Chapitre 19 Janvier 1988
La lumière extérieure pénétrait par les fentes des persiennes et dessinait de fines lignes sur le sol de la pièce. Paul se réveilla avec la tête cotonneuse. Logé contre Tom, il admirait les courbes de son corps bouger sur des respirations régulières. Il voulut retirer la main qui entourait son torse mais il sentit le léger gémissement de Tom qui s’agrippait à son bras. Vive érection. Tom vint lui caresser le flanc droit et les fesses.
- Quel réveil énergique, jeune homme ! murmura Tom, coquin.
Paul prit le sexe dur de Tom à pleine main.
- T’as l’air bien réveillé, toi aussi, lui chuchota-t-il dans son oreille.
Tom se retourna doucement sur le dos et sentit que Paul accélérait ses va-et-vient. Tom surprit ses yeux malicieux mais ferma aussitôt les siens et profita du plaisir qui montait en lui. Paul continua, avec des mouvements de plus en plus rapides. Tom se laissa aller et éjacula sans prévenir sur son ventre. Tel un chat, il s’étira de plaisir.
- Merci pour ce super réveil de la nouvelle année.
Il souleva la tête pour lui déposer un baiser sur les lèvres. Il retira doucement les draps tandis que Paul attrapait un mouchoir en papier, dans une boîte posée par terre, pour l’essuyer. Tom se laissa faire, tout en regardant Paul qui rougissait.
- A ton tour…, mais Paul se leva aussitôt.
Tom lui attrapa le bras, ce qui le força à se retourner. Il s'assit au pied du lit et se retrouva face à son sexe en érection. Il leva les yeux vers son amant, commença à le caresser. Paul rejeta la tête en arrière, les mains posées sur ses épaules. Au bout de quelques minutes, Paul prit son sexe en main et inonda de sperme le torse de Tom qui soutint son regard. Tom se releva pour l’embrasser en se collant à lui.
- Une douche s’impose !
Ils y restèrent un long moment, à s’embrasser. Ils se frottèrent tour à tour le dos avec du savon. Tom commença à faire l’idiot en chatouillant Paul qui se tordait de rire. Celui-ci prit sa revanche et le plaqua contre la paroi froide du carrelage. Sortie de douche. Paul jeta un caleçon et un t-shirt propres au visage de Tom qui les enfila.
Vêtu d'un simple slip et d'un pull, Paul prépara du café, posa deux tasses et une boîte en fer de sucres en morceaux sur une petite table ronde dans l'espace cuisine. Il ouvrit la porte d’un placard situé en haut de l’évier. Tom l’enlaça et descendit sa main droite dans son slip.
- Mais...attends un peu idiot...Ah parfait, on va pouvoir manger le pain d’épices que ma mère m’a donné.
- Mmmmmh le bon gâteau de maman…, se moqua Tom.
Paul servit les deux cafés et découpa quelques morceaux de gâteau qu’ils avalèrent en moins de deux.
- Alors, quel est le programme de la journée ? voulut savoir Tom, assis sur une chaise, les jambes croisées.
Paul le regarda droit dans les yeux et lui indiqua d’un air suggestif le lit qui donnait directement sur l'espace cuisine. Il leur versa une nouvelle tasse de café et but la sienne. Sans se faire prier, Tom avala le sien d’un trait et se jeta dans le lit, sous les couvertures. Paul le regarda jouer avec son caleçon qui finit par atterrir dans un coin de la pièce. Il retira lui aussi son slip et son pull et bondit sur lui avec un rire de fou furieux. Tom eut mille peines à retirer son t-shirt tant Paul le couvrait de baisers. Essoufflés, ils restèrent un moment face à face. Paul n’arrivait toujours pas à réaliser ce qu’il était en train de vivre.
- Tu l’as fait exprès de ne pas me laisser passer quand je suis sorti du cours de Durieux, hein ?
- J’étais curieux de voir comment tu allais t’en sortir, répondit Tom, le sourire au coin des lèvres.
- Et tu m’as suivi…Tu m’as même espionné jusqu’à chez moi !
- Oui monsieur, j’ai bien fait non ?
Tom lui tira la langue en plissant les yeux.
- Vous me faites littéralement craquer avec vos taches de rousseur.
- Et bien, t’es le premier à me dire ça…, avoua Paul, sans terminer sa phrase, la main de Tom sur sa bouche.
- Taisez-vous. Vous êtes très à mon goût, ne changez rien !
Paul avait tellement de questions à lui poser. Mais il pressentait que certaines d’entre elles allaient être difficiles à formuler. À cet instant, il prit conscience de l’importance qu’allaient revêtir ses paroles. Ne pas tomber à côté la plaque. Il préféra commencer par une question anodine.
- Comment as-tu connu le Petit Marcel ?
