Sauter. Plonger. Ce sera si simple. Si simple. Un pas en avant dans la vie, le premier dans l’Après. Oh que ce sera simple ! Lever le pied puis l’abaisser quelques centimètres plus loin, ceux qui seront de trop. Les pas sacrés de la liberté. L’air autour de mon corps gonflera mes vêtements ; que j’ai soigneusement choisis.

Je suis prête.

L’herbe autour de moi est d’un magnifique vert tendre, le soleil à l’horizon se couche avec somptuosité. Cela me rassure. Mais cette Faucheuse sous mes orteils nus m’effraie. La rivière noire m’invite telle une sirène charmant un homme pour le dévorer. Si sombre, si attirante, si effrayante…

Oh, que j’ai mal ! Je n’ai d’autre solution pour me libérer. Chacun à ce droit de décider de sa vie, je vais aujourd'hui l’exercer. Je décide aujourd'hui d’utiliser le point final.

J’écarte les bras, savourant le vent sur mon corps. Je me dresse sur la pointe des pieds, bascule la tête en arrière.

Je la sens, la liberté est là.

<< Angie ! >>

Oh, mais pourquoi est-il ici ? Comment a-t-il su ? S’il y a bien une personne qui ne devait pas intervenir c'est bien lui ! Oh pourquoi ?! Comment vais-je faire ?

<< Angie, s’il te plaît retourne-toi. Tu me fais peur. Je sais que tu aimes bien les sensations mais là quand-même… imagine tu tombes ! Alors retourne-toi s’il te plaît. >>

Je l’entendis approcher lentement. Ses mains frôlèrent mon dos, mes cheveux. Je me retournai en baissant les bras. Il était à quelques centimètres, je les voyais bien lui, ses cheveux bruns et ses yeux verts. Je ne sais ce qu’il vit sur mon visage mais son expression se modifiant, ses yeux se plissèrent légèrement.

<< Oh Angie… >> souffla-t-il en me serrant contre lui. << Je suis ton meilleur ami, je serai toujours là pour toi, tu le sais bien. Tu allais sauter n’est-ce pas ? >>

Je ne répondis pas, me cachant à son regard.

<< Tu allais sauter. >> Il me serra plus fort. << Tu allais sauter ! Putain Angie ! Dis quelque-chose ! >>

Je me libérai de ses bras ; il me laissa partir à contre-coeur. Je retournai au bord de la falaise, pensive. Que faire ? Sauter là comme ça maintenant ? Non après il s’en voudra toute sa vie. Alors que faire ? Sauter quand-même ? Reporter ? Meilleur ami, cela ne le suffit pas. J’en veux plus, il le sait. Puis même, ma famille n’a pas comprit que je ne suis pas assez forte. C’est trop dur pour moi. C’est la vie, les plus forts vivent, les plus faibles meurent. Je le sais, je l’accepte. Alors qu’il ne se mette pas sur mon chemin ! Une larme coula sur ma joie sans que je n’ai pu la retenir.

Il m’enlaça de nouveau sans que je ne l’ai entendu approcher. Il niche son visage dans mon cou.

<< À quoi penses-tu ? >> me demanda-t- il.

<< Je ne sais plus où j’en suis, Math.>>

<< Je… >>

<< Non ! Non ! Ne me dit pas une fois de plus que tu es mon meilleur ami et que tu seras toujours là pour moi ! Je ne veux pas de ça… >>

<< Mais qu’est-ce que tu veux Angie ?! Je ne comprends pas ! >>

<< Bien-sûr que si tu comprends ! Tu comprends mais tu ne veux pas le voir, tu ne veux pas me répondre. >>

Un autre silence suivit. J’attendais qu’il réponde, qu’il parte, qu’il réagisse. Puis je sentis ses lèvres bouger sur la peau de mon cou.

<< Oui… mais il me faut du temps, je… >>

<< Je veux que tu me le dises maintenant, Math. Maintenant ou jamais. >>

J’attendis qu’il me réponde, mais il n’en fit rien. Je m’agitai pour qu’il me lâche mais là aussi il n’en fit rien. Au contraire, il passa un bras sous le mien pour remonter sa main et la poser sur mon cou, m’empêchant de bouger et me retenant contre lui.

<< Non, je ne peux pas te lâcher. Sinon tu vas sauter. >>

<< Non. >>

<< Non ? >>

<< Non, je ne sauterai pas. Je rentrerai chez moi. Promis. Maintenant, lâche-moi s’il te plaît. >>

<< Au risque de me répéter, non. >>

<< Pourquoi ? >>

<< J’ai choisis. Je ne te lâcherai pas. Ensemble nous serons plus forts. >>