Chapitre 29 : LE 1ER CONCERT SEUL - 1989
« Nous sommes comme des livres ! La plupart des gens ne voient que notre couverture…
Au mieux ils lisent notre résumé, ou bien se fient à la critique que d’autres en font.
Mais ce qui est certain, c’est que très peu d’entre eux connaissent vraiment notre histoire »
Woody Allen
Je suis content de notre premier concert, ce n'est ni une salle, ni un stade, nous ne sommes pas en première partie de Bon Jovi, mais nous avons fait du bon travail, et puis cela nous permet de répéter en vue de l'engagement suivant que nous avons avec Jon. Je veux que nous soyons à la hauteur, et pour cela nous devons répéter, encore et encore. Mais pour une première, ce n'est pas mal, pas mal du tout, même si j'avoue que j'ai dû m'y reprendre à trois fois pour pouvoir entamer "The Loved One". Je m'assieds au bar et je commande une eau gazeuse. Une petite brune vient s'asseoir à côté de moi, une femme plus âgée que nous, mais elle était au premier rang ce soir, alors je me dis que je dois répondre...
— Bonsoir, je me nomme Dalhia et toi ?
— Salut, moi c'est Thomas, enchanté, je lui réponds en prenant la main qu'elle me tend.
— Chouette concert, j'ai aimé !
— Cela fait plaisir à entendre, merci, on a fait ce que l'on a pu.
— C'était bien sympa. Vous faites des concerts privés ?
— On ne l'a jamais fait, mais c'est à étudier, je lui réponds.
— Que dirais-tu de commencer directement me dit-elle en me tendant une liasse de billets de cent dollars, tu me raccompagnes ? Ceci n'est que la moitié du gage.
— Pourquoi moi ?
— Pourquoi pas ? Jeune, bien roulé, belle gueule, je ne vois pas pourquoi je poserai la question à quelqu'un d'autre, me dit-elle en souriant et en mettant sa poitrine plus en avant.
C'est une belle femme, même si elle pourrait être ma mère. Je prends la liasse de billets et je la glisse dans mon pantalon en ajoutant :
— Pourquoi pas, mais j'ai une seule demande, avec préservatif et je vais les acheter moi-même.
— On y va, me dit-elle en se pendant à mon bras.
On sort du country club et sa limousine est garée juste devant l'entrée. En y entrant, je constate que la voiture est élégante, soignée, bien entretenue. Le chauffeur est discret, dès qu'il nous a fait entrer, il prend sa place et fait monter la vitre qui sépare son siège de l'habitacle. Il a l' habitude de ce genre de situation, c'est certain. Nous démarrons et nous nous arrêtons à la première pharmacie que nous trouvons. J'entre et j'achète deux boites de préservatifs. Je sais c'est présomptueux, mais bon on ne sait jamais. Cela fait des semaines que je n'ai pas fait l'amour. Sarah n'en n'était plus capable durant le dernier mois. Seigneur, il faut que je pense à autre chose, autrement, je n'y arriverai pas.
Nous sommes à peine en route que Dalhia se déshabille dans la voiture et se met à genoux sur mes jambes. C'est une belle femme, elle a de très belles formes, mais j'ai beaucoup de difficultés à m'intéresser à elle.
— Tu pourrais y mettre un peu du tien mon chou, me dit-elle.
— Je n'aime pas ce surnom, je m'appelle Thomas.
— Pour deux milles dollars, je peux t'appeler mon chou, tu ne penses pas ?
Putain, elle a raison. Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je n'ai jamais baisé pour de l'argent, ce n'est pas mon genre, je n'ai jamais abusé d'une fille, je n'ai jamais baisé pour du fric, merde ! Je me regarde dans le miroir du dossier et ce que je vois ne me plaît pas, pas du tout. J'ai une pouffiasse sur les genoux à moitié à poil qui est occupée à m'exciter. Je ferme les yeux, je me dégoûte et plus encore lorsque j'entends le bruit de ma fermeture éclair qu'elle descend. Quelques instants plus tard, elle m'a enfilé un préservatif et elle me chevauche. J'ai l'impression d'être un objet dont elle se sert. Cela me répugne. Même si je ne dis rien et que je la laisse faire, elle doit sentir que cela ne me plaît pas car elle ajoute :
— Dans quelques heures, tu seras chez toi, ne t'inquiètes pas, tes bourses seront vides et tes poches pleines de deux mille dollars de plus, alors pense à cela, mon chou.
J'ai fermé les yeux, je l'ai laissé faire, je l'ai fait jouir quelques fois et je me rends compte qu'elle est aussi malheureuse que moi. Nous rentrons dans une superbe demeure. Je ne visite que la chmabre à coucher, mais tout est décoré avec beaucoup de soins. Je ne pense pas qu'elle ait perdu son mari, car une photo d'elle et d'un homme se trouve sur la table de chevet, mais elle n'est pas heureuse, pas du tout. Son malheur ne se ressent pas comme le mien, mais nous nous sommes bien trouvés, deux âmes perdues au bord du chemin.
Je ne sais pas dire combien de fois Dahlia s'est mise sur moi, ce que je sais c'est qu'elle s'est enfin endormie et que je profite de ce moment pour prendre mes affaires. Je vais prendre une douche et quelques minutes plus tard, je ferme sa porte d'entrée. Je sors de sa propriété, je tourne à droite, je suis loin de chez moi, mais je vois un arrêt de bus. Ce dernier arrive quelques minutes plus tard, je serai chez moi dans une petite heure. Le soleil s'est levé, le ciel est bleu, une belle journée s'annonce. Je ferme les yeux, j'appuie ma tête contre le dossier du fauteuil et une fois de plus je laisse couler mes larmes. Je me dégoûte, je n'ai jamais baisé pour de l'argent, c'est la première fois que cela arrive. Bon Dieu, pourquoi j'ai fait cela ? Pourquoi ? Une petite voix dans ma tête me répond à ce moment-là: "pour le fric, mec, pour le fric, il y a plus difficile pour gagner sa vie".
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