GARE SPATIALE *** II ***
JOVO - GARE SPACIALE
Un groupe d'hommes s'était présenté devant le Piros, poussant des cartons sur un chariot à roulettes.
— Je t'avais bien dit qu'ils se ravitailleraient... se réjouit Fiora.
Les soutes du vaisseau s'ouvrirent, laissant Tamy descendre pour les rejoindre. Drike lança un regard à Fiora, dans l'attente de la moindre directive.
— On les laisse déposer leurs petites affaires. Dès qu'ils s'éloignent, on s'engouffre à l'intérieur, clarifia-t-elle.
Le chargement ne prit que quelques minutes avant que le groupe d'Hasturiens ne salue Tamy Ristoc et reparte à ses occupations. Fiora donna le top à Drike d'un bref signe de tête autoritaire. Drike s'approcha dans le dos de la mère des têtes roses, prêt à faire feu, quand Fiora prit les devants et l'assomma d'un coup de crosse, lui lançant un regard réprobateur.
— Pas de coup de feu ! On va alerter tout le monde, fustigea-t-elle d'un regard noir de colère. Attache-la. Bâillonne-la. Et on avance discrètement.
Il s'exécuta alors que la porte de la soute se referma sur eux. Une fois Tamy hors d'état de nuire, ils continuèrent d'avancer dans les couloirs. Des rires résonnèrent en provenance d'un hall tout éclairé. Ils se placèrent le long d'un mur pour y jeter un coup d'œil discret.
— Encore une Adhara... constata Drike.
Slikof et Binny se tenaient debout, collés l'un à l'autre, plaisantant. Golt fut ravie de constater qu'ils étaient de dos et qu'ils ne les avaient certainement pas encore remarqués. Elle sortit un long poignard de sa veste.
— Rien de plus discret qu'une lame qui transperce la chair... sourit-elle.
Fiora lança un regard sur l'objet tranchant, comme s'il s'agissait de son propre enfant. Drike suivit le mouvement en sortant à son tour un couteau, avant de chuchoter :
— Je prends la fille...
— Ok. Amuse-toi bien, susurra-t-elle avec un plaisir démoniaque.
Ils firent mine de trinquer du bout de leurs lames avant de s'enfoncer dans la pièce comme deux ombres funestes.
PIROS - HALL
Binny se tenait toujours au bras de Slikof comme un écureuil à sa branche préférée. Sans prévenir, le visage de Slikof se ferma avec le plus grand sérieux. Il se pencha vers elle en murmurant.
— Continuez de rire... Nous ne sommes plus seuls. Ne vous retournez pas, ordonna-t-il entre ses dents.
Dans un mouvement très protecteur, Slikof se positionna de manière à mettre Binny à l'abri de toute attaque. Une de ses mains descendit sur sa hanche, la rapprochant un peu plus de lui. Il sentait qu'ils arrivaient dans leur dos. Les ombres projetées sur le mur de gauche trahissaient une entrée qui se voulait discrète. Slikof fit les gros yeux dans cette même direction et Binny prit conscience de la menace. Ses sourcils se froncèrent et sa mâchoire se contracta, comme un prédateur prêt à sauter sur sa proie. Instinctivement, les deux compères se tournèrent au même moment, faisant face à leurs agresseurs, étonnés de ne pas les avoir surpris. Fiora n'était pas idiote ; elle voyait bien qu'elle avait affaire à un adversaire sérieux. Slikof l'observa et analysa rapidement la situation. Il semblait solide sur ses appuis, mais il était clairement perturbé par Binny, qui venait de se lancer dans un combat enragé avec le molosse aux oreilles pointues. Si Drike pensait avoir fait le bon choix en choisissant la femme de petite taille, il se fourvoyait complètement. Rien dans l'Univers n'était plus coriace qu'une guerrière Adhara sans arme. Slikof jeta quelques coups d'œil en direction de son amie pour voir si elle s'en sortait. Son attention n'était pas totale et Fiora en profita. Elle accourut vers lui, lame en avant, tentant de l'atteindre au niveau du thorax. C'était peine perdue : Slikof lui attrapa le poignet, la poussa et la désarma. La lame était maintenant dans sa main, et son ennemie se retrouva au sol. La pensant en position de faiblesse, le Maître espion afficha un petit sourire en coin. Il prit confiance et s'approcha d'elle avec une certaine prudence, mais pas assez pour anticiper sa prochaine manœuvre. Fiora tourna sur elle-même avec une agilité déconcertante, se remettant sur ses pieds, une nouvelle lame à la main. Slikof cessa d'avancer, comprenant que le combat venait de prendre une nouvelle tournure.
