chapitre 9

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Ogma mit un moment avant de comprendre que quelqu’un frappait à la porte. Il n’avait invité personne et s’il était honnête avec lui-même, il devait s’avouer qu’il ne s’était pas encore fait un seul ami. Ce n’était pas faute d’essayer, mais il avait la désagréable impression que tout le monde connaissait tout le monde et l’observait comme s’il était un intrus. Heureusement qu’il avait fait monter Nashran avec lui… c’était une très bonne distraction. Il l’observa encore un instant, la baguette enfoncée dans son fondement avait presque terminé la dernière passe. Il s’était visiblement raidi en entendant toquer et il semblait un peu inquiet. Bizarre, pensa Ogma. A croire que c’était lui qui attendait de la visite, ce qui était strictement impossible.

Une serviette négligemment enroulée autour de la taille, Ogma ouvrit. Quatre personnes attendaient de l’autre côté, Visu en tête. Un sourire dans la voix il les accueillit d’un :

- Oh bonjour, excusez-moi, je n’attendais pas de visites. Mais… qu’est-ce que vous faites-là ?

Il eut eu un instant de silence avant qu’il n’entende, derrière lui, Nashran murmurer :

- Le technicien ?

Aussitôt il se retourna vers lui en fronçant les sourcils. Comment Nashran pouvait-il connaitre qui que ce soit ? Devant lui, Visu aussi c’était penché pour observer l’intérieur de l’habitat. Il remarqua immédiatement Nashran, les joues rougies par l’effort, à quatre pattes, nu, sur une table. La baguette terminait une passe de collecte, comprit-il.

- Hey ! Coucou toi !

Visu tenta de se glisser mais aussitôt Ogma lui fit face, le bloquant de sa seule présence. Il eut moins de facilité à le faire avec Date qui se faufila très rapidement en sautillant.

- Mais que ce que ! Je ne vous permets pas ! s’insurgea-t-il.

Date l’ignora sachant pertinemment que l’homme qu’il aimait aller gérer et s’ils devaient se faire mettre à la porte, autant qu’il donne ses informations le plus vite possible. Il sauta sur la table pour s’asseoir en tailleur-dessus et sans même dire bonjour à Nashran il débuta.

- Tu es libre de faire ce que tu veux. Tu as le droit de sortir, d’aller manger dehors, de rejoindre les quartiers de réceptacles. Tu es libre. Tu n’appartiens à personne d’autres qu’à toi-même. Donc si tu sors, n’hésites pas. Tu peux aller où tu veux. Il n’a pas le droit de faire un truc que tu n’as pas envie. Est-ce que tu as compris ?
- Il a la seule clé. Murmura Nashran.

Ogma derrière eux, bloquait toujours les trois autres, et il eut un sourire triomphant devant cet aveu. Oui, il avait la seule clé, ça lui avait coûté un vœu. Faire de ses quartiers le lieu de résidence de Nashran également. Quant à acheter le droit d’être le seul à se reproduire en lui… ça avait pris tout le reste. Mais quelle importance ? Il était un reproducteur maintenant et la folie d’avoir un réceptacle rien qu’à lui, l’idée même de ce fourreau unique, lui avait tellement plu qu’il n’avait pas pu résister.

- Vous avez claqué tous vos vœux hein ? marmonna le type désagréable qu’il avait croisé à la fête.

Ogma haussa d’une épaule. Oui, il l’avait fait. Date frémit et posa sa main sur l’épaule du jeune réceptacle pour lui montrer tout son soutien. Une seule clé. L’intention voulait tout dire.

- Un vœu peut en contrer un autre. Alors sors dès que tu peux. N’oublie pas qu’il n’a pas le droit de lever la main sur toi et que si tu cris au secours, des systèmes se mettront en place pour t’aider. Ne le fais surtout pas pour rien, ils n’aimeraient pas la blague, mais si tu te sens en danger, n’hésites pas.
- Dehors espèce de connard ! Tu as fini de m’insulter peut-être ? craqua Ogma qui n’y tenait plus.

Il ne pouvait pas reculer vers l’autre garçon, sans que les trois autres n’avancent dans ses quartiers.

- Dégagez ! Je ne veux plus vous voir chez moi !

Aucun ne sembla sensible à ses cris. Nashran pas plus que les autres. Il était entièrement concentré sur l’autre réceptacle qui le caressait doucement pour l’aider à se détendre. Lorsque la passe fut enfin terminée, il l’aida à déloger le matériel et à s’asseoir sur la table. La baise avait été rude et sa tête tournait encore un peu mais pas assez pour qu’il ne le voit pas : c’était sa brèche.

- Tu peux venir avec nous si tu veux.
- Il dort ici ! Il mange ici ! Il vit ici ! J’ai payé. Je ne sais pas ce que vous croyez pouvoir faire, mais vous avez tort !
- On fait ce que l’on veut mon pote. Marmonna Zeyn en se dressant un peu plus devant lui.
- Je suis… Je suis quelqu’un d’important ! Vous ne pouvez pas jouer à ça ! s’exclama-t-il nerveusement.

Dans le dos du groupe, Never soupira, lassé. Il n’avait qu’une envie c’était rentrer chez lui. Cette petite crise de colère et d’autorité ne l’impressionnait pas du tout. En faites, elle le fatiguait plus qu’autre chose. Alors il avança, poussant Zeyn sur le côté puis Ogma qui tenta de le repousser, maintenant franchement en colère.

- Ouais, c’est ça. Cogne-moi. Fais-le… juste pour voir à quel point tu es important à leurs yeux.

Sa réaction désinvolte fit hésiter Ogma, un instant, et l’instant d’après Never était à l’intérieur de ses quartiers, traversant la salle jusqu’à atteindre le garçon qui gardait les yeux bas et dont le corps était à moitié recroquevillé.

