II
GALAXIE D'ULTYA - ZOLDELLO
Nommée Zoldello par les Utlyens, cette planète émerge au centre de la galaxie d'Ultya, parée d'un vert émeraude éclatant. L'une des plus anciennes et des plus fertiles, elle constitue le dernier rempart d'une humanité marquée par les épreuves. Mère nourricière des survivants de la dernière éclipse, elle abrite aussi le palais du Roi Gotbryde et ses sujets. Ce dernier gouverne d'une main de fer un royaume florissant, mais dont l'éclat pâlit au fil du temps. Incapable de nourrir l'ensemble de sa population, il est contraint à des choix déchirants. Une ségrégation arbitraire a récemment été instaurée, déclenchant un vent de révolte. Des rumeurs circulent sur une nouvelle éclipse imminente, exacerbant les guerres intestines parmi ceux qui luttent pour leur survie.
ZOLDELLO - PALAIS D'ULTYA
Au sein du palais d'Ultya, l'heure est venue de prendre des décisions cruciales. Le roi Gotbryde arpente les vastes couloirs de l'aile ouest, son pas lourd résonnent sur les pierres froides. Il attend, anxieux, l'entrevue qu'il a prévue avec sa propre fille. Ses pas le mènent devant une rangée de miroirs dorés, et soudain, il s'arrête, attiré par son propre reflet. Il s'observe, un silence introspectif l'envahit. Ce visage royal, fort et décidé, ne semble plus être celui qu'il reconnaît. Cette idée qu'il s'apprête à mettre en œuvre est-elle une folie, ou un acte nécessaire ?
Imposant, de stature massive, Gotbryde incarne la force naturelle. Ses larges épaules et son torse musclé témoignent de sa prestance. Ses cheveux châtains, mi-longs et ondulés, encadrent un visage lisse, sans cicatrice, où chaque trait dégage une autorité indéniable. Ses yeux noisette, pénétrants, sondent celui qui ose soutenir son regard. Chaque geste, chaque parole prononcée résonne avec l'assurance d'un souverain, instaurant crainte et respect.
Il prend une inspiration profonde, cherchant à chasser ses doutes, avant de pénétrer dans la salle où l'attend Lilas. Lorsqu'il entre, il la découvre debout, les mains jointes, perdue dans ses pensées. Un léger sourire s'étire sur ses lèvres. Elle ne l'a pas entendu arriver, son regard détaché de cet instant. Rappelé à l'importance de cette entrevue, Gotbryde choisit une entrée brusque, masquant ainsi sa vulnérabilité.
— Vous devez partir, ordonne-t-il fermement.
— Partir ? Mais pour aller où, Père ? s'inquiète la Princesse, l'angoisse perçant dans sa voix.
— Zoldello n'est plus un endroit sûr. La révolte gronde et vous êtes la dernière héritière du trône, mon enfant. Mon rôle est de vous protéger, et vous savez aussi bien que moi vers qui les insurrections se tournent lorsque le vent du changement souffle.
La princesse reste silencieuse. Son père est un souverain juste, parfois dur, mais toujours équitable. Elle comprend que si son père veut exiler sa fille, c'est qu'une menace plus grande pèse sur la famille royale.
— Kylburt vous extraira du palais ce soir, ajoute le Roi d'une voix grave, laissant entrevoir une tristesse qu'il tente de dissimuler.
— Quoi ? Mais je... commence la Princesse.
— Non, Lilas ! Vous n'avez pas le choix. Je ne vous laisse aucune alternative. Vous devez partir immédiatement.
— Mais les noces ?
— Au diable les noces !
Il balaye l'idée d'un geste résolu. La Princesse serre les poings, son cœur lourd de confusion et de révolte. Gotbryde s'approche d'elle, prend doucement ses mains dans les siennes.
— Je ne veux que votre bien, insiste-t-il avec un regard plus tendre.
Lilas sent l'urgence dans sa voix et comprend enfin l'ampleur de la situation.