Drike, de son côté, se présenta, lame à la main, face à Binny, qui fit une moue terrifiante. Toute la sauvagerie qui sommeillait en elle venait de resurgir comme un vieil ami oublié.
— Désolé, ma belle, mais je crois que ce n'est pas ce soir que tu vas conclure avec le beau gosse aux cheveux bleus.
Son trait d'humour n'eut aucun effet sur l'Adhara, qui lui fonça dessus comme un taureau. Agile comme un écureuil et rusée comme un renard, Binny évita le coup de couteau que Drike venait de lancer dans sa direction. Tout en l'esquivant, elle lui saisit le poignet et le tordit violemment. Tellement, que le bruit métallique de la lame heurtant le sol lui indiqua que celui-ci avait lâché prise.
Slikof et Fiora se faisaient face, maintenant tous les deux en possession d'une arme potentiellement létale. Ils enchaînaient les esquives et les coups dans le vide. Deux combattants intelligents, anticipant les mouvements de l'autre, essayant de comprendre le fonctionnement de leur adversaire. À bout de souffle, ils s'écartèrent l'un de l'autre, avec quelques égratignures sur les bras.
— Laissez tomber, mon beau. Où est la princesse ? menaça-t-elle, dirigeant la pointe de son couteau vers l'ennemi.
Sans lui répondre, Slikof lança l'offensive de manière inhabituelle. Mais dans son élan, il entendit un cri de douleur qui interrompit son attaque.
Drike, désarmé, venait de lancer son poing de tout son poids dans le visage de Binny, qui le réceptionna en plein dans l'arcade. Le sang coula dans ses yeux, troublant sa vue. Le gabarit de Drike était impressionnant ; Binny comprit qu'elle ne l'aurait pas par la force. Elle s'accroupit pour lui entraver les jambes avec les siennes. Faible sur ses appuis, il perdit l'équilibre et tomba à plat ventre. La guerrière profita de l'occasion pour l'enjamber et glisser son bras autour de son cou pour l'étrangler.
— Alors, mon gros ? On fait moins le malin ? souffla-t-elle à son oreille, moqueuse.
Il tenta de s'en dépêtrer, en vain. Binny était accrochée comme un coquillage à son rocher. Drike était en train d'étouffer ; il devait agir rapidement. Il se redressa comme si Binny n'existait pas. À cet instant, sa force était clairement son seul atout. Maintenant debout, avec ce petit animal cramponné à son cou, bien décidé à lui faire rendre son dernier souffle, il comprit qu'il n'arriverait pas à lui faire lâcher prise facilement. Il prit la décision de reculer de toutes ses forces contre le mur. Binny fut écrasée entre le tas de muscles et le mur de métal, si bien qu'elle commença elle-même à avoir du mal à respirer. Puis il se retira avant de renouveler la manœuvre. Le choc fut violent, l'Adhara ressentit une douleur lancinante dans la colonne vertébrale et dans l'arrière du crâne. Mais les efforts de Binny finirent par payer. Le colosse au pied d'argile tomba sur ses genoux, le teint bleuté par le manque d'oxygène. Ses mains, qui tentaient désespérément de le libérer, commencèrent à tomber le long de son corps. Lorsque celles-ci entrèrent en contact avec le sol, Drike, complètement dans les vapes, sentit quelque chose de froid au bout de ses doigts.