- Allez, on s’en va.

Il se retourna sans vérifier s’ils le suivaient bien, puis fit simplement barrage de son corps en observant attentivement ce reproducteur avant de lui souffler tranquillement :

- T’es pas un Dieu ici tu sais… La majorité des gens qui t’entourent sont aussi des reproducteurs. Ils ont aussi des vœux et ils peuvent aussi les utiliser. Je te jure que tu n’as pas envie de rentrer dans une guerre de vœux.

Ogma souffla fortement en regardant son réceptacle se glisser derrière cet homme présomptueux et il lui répondit :

- Parce que toi, tu te sens de taille peut-être ?

Sa réponse fit rire Zeyn, d’un éclat si franc qu’il le désarçonna un instant. Visu ne tarda pas à le suivre dans ce qui allait devenir un fou rire. Mais l’hilarité générale n’atteignit pas Never qui fit simplement « non » de la tête.

- Je ne dépenserais pas un vœu pour le droit de l’utiliser, ça c’est sûr.

A peine le temps de comprendre et la porte se referma. Ogma se retrouva seul à l’intérieur, incrédule. On venait de lui voler son réceptacle. Sous ses yeux. Oh il n’allait pas en rester là ! Il allait se plaindre ! Ces reproducteurs pensaient peut-être avoir tous les droits mais il avait payé de ses vœux et la justice allait fonctionner !

A l’extérieur, Zeyn riait toujours. Nashran était nu, à moitié recroquevillé sur lui-même, et il les observait ébahi. Sorti. Ils l’avaient fait sortir aussi simplement que ça. Un pull atterrit entre ses doigts, il était chaud et il mit un instant avant de comprendre que c’était celui de cet homme inquiétant qui l’avait aidé. Il l’enfila. Autant être nu devant des inconnus, le fondement fouillé, ne le dérangeait pas plus que ça sur le papier. Autant rester nu en dehors de toutes pratiques sexuelles et alors que les autres étaient habillés, c’était moins évident.

- Autant ne pas trainer. Marmonna Date en regardant la porte close.

Il n’avait vraiment pas du tout aimé l’attitude de ce reproducteur et s’il était sûr d’une chose, c’était qu’ils en entendraient parler.

- On va chez toi ? demanda Zeyn à Never.

Seul un regard noir lui répondit. Non. Hors de question d’amener cet inconnu dans son antre.

- Bon ben chez nous alors… soupira Zeyn.

Nashran les suivit sans vraiment comprendre ce qu’il se passait. Les informations se bousculaient dans sa tête. C’était simplement trop d’un seul coup, mais pour la première fois, il se sentit en sécurité. Tout en marchant, il se fit la réflexion que ça n’allait pas durer. Ça ne pouvait pas durer. Même si ces reproducteurs et ce réceptacle avaient l’air très sûrs d’eux, Ogma allait se plaindre et faire en sorte de le baiser, dans tout les sens du terme. S’approchant un peu de Date, il lui demanda d’une voix faible :

- En quoi consiste une guerre de vœux ?
- En faites, les vœux ont trois types de valeurs, mais y’a des cas particuliers.

Zeyn reprit, gentiment.

- Imagines que je fasse le vœu que Date soit tout à moi, je claque un vœu de faible valeur, de toute façon c’est tout ce que j’ai. Et maintenant envisageons que mon pote Visu décide de faire exactement pareil. Un vœu de faible valeur pour que Date soit tout à lui. On ne peut pas réaliser les deux vœux donc il faut choisir. Le duel se fait au chiffre. Le taux de pureté le plus important gagne.
- Ouais, mais ça, c’est les cas simples. Parce qu’en soit, un vœu peut pourrir la vie d’un autre reproducteur… Donc on évite d’aller emmerder les autres normalement. Ajouta tranquillement Visu tout en les faisant tourner dans une ruelle.

Nashran observait ses pieds nus sur le sol dur. C’était un peu inconfortable, mais moins qu’il ne l’aurait cru. Ogma s’engagerait sans aucune hésitation dans une telle guerre, sans même en comprendre les enjeux ou ce qu’il risquait. Il était trop présomptueux pour faire preuve de prudence.

- C’est ma seule chance alors ? Que quelqu’un veille bien contre carrer son vœu ?
- Boah… On n’a pas toujours besoin des reproducteurs pour se dépatouiller tu sais. Tu peux sacrément lui casser les pieds !

Le sourire de Date lui fit du bien et rentrer dans un nouveau logement, même si c’était très temporaire fut d’autant plus soulageant. Ce n’était pas vraiment luxueux, en faites, c’était même beaucoup moins riche que les quartiers d’Ogma. Zeyn avait visiblement un statut social bien inférieur, mais il s’y sentit immédiatement bien. Il s’installa avec les autres autour d’une petite table basse et Zeyn leur apporta une collation.

- On a bien galéré à te trouver en tout cas…
- Vous m’avez cherché ?
- Ouais… même Never a participé c’est dire !

Un petit rire secoua Visu et il fut rapidement rejoint par le petit couple alors que ledit Never se contentait de soupirer en haussant des épaules. Ça lui arrivait d’aider après tout. Bon le plus souvent, il était difficile à mettre en mouvement, mais il n’était pas totalement inactif pour autant.

Il faisait chaud, le canapé était confortable et les voir aussi à l’aise les uns avec les autres réchauffait étrangement le cœur de Nashran. Après avoir vécu à l’isolement avec Ogma, ça ressemblait à une simple normalité. Alors qu’il s’endormait à moitié, Date lui souffla de rester là pour la nuit. Ils verraient quoi faire demain. Et sans plus de cérémonie, il s’endormit, à moitié blottit contre l’autre réceptacle.

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