Chapitre 22
La pièce était totalement blanche. Au centre, il y avait un lit recouvert de draps blancs et surplombés de machines aux bras articulés tout aussi blanc que le reste. Autant dire que Never tranchait fermement dans un tel décor, car comme à son habitude, il était habillé tout de noir.
- J’ai tout préparé moi-même. Annonça Johan.
Elle se tenait droite comme un i, un lot de papier dans les bras comme si elle s’apprêtait à effectuer une prise de note complexe.
- Je ne veux pas… Je voudrais être seul avec Nashran.
- D’accord. Accepta immédiatement la doctoresse.
Ce genre de coït était si rarissime que les protocoles étaient beaucoup plus invasifs. Cela faisait parti de ce que Never détestait. Seulement, il en était également responsable, après tout, c’était lui qui les avait rendus aussi peu commun. L’objectif était donc de ne rien perdre et de ne pas contaminer les échantillons avec quoique ce soit d’autres. Au programme, il y avait donc une pièce entièrement désinfectée et brillante comme un sou neuf et les meilleures machines de la zone. Au milieu de tout cela, Never semblait étrangement perdu. Nashran attendit que Johan s’en aille effectivement pour faire le tour de la pièce. C’était grand et vraiment très blanc.
- Est-ce que ça fait longtemps que tu n’as pas… fait ça avec quelqu’un ? demanda soudain Nashran.
Never acquiesça silencieusement, puis ajouta :
- Plusieurs années.
- Oh ! Alors… on a tous les deux besoins d’y aller en douceur.
- Ouais… Je… La dernière fois que j’ai utilisé un réceptacle, ça ne s’est pas bien fini.
- Comment ça ?
- Il a cru… Qu’il avait des droits sur moi. Nashran… Ce sera la première et dernière fois que je t’utiliserais comme ça, tu comprends ?
- Oui, je sais.
Nashran lui fit un pauvre petit sourire.
- Fais-moi confiance d’accord ? Une seule et unique fois que l’on va rendre mémorable… Et puis, tu as toujours le droit au sexe récréatif non ?
- … oui.
- Du coup, si tu y prends goût, ce ne sera pas un problème ! ajouta le réceptacle malicieusement, choquant un peu son ami.
Ils s’observèrent un long moment, immobiles. Never se sentait horriblement stressé. Il allait avoir un troisième enfant… Quoiqu’il fasse maintenant, ses fils seraient au nombre de trois. Il se sentait dépossédé de son propre corps. Il était censé se dénuder, comme un bon petit reproducteur. Pénétrer Nashran comme un bon petit reproducteur. Laisser les machines investir et brutaliser son ami comme un bon petit reproducteur. Et être content de ce qu’il venait de faire comme un bon petit reproducteur. Seulement, Never n’était pas un bon petit reproducteur.
- Hey. Never… Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Je peux pas. Ca va… Ca va te faire mal. Je peux pas.
- Me faire mal ?
- Les machines.
- Ah… Tu crois ?
Il acquiesça silencieusement.
- D’accord. Je n’ai pas peur d’avoir mal, mais c’est plutôt rassurant que tu n’ais pas envie de me faire souffrir… Est-ce que tu crois que Johan va râler très fort si on doit réessayer plusieurs fois ?
- euh… non. Tant qu’ils ont ma semence au bout du compte, ils seront contents.
Nashran acquiesça et s’installa sous les machines, songeur. Il était à l’aise avec le sexe. Ogma n’avait pas réussi à lui prendre ça au moins… Never lui, n’était pas à l’aise et l’idée de le brusquer donnait envie de vomir au réceptacle.
- Qu’est-ce que tu aimes ? demanda soudain Nashran.
Never haussa un sourcil et finit par répondre d’un air sinistre :
- Le noir ? Etre tranquille chez moi ? Pas le sexe ?
- Et en matière de sexe ?
- Rien.
Nashran se figea, surprit par cette réponse abrupte.
- Rien ?
- Ouais, rien.
- Mais… est-ce que tu n’aimes pas… au moins, disons la fellation ?
Never haussa une épaule et se détourna un peu avant d’avouer :
- J’en sais rien. Ecoutes, on a pas eu la même éducation toi et moi.
- Comment ça ?
- Je… Je suis jamais allé dans l’une des zones où l’on attend une affectation.
- Mais, tout le monde va là-bas. C’est là qu’on grandit. Répondit Nashran troublé.
- Non, c’est là que la majorité grandisse mais… Quand on est un futur reproducteur avec un grand taux ou que l’on a quelque chose de très rare comme être mon fils par exemple, alors non. On grandit en zone de reproduction. On a des cours autour de tout ce qu’il faut savoir pour être un bon reproducteur et c’est tout. Faire une fellation, ça fait pas parti des plans et en recevoir non plus. On ne peut pas assez bien nettoyer une gorge…
Nashran resta silencieux, essayant de comprendre ce que ça impliquait réellement. Là où il avait grandi tout le monde avait une sexualité très libre et les orgies étaient monnaies courantes mais surtout, la majorité des personnes connaissaient le sexe anal des deux points de vues : aussi bien en étant pénétré qu’en pénétrant. Le reproducteur n’avait visiblement pas eu du tout accès à la même liberté de sexualité, un comble, pensa Nashran, vu que les zones de reproductions organisaient les plus grandes orgies qu’il n’avait jamais vu. Never passa une main dans ses cheveux et tira un peu dessus, comme pour se calmer avant de reprendre doucement.