— Mon couteau ! geignit-il, reprenant espoir.
Il s'en saisit et donna un coup sur le bras de Binny, qui poussa alors un cri de douleur. Elle tomba au sol, la lame toujours enfoncée dans son membre, la transperçant de part en part. Cela figea Slikof, et Fiora s'engouffra dans ce moment de faiblesse. Ayant tourné la tête l'espace d'un instant pour vérifier si tout allait bien pour Binny, il la vit au sol, une lame enfoncée dans le bras, faisant face à une armoire à glace qui s'apprêtait à l'achever. L'instant ne dura pas plus de trois secondes, juste ce qu'il fallut à Fiora pour porter le coup de grâce. Il sentit une douleur au bas-ventre. Lorsqu'il porta son regard sur cette soudaine souffrance, il vit la main de Fiora sur le manche du poignard, la lame profondément enfoncée en lui.
— Désolée, beau gosse, sourit-elle d'un air machiavéliquement satisfait.
Slikof, acceptant son sort, tourna une dernière fois son regard en direction de Binny et aperçut Drike, en approche, prêt à donner le coup de grâce, quand un coup de feu retentit.
MAISON DES MONTY - CHAMBRE D'HOUDA
Les deux jeunes femmes étaient entrelacées l'une à l'autre sur le canapé. Houda avait posé sa tête sur la poitrine de Brizbi, qui lui caressait délicatement les cheveux.
— Il se passe quoi ensuite ? demanda Brizbi, pensive.
— Ensuite ?
— Oui. Si on retrouve tes amis. Il se passe quoi ?
— Eh bien, on les aide. On participe, expliqua-t-elle avec un soupçon de naïveté.
— Tu crois vraiment qu'ils vont me laisser débarquer comme ça ? Je ne suis pas certaine de l'accueil que je vais recevoir...
— Ne t'inquiète pas pour ça. Je leur expliquerai, assura la scientifique pour balayer ses inquiétudes.
— Tu leur expliqueras quoi ? Que je t'ai enlevée, séquestrée, menacée, effrayée, pour t'enfermer dans un labo et fabriquer de la drogue ?
Houda lui caressa doucement le ventre du bout des doigts, comme pour éloigner leurs futures difficultés de son esprit.
— Je leur dirai que tu m'as sauvé la vie, deux fois. Et que tu m'as ramenée à eux. C'est tout ce qui comptera pour eux, poursuivit-elle, puis murmura pour elle-même, enfin, j'espère...
Brizbi inspira profondément, peu convaincue.
— De toute façon, tu n'as pas d'autre choix que de me suivre, plaisanta Houda en enfouissant son nez dans son cou.
— Oh, vraiment ? Je fais bien ce que je veux, répondit celle-ci en la serrant encore plus fermement contre elle.
Houda se redressa pour se placer au-dessus d'elle, son nez effleurant le sien.
— Je croyais que tu avais besoin de quelqu'un pour te donner des directives ?
Le regard de Brizbi descendit sur les lèvres tentantes d'une Houda qui semblait bien trop sûre d'elle.
— Et tu penses être la seule fille de l'univers capable de m'en donner ?
La perspective que Brizbi pourrait suivre une autre femme déplut fortement à Houda.
— Et puis, je croyais que je n'avais besoin de personne pour exister ? rappela Brizbi, un sourire moqueur aux lèvres.
— J'ai changé d'avis !
Cette réaction amusa délicieusement Brizbi, qui l'attrapa par les hanches en se mordant les lèvres.
— Mlle Monty... Ne décèlerais-je pas une pointe de possessivité ?
Elle ricana et laissa sa tête retomber dans le cou de Houda, avant de lui chuchoter malicieusement :
— Tu rêves...
Alors qu'elles s'abandonnaient au jeu de la séduction, des bruits d'agitation retentirent soudain dans la maison. En un instant, Brizbi se redressa, tous ses sens en alerte. Son instinct lui soufflait qu'elles étaient à nouveau en danger.
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