- III - Retour partiel dans les ruines de nos vie (Une nuit de plus dans les gouttières d'Orléans)

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Le temps est aux nuages bas ; le soleil fait la gueule... Normal, moi je pue... Ventricule fécond qui bat pour un coup de bite... Et je me ramasse avec les poubelles sous la coupe de madame Cubi de Rosé... Dégringolade qu'il me faut maîtriser dans les grandes lignes ! Putain ! Il faut vraiment que je cesse ces enfantillages et ces soirées alcoolisées...

1999 ; la fin du monde approche ; c'est l'autre, là, qui l'a dit... Et moi qui continue à faire le con sans rien comprendre ! Je vais me faire couper les artères pour circuler dehors avec mon sang... Aérer les veines, aérer ma tête... Je pousse une dernière fois la porte. J'apparais en filigrane, dans le vide ancestral des contusions... Des confusions aussi...

Elle est là l'indicible misère, frappant du pied sur la moiteur vaseuse des ignorants fumeux... Je la ramasse à pleine bouche, je l'avale en douce et attend qu'elle fermente et me râpe l'œsophage... Et je me rends bien compte de l'absurdité des vivants... Des moqueurs avides et de leur salope de vie... Je veux fuir ce lieu ; mettre des milliards de kilomètres entre lui et ma face d'estropié... Je veux sentir pousser sur moi des écailles et des pierres aiguisées... Je prendrai soin des pustules qui voudront bien éclore sur ma peau... Mais lâcher le monde des maudits... Des artistes vitreux et sans talent... Des diseuses de rien et des faiseurs de merde... Je veux fuir !

Je tacherai de prendre par la main, l'instable sinueuse qui comprendra le sens de mes mots ; violera la racine de mes cheveux avec son rire... Mais un rire... Un vrai ; qui sorte de son corps comme un jet de sperme mal maîtrisé ! Un flux valeureux de chevaux morts... Hennissant ; bramant ; bêlant mais hurlant de joie morbide à la vue de mes fantasmes frelatés... Je veux de la vie ; bordel ! Ne plus cracher mes mauvaises littératures à la gueule des piliers de comptoir, jaunis par la médiocrité... Loin de moi l'atelier vicié qui nous servait de refuge nauséabond... Loin de moi la femme en noir qui me lacère les boyaux...

6 heures du mat... Je suis boursouflé ; gonflé du liquide vicieux qui me brûle encore la gorge. Plus rien ne bouge dans cette ville bourgeoise ; plus rien n'indique la vie... Les bonnes âmes dorment depuis longtemps ; les autres vomissent dans quelques rigoles poisseuses... Et j'erre dans cette cité à la recherche du mensonge qui m'envahit la tronche... Je bave certaines inepties le long des quais de la grosse Loire... J'essaie de réunir mes derniers fantômes ; volubiles sarcophages dans lesquels se noient mes chimères. Coincé au fond de mon ivresse, je cherche une rage ! Une bonne vieille rage de tordu ! De celle qui désengorge mon monde des faux-culs qui y traînent ! Chasser mes démons ! Faire vacciner mon corps et ma tête...

Elle était pourtant belle cette fête ! Cette putain de fête ! Ce vernissage anachronique ! Accrochés comme autant de totems sur les murs d'un caveau, les tableaux – souvent inachevés – de l'artiste crachaient joyeusement leur irrespect à la face du peuple... Et au fond... Tout au fond... Les affres torturées de mes mots résonnaient dans la cave noire de monde... Fiers de nous... Rassemblés en un seul corps, nos monstres souterrains pissaient des roses et souhaitaient disparaître dans le souffle blafard des cimetières suspendus... La lune nous était acquise et les maudits se mouchaient dans leurs mains ! Dernier sursaut de beauté avant chute de sens...

Je vais bouffer un poisson pour me calmer ; soulager mes pieds ; les traîner dans l'eau visqueuse et fangeuse... Mon cul sur un bout d'herbe pour nourrir les fourmis et me voilà dormeur du val... Mais mon trou rouge est dans le crâne... Lavasse morose... Boîte à rien jonglant avec des neurones déconnectés... Dors ; rêve ; meurs un peu, juste un peu... Le temps de voir si là-bas les dieux sont bien tous morts... Rongés par Cerbère et ses acolytes... Et retourne dans la grande vie pour farcir les dindes et chercher des œufs dans le jardin des faibles...

Il était 4 heures… Bien avant ça

« Les fûts sont vidés, les bières régurgitées ; les fous sont rentrés... Il est tard ; voyage gratuit au bout de cette nuit... La fête est bel et bien consommée... Nos monstres ont retrouvé le chemin de nos viscères et se glissent insidieusement dans nos graisses sirupeuses... Les êtres de plomb, peints sur les cartons vieillissants, ont trouvé preneurs... Mes textes sont oubliés mais l'odeur rance des murs du caveau est pleine de leur musique... Ça suinte de partout autour de nous... Les volutes de fumées acides emplissent l'air... Que faisons-nous assis sur le trottoir devant cet atelier d'artiste ? Pourquoi, soudain, les poubelles qui gisaient là comme autant de furoncles se sont-elles mises à voler en tous sens ? Quels sont ces cris qui jaillissent violemment sans se demander s'ils font mal ?

Traînant sur le bitume, nos visage sont sales ; perclus de rides qui se balancent à l'envers... Nos vieux nous assaillent plus vite ; plus laids... N. me regarde... C'est une femme ; un loup blessé... La fumée qui s'échappe d'entre ses lèvres ondule dans la lumière blafarde des halogènes ; et je détourne ma tête flétrie vers d'autres aventures... »

Je reprends le chemin de l'ailleurs ; irrésistible envie de calme et de volupté... Démarche mal assurée qui me mène au loin... Derrière la pisse et le crachât ; derrière moi, le soufre ! J'envie les barboteurs illusoires qui promènent leur indifférence dans les travées universelles de l'ennui... Je me mets à envier le prosaïsme du monde... Je chie sur l'odeur du vent ! Je vais chercher la vie ailleurs... Je vais m'oublier 5 minutes… Je vais craquer les artères lénifiantes et suturer mes souvenirs pusillanimes. J'affronterai dorénavant les évidences élitistes et la main jaune de Vincennes deviendra mon symbole maçonnique ; je serai la main, et je la mettrai dans la gueule de ce socialiste d'Harlem. C'était le sens de ma réminiscence adolescente… Il ne me reste plus qu'à vivre ; la route est longue, les démons sont toujours tapis autour de moi…

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