25 décembre 2014, 12h.
Treize secondes.
Treize secondes d'inattention et je me retrouve dans la merde jusqu'au cou. Je vieillis.
Chez les humains, on dit que la sagesse vient avec l'âge. Cette règle ne doit pas s'appliquer aux Reptiliens... Mais au moins je pense avoir appris quelque chose des cinq derniers jours.
Après avoir accepté le contrat, je suis allée attendre Korsakov à la sortie de son travail. Il était tard, il n'y avait quasiment plus personne dans les rues. J'ai pris l'apparence de l'un de ses amis qui faisait à peu près ma taille pour pouvoir l'attirer sans problème dans une ruelle déserte. J'avais prévu de le déchiqueter à l'arrière d'une boucherie. Puis je me suis rappelée que mon père aussi avait fini en pièces détachées…Et j'ai compris ce qui me dérangeait vraiment dans cette histoire. Mes parents étaient eux aussi des Roméo et Juliette. D'après ce qu'on m'a dit, mon père était d'une caste très inférieure à celle de ma mère. On l'a exécuté pour haute trahison. Ma mère a été sauvée par sa haute naissance, mais moi je n'ai jamais trouvé ma place dans la société Reptilienne.
J’ai fuis ma cité souterraine et je suis partie vivre à la surface. Suffisamment loin des tropiques pour ne pas avoir à croiser mes semblables. Personne pour me faire payer ma différence… Et là quand je les vois, eux, j'ai envie que leur couple résiste à la pression sociale. J'ai envie de les voir réussir là où mes parents ont échoué.
Cette réflexion a duré treize secondes.
Treize secondes pendant lesquelles j'aurais dû détecter la présence des cinq Pléiadiens qui se sont soudain jetés sur moi.
En temps normal, j'aurais pu les semer sans trop de problèmes. En temps normal, avec mes sens surdéveloppés et la résistance de mes écailles, j'aurais pu rivaliser au corps à corps avec un Pléiadien. A condition d'avoir l'effet de surprise. Ce soir là, avec le froid et mon inattention, ce sont eux qui m'ont surprise.
J'ai réussi à arracher la gorge du premier avec mes dents mais les autres ont rapidement eu le dessus et m'ont laissée pour morte dans la neige tachée de sang. Un vrai carnage. J'étais à demi consciente et je n'avais plus qu'à attendre que le froid ait raison de ce qui me restait de vie.
C'est une odeur délicieuse qui m'a réveillée le lendemain matin. J'ai mis quelques secondes à comprendre que je me trouvais chez Korsakov. Et que j'avais mal partout. Absolument partout. Même respirer me faisait mal.
Korsakov s'est rapidement aperçu que j'avais repris conscience et a tout de suite appelé Palywenn. J'ai réalisé l'ampleur de la catastrophe. Je suis la seule Reptilienne au nord du trentième parallèle, elle sait que je suis une tueuse à gages. J'étais à la merci de ceux dont je prévoyais de détruire la vie quelques heures plus tôt. Pour la première fois de ma vie, j'ai éprouvé un sentiment proche de la peur.
Mais à ma grande surprise, ils n'ont pas cherché à se venger. Ni même à m'interroger sur mes employeurs. Ils m'ont soignée et nourrie de viande crue pendant les quatre jours suivants. J'ai vite récupéré : les Pléiadiens sont très doués pour concevoir des produits qui accélèrent la cicatrisation. Et aujourd'hui je suis complètement remise. Ils m'ont alors demandé combien on m'avait promis pour la tête de Korsakov. Puis ils m'en ont offert le double contre ma protection jusqu'à ce qu'ils aient quitté le pays. Les enfoirés ! Ils savent que j'ai une dette à vie envers eux.
En plus, puisqu'il paraît que c'est Noël, Palywenn a trouvé le moyen de s'introduire chez moi et de me rapporter mes armes fétiches… ainsi que ce journal.
Qu’est ce que je viens de faire de ma vie ?
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