— De toute la galaxie, Kylburt est l'homme en qui j'ai le plus confiance. Je m'en remets à lui. Je lui confie ce que j'ai de plus précieux. La chair de ma chair. Mon propre sang. Ma protégée. Vous devez être en sécurité, à tout prix. Suivez ses instructions, et ne doutez pas. L'avenir de la Galaxie d'Ultya repose sur vos épaules. Emportez le strict nécessaire. Mais n'oubliez pas l'Œil. Gardez-le avec vous, tout le temps, insiste-t-il, appuyant sur chaque mot.
Lilas n'a d'autre choix que de se soumettre à la volonté de son père, malgré le chaos qui déchire son cœur.
— Très bien, Père... souffle-t-elle, la voix brisée.
Il dépose un baiser doux et protecteur sur le front de sa fille. Quelques secondes s’écoulent dans un silence lourd, puis ils échangent un dernier sourire, leurs regards se croisent dans un instant d’affection et de compréhension silencieuse. Finalement, le Roi sort de la pièce, suivi par ses soldats qui ouvrent la porte sur son passage avec une solennité respectueuse.
— Je n'y crois pas... murmure la Princesse, encore sous le choc de la situation.
Des pas métalliques résonnent sur le sol de pierre, interrompant ses pensées.
— Princesse Lilas ! annonce Kylburt, sa voix grave résonnant dans le calme de cette pièce presque vide.
Il pose sa main sur son cœur en signe de respect, un geste emblématique de la devise des Ultyens : "La main sur le cœur, le regard vers l'avenir". Toute présentation devant un éminent du pouvoir doit suivre ce rituel.
— Bonjour, Kylburt. Dois-je vous suivre ? demande la Princesse d'une voix tremblante.
— S'il vous plaît, Princesse. Je vais vous accompagner jusqu'à vos quartiers, répond-il avec respect.
Sa présence la rassure. Kylburt est un homme à la peau noire, robuste et musclé, avec une carrure impressionnante, fruit de nombreuses années de pratique physique. Ses dreadlocks épaisses, serties ici et là de bijoux dorés, encadrent son visage durci par le temps et l'expérience. Une longue veste en cuir rouge et noir, altérée par les années, tombe jusqu'à ses chevilles. Celle-ci reste toujours entrouverte, laissant apparaître sa silhouette imposante. Des tatouages représentant des poissons de toutes sortes ornent sa peau, rappelant son origine modeste et son lien avec la mer. Une boucle d'oreille en cuivre orne son oreille gauche, ajoutant une touche d’audace à son apparence déjà saisissante.
Lilas le connaît depuis leur plus tendre enfance, et son allure d'armoire à glace ne l'impressionne plus en rien. Kylburt n’est pas seulement un homme de main du roi, il est un véritable ami, presque comme un frère qu’elle n’a jamais eu.
Issu d’une famille modeste, Kylburt, âgé d’à peine cinq ou six ans de plus que la princesse, a traîné dans les couloirs du palais dès son plus jeune âge. Ses parents, tous deux employés du palais, ne pouvaient le laisser seul à la maison. Il passait donc le plus clair de son temps à faire les quatre cents coups entre ses murs. C’est ainsi qu’ils s’étaient rencontrés. Un jour, un groupe de soldats courait après lui, furieux qu’il ait subtilisé l’un de leurs poignards.
La Princesse et lui s’étaient retrouvés nez à nez lors de cette course effrénée. Ses poursuivants les avaient retrouvés entassés l'un sur l'autre, ce qui avait provoqué une éclatante crise de rire parmi les témoins. C’est dans cette éclatante crise de rire enfantine, pleine de fougue et d’énergie, que leur amitié avait commencé à se tisser. Mais Kylburt n’avait pas échappé à la réprimande de sa mère, exaspérée par ses bêtises.
Il a toute la confiance de la famille royale. On pourrait presque dire qu’il en fait partie.
PALAIS DE ZOLDELLO - QUARTIERS DE LILAS
Lilas s'affaire à prendre ce qui lui semble important. Suivant les conseils du Roi, elle s'approche de la boite en bois qui renferme l'Œil. Elle l'ouvre délicatement laissant s'en échapper une enivrante musique. Elle profite de la mélodie et attend un petit instant avant d'enfiler le précieux bijou à son annulaire droit. Kylburt se tient debout devant la porte de la chambre. Il monte la garde. Le corps en alerte.