C’était un lieu connu pour celles ou ceux qui y cherchaient leurs semblables. Il était souvent passé devant, sans oser y entrer, persuadé que les passants qui le regardaient alors, le considéraient déjà comme un pestiféré. Alors lorsqu’il eut tout juste dix huit ans, il avait pris son courage à deux mains et s’était décidé à franchir la porte du café. Cette première fois, il s’en souvenait comme si c’était hier. Il avait eu l’impression d’être déshabillé de la tête aux pieds par les hommes présents ce soir-là. Il avait essayé d’être le plus décontracté possible, sans y parvenir. Il s’était assis tout au bout du bar. Lucas avait tout de suite deviné que c’était la première fois qu’il entrait dans ce type d'établissement. Il avait lu dans ses pensées. Non, le Petit Marcel n’était pas un lieu de perdition et de vices comme on avait pu lui raconter. Mais un lieu où il serait toujours le bienvenu. Mal à l'aise, Tom n’était pas resté longtemps cette fois-ci. Après plusieurs visites, il avait réussi à se détendre un peu. Ce fut seulement dans les semaines qui suivirent qu’il avait rencontré Rickie.
Nous y sommes se dit Paul. Tom s’arrêta de parler quelques instants, les yeux humides.
- Rickie et moi…ce n'est pas ce que tu imagines… C'est plus compliqué que ça…, sans arriver à terminer sa phrase.
Il blottit son visage contre son torse et réprima un sanglot. Ils restèrent dans cette position de longues minutes. Paul se glissa hors du lit. Il brancha sa platine vinyle et prit le temps de choisir un disque. Le jazz feutré et la voix suave de Chet Baker emplit la pièce.
Sweet comic Valentine
You make me smile with my heart
Your looks are laughable
Unphotographable
Yet you’re my favorite work of art
Is your figure less than Greek
Is your mouth a little weak?
When you open it to speak
Are you smart?
But don’t change a hair for me
Not if you care for me
Stay, little Valentine, stay
Each day is Valentine’s Day
Paul retourna d’un pas félin retrouver la chaleur des draps. Ils s’endormirent sans s’en rendre compte et se réveillèrent seulement deux heures plus tard.
Quand Paul ouvrit les yeux, Tom s'habillait.
- Je dois aller voir mon père, lui dit-il navré.
- Lâcheur va ! lui répondit Paul, mi-amusé mi-triste.
Tom noua ses lacets et l’embrassa longuement.
- Je vous appelle bientôt, beau jeune homme.
Tom quitta l’appartement et fit claquer doucement la porte. Aussitôt, Paul se leva afin de le guetter à la fenêtre. Il le vit qui se retournait et lui faisait un signe. Il lui rendit son sourire. Puis le regarda partir au loin jusqu’à ce qu’il disparaisse.
En fin d’après-midi, Paul passa un long moment au téléphone, avec ses parents, pour leur présenter ses vœux et prendre de leurs nouvelles. Dans la soirée, il décida d'appeler Marianne pour s’excuser d’être parti comme un voleur. Au bout de quelques sonneries, elle décrocha de mauvaise grâce. Nuit blanche marmonna-t-elle en lui souhaitant elle aussi une bonne année. Elle accepta ses excuses à contrecœur. Pour se faire pardonner, Paul les invita à prendre un verre le lendemain après-midi, au bar de L’Ecluse, situé à deux pas de l’université, où Marianne et Tristan avaient leurs habitudes.
Après avoir raccroché, il repensa à Tom tandis qu’il quittait son appartement. Ses yeux se posèrent alors sur ta table de chevet. Il avait oublié son bracelet multicolore. Il respira profondément, comme si le souffle lui manquait. Que lui arrivait-il ? Au lycée, il avait eu quelques flirts mais rien de bien significatif à ses yeux. Sarah avait été la première avec qui il avait eu un vrai rapport sexuel. Il avait aimé leurs ébats mais ce qu'il avait ressenti avec Tom n’avait rien de comparable. Il s’était senti en sécurité, même s’il n’avait pas voulu aller plus loin par peur de le décevoir. Il ne voulait pas être encore plus maladroit qu’il ne se sentait déjà.
Pour le dîner, il se fit une simple omelette. Il finit le dernier yaourt resté dans son réfrigérateur en contemplant sa pile de classeurs et de fiches sur son bureau. Il n’avait pas la force de s’y remettre et surtout aucune envie. Ses examens lui semblaient étonnamment plus légers. Pourquoi s’était-il mis autant de pression ? Il préféra allumer sa petite télévision. Son père avait absolument voulu qu'il l’ait pour son emménagement (Tu verras, tu seras bien content de t'en servir !). Finalement, il le faisait rarement, contrairement à sa platine qui tournait régulièrement. Les 400 coups étaient diffusés. Il ne bouda pas son plaisir et se mit sous les couvertures pour suivre les aventures du jeune Antoine Doisnel.
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