Part. 4 - Ma bagnole
Bon déjà j'ai pas gerbé. Je suis content parce que je déteste cette impression que je vais vomir mes viscères, qu'ils vont remonter dans ma gorge, ma bouche et dégouliner sur mes godasses. J'ai toujours la sensation que je vais mourir quand je dégueule.
Après, ça me ferait peut-être du bien quand même. Parce que là, j'avoue, je pense qu'on tambouille mon estomac avec une grande cuillère en bois. C'était bien de la merde ce whisky.
La nuit est calme donc. C'est un lieu bien élevé, lumières tamisées même à l'extérieur. La nuit est profonde. Pour un peu j'observerais le ciel mais je préfère ne pas trop bouger la tête pour le moment. Pour un peu je réfléchirais à ma vie mais fort heureusement je suis bourré.
Ma voiture est une vraie allumeuse, elle me fait des appels de phares au milieu du parking. C'est une Audi A3 noire. Magnifique. Toujours propre.
Oh ça va hein ! Vous croyez que je vous entends pas ? Et il s'emmerde pas le chômeur ! Et comment il peut se payer une caisse pareille ? Dans quel trafic il trempe ce type ?
Mon Audi, je l'ai payée cash il y a quelques années, en rigolant même. C'est un vestige, un souvenir, un petit piédestal duquel je ne veux pas descendre. Je n'en tire aucune fierté. C'est ma dernière bouée c'est tout. J'ai même pas envie de me justifier.
Pour le moment, j'écoute les clapotis dans mon ventre, les gargouillis, la houle visqueuse. Putain, pourvu que je ne gerbe pas dans ma bagnole !
Le volant est lisse sous mes doigts et le tableau de bord laqué miroite comme un lac gelé sous la lune. Je sais que dans une minute, elle va s'illuminer comme une putain de navette spatiale. Je sais qu'avec elle je vais décoller, enfin c'est une image, je suis pas saoul à ce point... quoique.
Et vous, la seule question valable que vous devriez vous poser si vous parveniez à dépasser vos à-priori, jugements à l'emporte-pièce et classifications à la con c'est : ce type est vraiment en état de conduire ?
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