— Vous devriez enfiler une tenue plus appropriée, conseille-t-il.
— Vous voulez dire, une tenue pour fuir un royaume dans le Chaos ?
Il ne lui répond pas et se contente de remuer la tête, amusé.
Finalement, Lilas s'exécute. Kylburt a raison, elle ne peut décemment pas s'enfuir en robe d'apparat. Derrière les parois d'un paravent laissant deviner sa silhouette dévêtue, elle enfile rapidement quelque chose.
— Est-ce plus adéquat ?
Son ami découvre un habit rouge, prêt du corps, orné d'une ceinture couleur or.
— Ce n'est pas vraiment discret, mais ça ira. Ça me semble... Kylburt marque une pause, penchant sa tête sur le côté tout en examinant la Princesse. Plus pratique... Si vous êtes prête... Ils nous attendent.
— Qui nous attend ?
PIROS
Enfin arrivés au Piros, nous découvrons le vaisseau impressionnant qui nous attendait patiemment, son train d'atterrissage solidement ancré dans la neige, juste à temps pour échapper à nos poursuivants inconnus.
— Il s'en est fallu de peu ! Quelques minutes de plus et c'était le trépas, déclame Zorth sur un ton jovial.
Nous avons couru comme des dératés, et dans la neige, en plus ! Nous sommes à bout de souffle. Zorth reprend ses esprits, époussetant élégamment son costume.
— Venez, je vais vous présenter l'équipage ! déclare-t-il, d'un ton satisfait.
Sans un mot, nous commençons à le suivre à travers les couloirs du vaisseau. Je n'ai jamais rien vu de tel : tout semble neuf, comme si ce bâtiment venait tout juste de quitter l'atelier. Après avoir traversé plusieurs ponts vitrés et quelques salles équipées de technologies dernier cri, une porte automatique s'ouvre sur une vaste salle. L'atmosphère est claire, métallique, mais d'une manière surprenante, elle dégage une certaine chaleur. Deux personnes sont assises autour d'une grande table ronde.
— Ho ! Les demoiselles sont là ! s'exclame Zorth, en faisant de grands gestes dans leur direction.
Il se place rapidement derrière l'une d'elles et l'observe attentivement sans la toucher.
— Voici Mademoiselle Sylice. Sylice D'Argon. Elle est le cerveau de ce vaisseau ! Une scientifique de renom, admirée par les plus éminents Hasturiens !
La jeune femme reste de marbre face à ces compliments. Les Hasturiens, sont l'espèce la plus intelligente de toutes les galaxies, à l’origine de presque toutes les innovations scientifiques et technologiques dans l’espace.
Elle nous salue d'un simple mouvement de tête. Sylice D'Argon, petite de stature, incarne parfaitement le pragmatisme des Hasturiens. Ses cheveux bruns sont attachés sans fioritures, réduits à l’essentiel, signe de son indifférence à la mode et à la coquetterie. Ses yeux verts, traversés de pupilles fendues, rappellent ceux des félins. Ce regard perçant, à la fois fascinant et troublant, donne l’impression qu’elle mijote toujours quelque chose, et notre cher Gudjanien semble mal à l’aise en sa présence.
Zorth, sans bouger de sa position, prend soin de ne pas s'approcher trop près de l'autre jeune femme. Elle porte une tenue typique des Adharas, faite de fourrures animales brunes et noires en guise d'épaulettes, recouvrant le haut de son corps par-dessus un veston de cuir tanné. Ses bras entièrement découverts révèlent un corps sec et musclé, forgé par des années de discipline. Il la désigne poliment du doigt, l’introduisant à distance.
— Et voici Mademoiselle Binny Ristoc. Une Adhara.
Voici ce qui confirme mes soupçons. Les Adharas se distinguent par une silhouette petite, sèche et athlétique, taillée pour l’action. Ce sont des guerriers redoutables. Ses cheveux rose pâle, héritage de son peuple, tombent en un carré ondulé qui caresse son visage d'une touche de vivacité. Sa peau métisse fait ressortir l’éclat de ses grands yeux expressifs, et ses canines proéminentes, marque de son héritage Adhara, lui confèrent un air farouche, toujours prête à bondir ou à défendre ce en quoi elle croit.