- Je ne voulais pas que mes enfants aient ce genre de vie, j’aurais voulu qu’ils grandissent normalement, mais tous les vœux du monde ne peuvent pas changer certaines choses. J’ai juste pu aménager certaines choses pour qu’ils n’aient pas tout à fait la même vie que moi… et limiter la casse.
- D’accord… Je suis… Je suis désolé.
- Non. Je fais mes propres choix, tu n’es pas responsable. Et je vais y arriver… C’est juste… C’est juste compliqué.
Nashran resta un très long moment immobile avant de s’écrier soudainement :
- Mais ! Tu n’as jamais été pénétré alors ?
- Non.
- Ok. Faisons ça.
Le reproducteur l’observa un long moment sans comprendre.
- On reviendra demain pour inverser les rôles. Mais aujourd’hui… Je pourrais jouer au reproducteur et pour une fois, tu ne serais qu’un réceptacle. Juste un réceptacle. Les machines sont programmées, n’est-ce pas ?
- Euh… oui, je suppose.
- Du coup, tu pourrais tester. Enfin… C’est peut-être une mauvaise idée ?
- Non ! Non. Je… Je veux bien essayer ça.
Never l’observait, surprit. Personne ne lui avait jamais proposé une telle chose. Les réceptacles semblaient toujours le voir comme un immense pénis ambulant et ils n’auraient jamais reporté ou passé l’occasion de recevoir sa semence en eux, même sans ponction. Les autres reproducteurs le voyaient principalement comme un genre d’adversaire et ils n’avaient jamais été encouragés à être intimes entre eux même si un reproducteur aurait pu être en même temps un réceptacle. Ce n’était pas une pratique courante. Pire, elle pouvait même être tabou.
- Très bien… Donc, tu seras mon petit réceptacle pour aujourd’hui et je vais te faire l’amour.
Les joues de Never rosirent et ses paupières se baissèrent, cachant en parti son regard. Être le réceptacle de son ami… L’idée lui sembla horriblement décadente et tellement délicieuse à la fois. Néanmoins, il sentit son sexe s’éveiller vaguement entre ses jambes et ces mêmes jambes trembler légèrement, comme si elles étaient faites de cotons. Alors il leva les mains vers son pull pour le retirer doucement avec une timidité évidente. Presque aussitôt Nashran fut sur lui, saisissant ses poignets pour l’en empêcher.
- Non. Doucement. Plus doucement que ça. Embrasses-moi seulement.
Never rougit encore plus clairement cette fois-ci, et ni tenant plus, Nashran embrassa ses joues qui étaient étonnamment chaudes. La peau douce fut couverte de baisers. Et sans même le voir, ils se retrouvèrent à sourire l’un comme l’autre avant que Never ne bouge le visage pour venir chercher les lèvres de son ami. Le contact était soyeux, chaud et tout simplement délicieux. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas embrassé qui que ce soit et cela suffit à l’émoustiller un peu plus encore. Nashran revint sur sa bouche, la butinant, puis, d’une langue taquine, il vint caresser le coin de ses lèvres lui tirant un petit sursaut et un gémissement. Il l’embrassa encore et lécha le bas de sa lèvre supérieure jusqu’à ce qu’une langue timide vienne le rejoindre.
Sans que leurs corps ne se touchent davantage, les mains de Nashran simplement nouées aux poignets de Never, ils laissèrent leurs langues se caresser l’une l’autre, se racontant leurs envies et la tendresse qu’ils ressentaient l’un envers l’autre. Nashran fut le premier à reculer un peu, pour reprendre son souffle, avant de revenir l’embrasser en souriant. Never avait beau clamer qu’il n’aimait rien, c’était surtout un manque de connaissance se disait Nashran, car l’individu qu’il tenait contre lui semblait vraiment aimer ce premier contact.
Nashran lui embrassa la joue, lâcha ses poignets et vint lentement caresser ses flancs pour saisir le bas de son pull. Il tira doucement dessus et glissa ses doigts en-dessous. Never sursauta encore et haleta à ce simple contact. Les doigts étaient frais sur sa peau bouillante. Nashran flatta son flanc gentiment, sans chercher à aller plus loin. Au lieu de ça, il l’embrassa encore et encore jusqu’à ce que les doigts de Never se posent à leurs tours sur lui. Never était un peu plus grand que lui, mais pas de beaucoup, seulement, il était si délicat dans cette prise qu’il lui parut simplement fragile. Nashran lâcha sa bouche, recula un peu en souriant, pour observer son visage rougit par l’envie et son regard un peu perdu. Ce fut Never qui approcha pour saisir de nouveau sa bouche. Leurs lèvres s’embrassèrent les unes, les autres et bientôt, leurs doigts respectifs se firent caressant. Quand Never ferma un peu plus ses bras sur le corps de son ami, le serrant contre lui, Nashran alla se réfugier dans son cou qu’il embrassa avec la même tendresse.
Oh oui, pensa-t-il alors, ils allaient s’aimer.
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