Pensées sur une corniche à Arcachon

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Soit un beau gosse et épouse une jolie nana.
Voilà l'idéal dans lequel j'ai toujours grandi. Comme si l'unique pensée du bonheur ne résidait que dans cette simple phrase. Pour autant...


Je les vois autour de moi ces jeunes adultes, ces oisillons trentenaires se tenir la main en se sussurant, je plussoie, pleins de belles choses. Ils narguent l'espace public avec leur beaux p'tits culs et leur dos parfaitement droit. Ils portent leur vêtements superbement repassés, leur longs manteaux de... Oh, ta gueule Fool Garden avec ton Lemon Tree mes couilles, j'essaie d'écrire figure toi !

Qu'est ce que j'étalais déjà ?

Ah ouais les connards que je jalouse, là, les premiers de la classe, les Monsieur et Madame tout le monde, les gens qui donnent l'impression d'avoir réussit leur vie...

Pour vous donner une idée du paradoxe qu'est ma personne, j'ai passé la journée à me plaindre de ne voir que des vieux sur la promenade au bord de l'océan. C'est vrai quoi, merde, j'ai bossé dans une EHPAD et une résidence autonomie, c'est pas pour me retrouver dans un cimetière à ciel ouvert à l'autre bout de la France quand je me prends quelques jours de repos. Je voulais de la vie quoi. Surtout que ces boiteux prenaient tous les bancs de la corniche.

Va lire sur le sable fin, tiens ! Avec le vent qui s'amuse à souffler dessus, croyez moi, c'est pas une partie de plaisir.

16h tapante. C'est là qu'ils ont commencé à pointer le bout de leur nez. Et de leur amour. Ce ne sont pas vraiment les vacances en cette période. Début Mars à part les retraités cités plus haut et les mouettes qui leur chient dessus, y a pas grand monde. Je ne me retrouvais donc pas avec les gueux de Villefranche sur Saone ou de n'importe quel petit patelin en France où les gens ne peuvent sortir de chez eux qu'une seule fois par an. Non. Je ne croisais que des jeunes qui mènent le train de vie de ceux qui logent au bord de l'océan. Vous voyez le tableau. La classe absolue du fric étalée sur toutes les facettes de leur physique. Le duo idolâtré par les connards qui font les pubs de TF1. Le genre de couple que nos parents regardent avec tendresse tout en se demandant ce que fiche leur progéniture qui, elle, se préoccupe plus de sa peur obsessionnel de l'existence.


Et alors ça pique. Déjà que j'ai eu la merveilleuse idée de partir en vacances seul (blague à part, c'est réellement bien de partir seul en vacances. N'écoutez pas vos parents qui trouvent ça chelou. Foncez !) mais il fallait en plus que je me tape la perfection du couple, l'idéal cité plus haut. Réussite financière : madame travaille dans une start up montante et monsieur est un jeune commercial qui a déjà détruit la santé psychologique de quelques stagiaires, z'ont le petit chien qui joue trop bien avec le bâton que pôpa envoie, se targuent d'avoir LA belle voiture familiale version Deutsche Qualitat, z'ont chacun un corps svelte mais sans trop être svelte non plus mais quand même bien assez svelte pour foutre les morts, se promènent avec un vélo électrique dernier cri qui provient du même concessionnaire que leur foutue bagnole et...aaaah ! J'aimerai presque être leur troisième roue du carrosse.

Mais je déteste cette image tout autant. Je la déteste parce que, foutre... Je n'y arrive pas. C'est comme si mon âme toute entière était révulsée par l'idée même du couple et qu'elle se battait sans cesse avec mon cœur pour avoir le dernier mot... Je les vois ces jolies femmes tout comme j'en ai aperçu des milliers auparavant. Elles lisent à l'ombre, assises sur une petite surface de pelouse à l'écart des autres au beau milieu d'un parc. Elles écoutent leur musique dans un bus le regard fixé sur l'extérieur tout en réfléchissant aux problèmes qu'elles subissent au quotidien. Elles boivent une bière seules ou entre ami(e)s à la terrasse d'un bar quelque part en France...

J'aimerai aller leur causer deux mots parfois. Non pas que je serai fier de les emmerder mais bordel que ce serait plaisant d'avoir le cran à certains moments. Vous vous demandez sans doute ce que je pourrai leur dire... Bah j'en sais rien justement. C'est ce que j'aimerai savoir figurez vous. Avoir cette facilité de dire des choses à n'importe qui. À ouvrir la conversation avec n'importe qu'elle personne parce que : ce n'importe qui m'intéresse.

Au delà de la femme, au delà du désir, au delà du corps, de votre regard, de votre posture... Je vous admire. Vous avez tous votre façon d'être, de marcher, de regarder les gens autour de vous, de vous renfermer sur vous même, de discuter, de vivre l'océan, de vivre la vue, de vivre le soleil, d'éviter les crottes de chien, de parler aux animaux, de donner à manger aux mouettes, de juger les sdf, de me juger moi,... C'est quand on vous regarde dans votre simplicité, dans votre solitude que vous êtes magnifiques. Les couples ne sont qu'une entité façonné par l'image qu'on se fait de l'amour. Chacun laisse tomber sa personnalité en plongeant d'dans, se supprimant l'un à l'autre pour n'être qu'une boule de mélasse romantique à deux balles...qui a quand même le mérite d'être sacrément mignonne.

Aaaah merde ! Ça me manque ! Voilà !

Mais à quoi bon, dès qu'une gonzesse me tape dans l'œil, je suis toujours le même cheminement : je lui parle, je m'attache à elle, j'écoute ce qu'elle attend du couple, en conséquence je prends la même posture qu'elle parce que ça m'évite de lui embrouiller le cerveau, je sors avec elle, ma véritable complexité reprend le dessus, ma vraie personnalité ressurgit, je me rend compte que tout ça n'est qu'illusion, je pète un câble et on rompt aussi douloureusement que si je m'étais pété le frein.

Je suis bien mieux seul en fin de compte. C'est pas comme si j'avais le choix. Faut que je me fasse à l'idée que l'amour, le cul, la vie à deux et toutes ces théories ne sont pas faites pour moi. Je finirai seul. L'amour me hait autant que je commence à le hair et...

- Excusez moi...?

Qu'est ce que quoi ça encore ?

Je me retourne. J'étais parti si loin dans mes pensées et la voix m'a tellement surpris que je bégaie dans mon mouvement de tête.

- Je vous regarde depuis tout à l'heure. Pardonnez moi mais, je... Vous écrivez ?

Elle est jolie.
Je pète discrètement.

- O...oui en effet...

Elle sourit.
J'essaie de l'imiter.

- Je me disais bien aussi. J'arrive à distinguer ceux qui envoient des messages de ceux qui écrivent.

Elle a un petit rire trop mignon.

Je la regarde un peu plus attentivement.

Son dos n'a jamais connu la moindre scoliose. Chez elle, l'expression être droit comme un I prend tout son sens.

Son jean clair cache un cul succulent. Je ne parle pas de son petit chemisier qui semble être allé faire un tour chez le meilleur pressing du coin. En fait si, j'en parle.

Dans la main elle tient un long manteau de...

Pardon. Je vais plus avoir le temps d'écrire là. Je vous laisse.

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