Chapitre 11 - Essayer une dernière fois
Depuis le début de ses vacances, Rickie tournait en rond dans son appartement. La flemme d’aller faire ses courses. Il restait plutôt à traîner dans son pantalon de jogging informe et dans son vieux pull troué à l’épaule. Il ne se nourrissait des restes du réfrigérateur. Un morceau de poulet plus que douteux, un vieux camembert, quelques carottes et une demi douzaine de yaourts. Il avait retrouvé, au fond de son placard, une boîte de raviolis qu’il avait engloutie, un soir au dîner. Il passa la plupart de ses journées avachi devant son poste de télévision, sans véritablement suivre un programme en entier. Même la musique n’arrivait plus à calmer ses nerfs. Le poste radio lui rappelait que la terre continuait de tourner sans lui mais les informations le déprimaient encore davantage. Aussi l’avait-il coupé définitivement.
Comme si sa vie amoureuse n’était pas assez compliquée comme ça, la veille de Noël, il avait fallu que son père, une fois de plus, se comporte comme le dernier des salauds, en lui servant un mensonge prévisible. “Je sais que tu dois être déçu, tu te doutes bien que je me faisais une joie de passer Noël avec toi”. Mais était-ce sa faute si son vol avait été annulé pour mauvais temps, l’obligeant à rester à Bruxelles deux jours de plus? Rickie avait été écœuré par son ton mielleux qu’il réservait d’habitude à ses clients et à ses relations d'affaires. Affaires d’ailleurs que son père n’avait jamais su lui expliquer clairement. Il se doutait depuis longtemps qu’elles étaient plus ou moins légales mais jusqu’à quel point, ça, il n’aurait pas su le dire. Son père lui avait assez rabâché qu’il s’était fait tout seul et qu’il n’avait pas à rougir de son train de vie aisé. Quand Rickie lui avait annoncé qu’il rentrait en apprentissage dans une imprimerie de la ville, son père n’avait pas pu cacher sa déception. Rickie avait une fois de plus pris sur lui en serrant les dents. Aujourd’hui, il réalisait que cela faisait un an qu’ils ne s'étaient vus, seulement des appels téléphoniques formels pour leur anniversaire réciproque . Même le 25 décembre, ils n’étaient pas arrivés à l’honorer. Il s’était senti abandonné plus que jamais. Il avait ressenti cette mélancolie sourde qui vous envahit totalement, qui se colle au creux de votre poitrine pour s'installer durablement.
Le téléphone le sortit brusquement de sa léthargie. Il s’attendait à entendre la voix de son père, de retour en ville, l’inviter à dîner pour se rattraper. Mais ce n’était pas la sienne mais celle de Marc. Une voix pleine de charme même s’il y décelait, pour l’heure, une pointe de tristesse qu’il lui connaissait. Celle des dimanches soirs de cafards. Au fil de la conversation, Rickie se souvint des paroles de Barbara, pleines de sagesse. Surtout, ne plus rentrer dans son jeu. Ne plus se laisser avoir par la violence de cet homme. Mais ce soir, il n’avait ni le courage, ni l’envie de lutter. Trop de fatigue, trop de déception, trop mal au crâne. Il n’arrêtait pas de se ronger les ongles. Jusqu’au dernier moment, il hésita. Une fois raccroché, il su qu’il n’aurait jamais dû accepter de le revoir. Pourtant, l’occasion de revenir en arrière était trop belle. Tout recommencer. Il se devait d’essayer une dernière fois.
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