Alaska, 13 août 2019

Centre Secret de Surveillance Internationale

Aile des interrogatoires

Le trajet en jet avait épuisé Asta, et pourtant, sa satisfaction d’avoir récupéré et Célèm et Angus la revigorait plus que n’importe quelle sieste réparatrice ou jour de repos. Elle se sentirait pousser des ailes si, en tant que directrice du CSSI, elle n’était pas tenue d’isoler les deux personnes auxquelles elle tient plus que tout au monde dans des salles d’interrogatoire distinctes.

En effet, bien qu’elle était persuadée de la bonne foi d’Angus, qui était une victime au même titre qu’elle et Célèm, il en était de son devoir. Pour ce qui était de Célèm, cela lui fendait davantage encore le cœur. Sa fille, la chair de sa chair, réduite à l’état de simple androïde, sans émotions, sans besoins humains à satisfaire, incapable même de boire le moindre liquide ou d’ingurgiter la moindre nourriture sans risquer la mort à cause d’un bogue de son système !

Et tout cela, cette innommable ignominie, elle le lui devait à elle, Asta, sa mère, sous la pression  et la contrainte exercées par son horrible géniteur ! Depuis qu’elle avait recouvré la mémoire, elle savait qu’elle n’oublierait jamais la sensation du bistouri entre ses doigts, ni sa fille sanglée à une table d’opération sous ses yeux terrifiés, ni les sentiments contradictoires qui l’avaient secouée dans tous les sens telle une poupée de chiffon...

Des années, elle s’était considérée seule coupable du destin funeste de son unique enfant et de son amant. Si elle n’avait pas était aussi célèbre dans le domaine de la création d’androïdes, elle n’aurait jamais été repérée par ce despote tyrannique fou à lier et rien ne serait jamais arrivé, ni à elle-même, ni à Célèm, ni à Angus !

Désormais, elle savait qu’elle était une victime au même titre qu’Angus et Célèm, et que tout les autres, tellement nombreux…

Elle ne laissa rien paraitre du trouble qui s’était engouffré en elle et, pour se ressaisir, inspira longuement, bomba le torse et releva la tête en se morigénant : « Garde la tête haute en toute circonstance, Asta, tu es la créatrice et directrice du CSSI ! »

Elle lissa son chemisier, replaça une mèche de cheveux derrière son oreille droite, s’humecta les lèvres et se tourna vers l’agent en charge de la protéger.

— Matricule 682653, salle d’interrogatoire B. Je mène l’interrogatoire, n’intervenez pas sans ordre direct de ma part. Restez de l’autre côté de la glace sans teint, c’est bien compris ?

Sibérie, 11 août 2019

Laboratoire, premier sous-sol

Bureau de Vladimir

Vladimir exultait, malgré tous les efforts du traitre dont il ignorait encore l’existence pour saboter l'intégralité du Projet lune, il avait non seulement toujours droit de regard sur la programmation de la puce de Célèm, mais pouvait également la contrôler à distance et lui envoyer des ordres.

S’il la jouait assez finement, Célèm serait son espionne infiltrée sans qu’il n’est eu ne serait-ce qu’à lever le petit doigt. Quant à Aukje, elle restait son plan de secours dans l'hypothèse où il en viendrait à perdre son avantage sur ses ennemis et que Célèm était repérée. De plus, il était sorti grandement satisfait de la salle de torture. Il ne saurait même pas dire s’il avait préféré regarder ses hommes les violer et la brutaliser en groupe en riant et en l’insultant ou bien le faire lui-même. L’étroitesse de son sexe lui avait rappelé sa jeunesse et ses premières expériences. Sa posture résignée et inerte le contrariait, car il adorait que ses victimes se débattent et qu’ils doivent les corriger pour qu’elles se tiennent tranquille et le laisse agir selon sa volonté, et le faisait bander en même temps, car il avait tout pouvoir. Ses larmes scintillant sur ses joues étaient merveilleuses, et il avait encore parfois la sensation de leur goût salé sur la langue.

L’air distrait, avec un sourire et un clin d’œil moqueurs à Aukje, il se retira d’elle, las de l’avoir baisée une énième fois pour fermer le bal, observa avec fierté sa semence dégoulinant abondamment de cette pute incapable, et sortit, le bas du corps toujours nu, sous les félicitations de ses hommes, les tapes amicales dans le dos et les quolibets humiliants pour Aukje.

Sibérie, 15 août 2019

Quelque part au cœur de la forêt

Oleg prit une grande inspiration. Bon sang, il devait à tout prix réparer ses erreurs. Pour lui. Pour Célèm. Pour Angus. Pour Aukje. Pour Vsevolod.

Surtout pour Aukje, même si elle n’était en réalité pas au cœur de ses préoccupations : Vsevolod le haïrait s’il ne la sortait pas du mauvais pas dans lequel il l’avait fourrée. Tout cela, c’était à cause de lui. C’était un accident, certes, mais il était responsable de l’explosion de la lune !

Pourtant, son cœur et ses pensées dérivaient toujours vers son véritable amour, Célèm. Tout ce qu’il avait fait, c’était pour elle. Pour qu’ils puissent s’aimer librement et vivre heureux.