chapitre 22 : JESSICA ET JULIAN 2 JUILLET 2013
"L'amour est une catastrophe magnifique :
savoir que l'on fonce dans un mur et accélérer quand même"
Frédéric Beigbeder
— Bonjour ma chérie, bon anniversaire !
— Bonjour Julian, merci, c'est gentil. Encore un an de plus, cela ne s'arrête pas !
— Cela ne se voit pas, en tout cas. Je t'aime Jessi, je lui souffle à l'oreille tout en mordillant sa mâchoire. Il faut aller bosser ma belle, tu as signé un contrat je te signale.
— Je sais bien, j'y vais, mais j'ai encore un peu de temps devant moi, me dit-elle.
Nous occupons notre temps à essayer le lit dans toutes les positions possibles. C'est agréable de se réveiller ainsi, j'adore l'avoir dans mes bras pour débuter la journée, j'aime son parfum, j'aime son corps.
— Je vais prendre une douche, faut que j'aille bosser.
— Je profite de mon repos, ma belle !
— Je travaille et toi pas, tu vis à mes crochets ??? Me dit-elle en jouant avec les oreillers. Il va falloir que tu paies tes dettes !
— Pas de soucis, quand tu veux et autant de fois que tu veux. Je t'aime Jessica. Je l'ai reprise dans mes bras pour le lui dire et je l'embrasse chastement.
Cela me fait un bien fou d'être auprès d'elle, même si à chaque fois que je vois Thomas j'ai l'impression de le trahir. J'ai beau tourner cette situation dans tous les sens possibles, je ne vois pas comment je vais lui annoncer que j'aime sa fille.
Au petit déjeuner, nous sommes réunis à cinq, les enfants sont partis travailler.
— Je vous invite à dîner ce soir, pour l'anniversaire des kids, nous dit Thomas, Oliver nous a trouvé un bon resto français. Cela leur fera plaisir. Un grand merci, Oliver !
Ce dernier étant au téléphone, il me sourit.
— Bon idée, nous répondons en choeur.
— Je voudrais aussi leur faire une surprise vendredi soir, plusieurs de leurs amis viennent nous rejoindre pour le week-end.
— Les enfants viennent aussi ? Je le questionne, je sais que Stéphanie et Jessica ont une relation très particulière.
— Oui, ils viennent tous les quatre. Doro ne vient pas, ne vous inquiétez pas, ajoute Thomas.
— On n'a rien dit, mec... je lui dis avec un grand sourire.
— C'est justement le problème, c'est quand vous ne dites rien... mais promis, elle ne vient pas.
— Tu as prévu quelque chose pour leur anniversaire ? Interroge Hugo.
— Oui, je voulais vous en parler. Cela fait plusieurs mois que je travaille dessus, mais je veux que vous mettiez la touche finale.
Thomas se lève, prend un grand sac dans lequel se trouvent deux gros albums photos. Il les dépose sur la table et nous les feuilletons.
— Des mois ? Tu fais quoi ?
— Regardez, je veux aussi votre accord, il y a toute une partie de nos vies, de notre vie commune dans ces albums, alors si vous ne voulez pas qu'un texte ou qu'une photo soit dans cet album, vous le dites.
Nous ouvrons les albums et cela nous fait sourire. Un tas de photos de nous, des concerts, des setlists, des fêtes de famille, des textes, des anecdotes, des dessins que les enfants ont faits. Personnellement, je trouve cela génial, vraiment extraordinaire, Hugo et Hector aussi.
— Pourquoi tu n'as rien dit ? On t'aurait aidé ! Ajoute Hugo, c'est formidable, ils vont adorer.
— Extra, Thomas !
— Génial mec c'est....
Je n'arrive pas à terminer ma phrase. Je viens de tourner une page et une photo de Sarah et de moi s'y trouve. Je m'en souviens comme si c'était hier, c'est le jour où elle m'a demandé de m'occuper de son homme et de ses enfants. Tout le monde sait que je suis la grande gueule du groupe, mais malgré tout, à ce moment-précis, mes yeux sont humides et j'essuie une larme qui coule sur ma joue.