Guitry n'a pas quitté Sylice du regard. Son air d'idiot du village me laisse entendre qu'elle lui plaît. Quant à moi, j'observe Binny qui se tient dans une position décontractée : les jambes croisées, les pieds posés sur la table et la chaise basculée sur deux pieds. Ses mains derrière sa tête, comme si elle se prélassait dans un hamac. Elle nous lance un grand sourire tout en fermant les yeux, mais ne prononce pas un mot.
— Ne nous éternisons pas ici, je vais vous présenter le capitaine de bord.
Nous poursuivons notre exploration du vaisseau, qui semble indéniablement de fabrication Tucanienne. Les vaisseaux les plus impressionnants des plus grandes flottes spatiales sortent de leurs usines. Richement détaillés, ils accordent également une attention particulière à l'esthétique de leur intérieur, privilégiant un design agréable et raffiné, là où d'autres se contentent de créer des structures sombres et utilitaires.
Arrivés devant la porte du cockpit, Zorth l'ouvre en passant sa main sur un appareil de reconnaissance digitale. L'homme aux manettes se tourne immédiatement vers nous.
— Zorth ! s'exclame-t-il, visiblement soulagé.
Il est grand, solide, avec une carrure imposante. Son allure robuste contraste agréablement avec son humeur guillerette et accueillante. À son oreille droite brille un anneau en or, mais on ne sait pas s’il s’agit d’un simple choix de style ou du souvenir d’un pari perdu. Ses cheveux châtain clair, presque dorés, forment une couronne de boucles indisciplinées, lui donnant un air à la fois jeune et aventureux. On l’imagine facilement dans des récits d'explorateurs audacieux ou comme le protagoniste d’une légende galactique. Sa veste en cuir, marquée par les années et les missions à travers l’espace, n’en est que plus impressionnante.
— Vous attendiez quelqu'un d'autre, Capitaine ? plaisante Kydine.
— Je suis sur mes gardes ! confie-t-il, en glissant nerveusement ses doigts dans ses cheveux. N'oubliez pas que je suis le garant de la sécurité à bord de ce vaisseau.
— Je suis bien au fait de cela, mon cher. Et vous remplissez votre mission à merveille !
Zorth lui assène une franche tape dans le dos, qui ne le fait pas bouger d’un millimètre.
— Je vous présente notre Capitaine Crylon Dogast. L'un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur.
Jusqu’à présent très silencieux, Guitry prend enfin la parole.
— C'est bien beau tout ça, mais on ne sait toujours pas ce qu'on fout ici.
Zorth interrompt les présentations.
— Vous avez raison, trêve de bavardages inutiles ! déclare-t-il, l’index au garde-à-vous. Bien que cela fût nécessaire. Il est important de connaître ses compagnons d'infortune ! Nous risquons de passer un certain temps ensemble. Je vais de ce pas convoquer tout l’équipage dans la salle principale.
Sans ajouter un mot, il appuie sur sa montre, et une alarme retentit dans les couloirs.
PIROS - SALLE PRINCIPALE
L’équipage est déjà réuni autour de la grande table ronde. Zorth nous invite à les rejoindre.
— Bienvenue à cet équipage presque complet ! Il est évident que les deux nouveaux venus ignorent encore nos projets. C'est pourquoi je sollicite toute votre attention. Nous sommes ici aujourd'hui sur les ordres du Roi Gotbryde de la Galaxie D'Ultya. Il m'a envoyé, moi, Zorth Kidyne, fidèle représentant de la confrérie de...
— Venez-en au fait, Zorth, l’interromps-je sèchement.
— Oui, bien sûr, toutes mes excuses. Les Gudjaniens ont parfois la fâcheuse tendance à s’emballer dans des discours fleuris.
Il s’éclaircit la gorge avec une élégance feinte avant de poursuivre.
— La mission Minden m’a été confiée par le Roi D'Ultya. Ce vaisseau, le Piros, nous permettra de naviguer à travers les Galaxies lointaines. Notre mission est claire : éviter l’effondrement, prévenir le déséquilibre. Chacun d’entre vous a un rôle crucial à jouer. Nous devons sauver l'univers !
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