- Je ne t’ai jamais dit, mais nous sommes immortels.

 Le petit garçon que j’étais à l’époque lève la tête pour rencontrer les yeux placides qui m’observent tendrement. Maman.

- Immor… quoi ?

- Immortels, répète-t-elle en me caressant le front du bout des doigts.

 Je laisse ce mot pénétrer mon esprit embrumé par la chaleur du feu et le livre que maman est en train de me lire. Toujours le même livre, la même histoire, les mêmes mots. Aujourd’hui encore, certains passages se rappellent à moi, intacts, le plus souvent lorsque le soir remplace le jour, autant à l’extérieur que dans mon cœur.

- Immortels, je répète en détachant chaque syllabe. Et… c’est bien alors ?

- C’est très bien, oui.

- Mais ça fait quoi un immortel ?

 Elle rit doucement avant de me répondre ; ce qu’elle m’a dit en revanche, mes souvenirs refusent de me le dire. Quelque chose qui parle d’éternité, de lumière qui jamais ne cesse de briller.

 Je ne saurais dire aujourd’hui si elle m’a raconté tout ça pour rassurer l’enfant que j’étais et que je serai toujours au fond de moi, ou si elle croyait profondément à ces histoires. Sûrement un peu des deux. Elle n’est plus là aujourd’hui. Belle immortalité humaine.

 Je ne sais pas pourquoi ces souvenirs reviennent me visiter aussi fort ce soir. Mais en levant les yeux vers le ciel, vaste toile d’encre éclaboussée de lumière, le calme se fait en moi depuis longtemps. Je repense à l’histoire qu’elle me lisait toujours, qui parlait d’une guerre déchirant les cieux, du peuple qui se changea en étoiles pour survivre. Je repense à notre conversation sur les immortels. Et là, sous les milliers de lumières incandescentes, je comprends. Est-ce un souvenir ou l’effet de la nuit sur mon esprit, je ne saurais le dire. Mais c’est avec sa voix que résonnent les mots qui se diffusent dans mon âme et m’apportent la paix.

« Nous sommes immortels, parce que je t’aime. »