— Et Julian, ça va ? Me demande Thomas.
— Ça va, ne t'inquiète pas, mais... comme je ne continue pas, les guys s'interrompent et me regardent.
— Mais quoi ? ajoute Hugo
— Il y a quelques jours, Jessica me demandait de lui parler de sa maman, elle me dit toujours que tu as des difficultés à évoquer Sarah, et je te comprends. Alors je lui ai expliqué votre rencontre, le fait que tu m'as laissé tomber dans le hall pour aller la rejoindre, le fait que trois jours plus tard elle était dans ton lit, notre premier Noël, et je lui ai parlé de ce jour. Le jour ici où tu as pris la photo, je ne savais pas que tu avais pris des photos.
— Merci de lui parler de nous, je n'y arrive toujours pas et je ne sais pas si un jour j'y parviendrai. J'ai toujours ce vide en moi, mais je sais que toi tu as une mémoire d'éléphant, je sais que tu te souviens de ce jour, comme de beaucoup d'autres, mais ce jour-là, je sais que Sarah t'a dit quelques mots et je voudrais que tu les notes sous la photo. En fait, je souhaite que chacun d'entre vous prenne les albums et fasse des annotations. Thomas me tend un stylo en nous parlant.
— Je m'en souviens Thomas. Je me suis toujours dit que Sarah savait quelque chose que nous n'avions jamais su, j'ai toujours eu l'impression qu'elle savait que cela ne se déroulerai pas bien, pour elle, je veux dire.
— Tu veux bien noter tes souvenirs ? Je n'ai jamais su ce qu'elle t'a dit exactement. Elle n'a pas eu l'occasion de me le dire.
— Je m'en souviens Thomas.
Je prends le stylo et je commence à noter : "Je suis sérieuse, je veux que tu me promettes que quoi qu'il arrive, aujourd'hui, demain dans vingt ans, mon mec et mes enfants auront une personne sur laquelle ils peuvent compter et je veux que ce soit toi". Je dépose le stylo et tourne l'album vers Thomas. Il lit les quelques mots que j'ai inscrits.
— C'est cela qu'elle t'a dit ?
— Oui frangin, elle voulait que je prenne soin de vous trois, j'ajoute en prenant la main de Thomas dans la mienne. Il sourit faiblement et les larmes perlent à ses yeux. Hector le prend dans ses bras et l'embrasse dans les cheveux.
— Cela fait vingt-quatre ans aujourd'hui que l'on a connu cette merde, mais je suis persuadé que si nous n'avions pas connu cela, nous ne serions pas là où nous en sommes aujourd'hui. Nous ne serions pas ce que nous sommes, nous ne serions peut-être même pas assis ici. On ne doit avoir aucun remord, aucun regret, ce que nous avons fait dans le passé, ce que nous avons dit, cela nous a construit au fil du temps et cela a fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui, ajoute Hugo.
Et il a raison, le passé nous a façonné, nous sommes ce que nous sommes suite à ce que nous avons vécu, enduré, tout ce que nous avons traversé nous a fabriqué, petit à petit, pierre par pierre, pour former les hommes que nous sommes aujourd'hui.
— Je crois que l'on peut être fier du chemin que l'on a parcouru, et je ne parle pas de la musique, même si aujourd'hui notre nom a sa place à côté de celui de Bon Jovi ou des Rolling Stones. Non je me dis que je suis bien dans ma peau en tant qu'homme et Hugo a raison, on a traversé des tempêtes, mais on est toujours ensemble, unis et on peut compter les uns sur les autres et en nous voyant ici et maintenant assis autour de cette table, je sais que l'on a réussi notre vie d'homme, ajoute Hector.
Il termine en mettant sa main à plat au milieu de la table et nos quatre autres mains se rejoignent la sienne. Il a raison, on peut être fier du boulot de musicien que nous avons fait et aussi du boulot de papa que nous avons fait. Je n'ai pas d'enfant à moi, biologiquement parlant et Hugo non plus, mais malgré tout, nous avons été et nous sommes encore des papas formidables. La serveuse nous tire de nos réflexions en nous demandant si nous voulons encore du café...
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