros ! Immédiatement, ordonna Zorth.

PIROS - SALLE DE SOIN

Slikof l'amena dans la salle de soin. Sylice et Houda faisaient leur possible pour la sauver. Elle était toujours dans les vapes. Dans les vapes, mais vivante. Elle entendait tout ce qu'il se passait autour d'elle, mais elle ne parvenait pas à ouvrir les yeux. Sylice, sa tortionnaire des premiers jours, était en train d'expliquer la situation à Zorth.

— Tant que Mlle Flokart ne sera pas hors de danger... Nous ne pourrons pas nous rendre sur Kapu.

— Vous avez raison, cela serait trop compliqué.

— Alors, nous sommes coincés ici ? demanda Binny.

— Je le crains, Mlle Ristoc.

Un bruit de verres qui s'entrechoquaient attira l’attention de Kybop. L'espace d'un instant, elle se demanda s'ils trinquaient à son malheur, mais elle réalisa que Sylice était probablement en train de manipuler des éprouvettes.

— Nous resterons sur Zoldello jusqu'à ce qu'elle soit en état. Ou au moins consciente, indiqua la médecin. Son état est stable, mais elle a perdu beaucoup de sang. Tout n'est pas réglé. La situation est encore fragile.

Slikof se permit de prendre la parole.

— Je pense qu'il serait sage de poursuivre ce qu'elle avait entrepris. Même si je ne cautionne pas les risques qu'elle a fait courir à la princesse. Les trois assassins doivent toujours être dans le coin. Nous devons les retrouver.

Alléluia ! Enfin quelqu'un qui réagit ! triompha Kybop dans son coma.

— Avec la description que Lilas nous en a donnée, nous pouvons sûrement élargir nos recherches. Je vais m'en occuper avec Kylburt. Les Oiseaux sont déjà déployés à travers tout le royaume.

— Je vous prêterai main forte, annonça Binny avec entrain.

— Moi aussi !

— Non Fyguie. Vous devez rester ici, désapprouva Zorth.

— Et pour quelles raisons ?

— La première, parce que votre sœur a besoin de vous. La deuxième, parce que la mission a besoin de vous. Vivant.

La colère de Fyguie s'estompa rapidement. Il savait que c'était la vengeance qui guidait ses émotions. Mais Zorth avait raison. Au-delà de la mission, il n'avait pas envie de la laisser seule. Rester à ses côtés lui apparaissait comme bien plus important. Kybop ne les voyait pas, mais elle pouvait sentir le regard bienveillant de son frère posé sur elle.

PALAIS D’ULTYA - COULOIRS

La nuit avait été longue. Fyguie avait peu dormi. Personne n'avait embarqué à bord du Piros ce matin. La mission Minden était momentanément suspendue. Errant sans but dans les couloirs du palais, son attention fut finalement attirée par un tableau monumental. Il se tenait devant, les mains dans les poches. Tandis qu'il analysait la peinture, des courants d'air froid s'engouffrèrent dans le couloir. Pris d'un frisson, il se recroquevilla sur lui-même.

Comment sa vie avait-elle pu changer aussi rapidement ? Il se retrouvait embarqué dans une mission intergalactique avec sa sœur jumelle, qu'il ne connaissait pas il y a moins de deux semaines. Il voyageait dans l'univers, lui qui n'avait jamais quitté Terre II. Et le voilà, un Sang-Rouge, objet de toutes les convoitises...

Laissant voguer sa pensée à travers la toile, il ne remarqua pas la présence de Sylice.

— Alors... Vous en pensez quoi ?

Un léger sursaut le tira de sa bulle.

— Pensez quoi de quoi ?

— Je ne sais pas. De quoi pensez-vous que je parle ?

— Eu... De la toile ?

Sylice se contenta de lui sourire.

— Eh bien... Elle est très grande.

— Une observation digne d'un enfant en bas âge, doté de la parole.

Fyguie esquissa un sourire, conscient de la façon dont elle le taquinait. Il se rendit compte qu'il était la seule personne avec qui elle se montrait ainsi. La jeune femme se plaça juste à ses côtés, frôlant à peine son coude avec son épaule, sa taille bien plus petite que la sienne.

Ils étaient si proches que Fyguie arriva à sentir son parfum. Il réalisa soudainement qu'elle était la raison pour laquelle Kybop respirait encore. Submergé par un immense sentiment de gratitude, il enveloppa délicatement la main de la jeune femme dans la sienne.

— Merci Sylice...

Son regard se plongea dans le sien, et ses remerciements résonnèrent d'une vibrante sincérité. Face à tant de reconnaissance, la scientifique se sentit légèrement gênée.

— De rien. C'est normal. C'est ma mission Fyguie. Prendre soin de vous tous.

— Vous le faites à merveille.

Porté par un élan de confiance, il posa d'abord sa main sur sa joue avant de la laisser glisser doucement dans ses cheveux. Elle ne quitta pas ses yeux, sa respiration suspendue. Finalement, Fyguie se pencha en avant, rapprochant le visage de Sylice vers lui, et leurs lèvres se rencontrèrent dans un doux baiser. Ses bras enfin libérés, elle les enroula autour de son cou, transformant la douceur de l'instant en un moment bien plus passionné.

PIROS - SALLE DE SOIN

Lilas n'avait cessé de faire des allers-retours dans la pièce, probablement rongée par un sentiment de culpabilité. Au petit matin, elle était là, assise à la gauche de Kybop. Elle entendait sa respiration ; parfois, elle sentait son souffle léger sur son bras, devinant qu'elle avait posé sa tête sur le lit. Lilas lui parlait, mais elle était incapable de lui répondre physiquement. Son monologue, ses confidences intimes, se transformaient alors en un dialogue qui prenait vie uniquement dans sa tête.

— Je suis tellement désolée... J'aurais dû vous convaincre de rester ici...

— Impossible...

— Mais vous êtes une vraie tête de mule !

— Exact...

Sa main avait enlacé la sienne, et ce contact avait déclenché une vague de chaleur à travers tout son corps.

— Il faut que vous arrêtiez d'être guidée par votre colère.

— Mais bien sûr... Et vous alors ?

— J'ai cru que vous étiez morte quand je vous ai vue dans les bras de Slikof.

— Moi aussi...

— J'ai besoin de vous...

— Et moi d'un bon repas. Pourquoi j'ai la dalle comme ça ?

— Je ne veux pas vous perdre...

Lilas reniflait doucement. Elle était en train de pleurer.

— Je ne sais pas pourquoi je tiens à vous de cette manière, surtout avec votre caractère détestable la plupart du temps.

— Ok... Merci...

— Mais je vous interdis de ne plus m'écouter !

— Compte là-dessus, princesse...

— Nous avons des choses à accomplir ensemble. Je ne continuerai pas sans vous.

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