11/ L'offrande

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 Dehors, les hommes et femmes à la peau cendrée dévisageaient Malgati et le vieux Roubõn, mené par la pointe de l'épée.

— Que se passe-t-il ? demanda un des enfants.

— Rien de grave, assura le doyen, affichant un sourire forcé et levant sa main pour influencer le gamin imprudent de sorte qu'il ne s'approche pas plus. Ne t'en fais pas pour moi. Je guide simplement ce monsieur pour son pèlerinage.

 Le garçon ne saisit pas l'avertissement dissimulé, au contraire de ses semblables plus âgés, qui observaient avec inquiétude le visage de fer impassible du démon à l'épée.

 L'ancien menait la marche. Malgati fut désireux de connaître précisément la destination. Son guide indiqua des instructions, sachant que le soldat ne pouvait les comprendre.

— Vous comprenez ? disait le vénérable. Il s'agit aussi bien d'un voyage physique que spirituel. Les portes vers les dieux ne s’ouvrent que si vous avez la foi.

— Ayez la foi alors.

— Oh, mais je l'ai ! Je suis certain que les dieux auront raison de vous. On évite de les déranger en règle générale, mais vos meurtres m'y contraignent.

— Parfait. C'était leur but.

 Ils traversèrent des terrains forestiers divers, avec des arbres trois à quatre fois plus hauts que ceux à côté du village du soldat. Celui-ci ne le remarqua pas, évidemment, mais Quinquati s'en serait émerveillé. De la mousse tapissant le sol aux fougères grimpantes en passant par les fruits recouverts de piquants, tout indiquait que ce lieu était bien différent des contrées explorées. Il faut dire que personne ne trouvait utile à s'aventurer dans ces directions où personne n'attendait pour faire du commerce.

 Après plus d'une heure de marche, Malgati relâcha sa vigilance, et finit par rengainer son arme, sachant que le vieux ne préparait pas de coups foireux.

 Le guide reconnut les conifères qui peuplaient ces lieux et ne put s'empêcher d'accélérer la cadence de ses pas, tant son excitation grandissait.

— C'est encore loin ? s'impatienta Malgati.

— Oh, non. J'avais omis un détail. Pour se rendre chez les dieux pour la première fois, il est nécessaire d'apporter un présent pour prouver ses intentions.

— Mes intentions sont de tuer ces enfoirés. Quel genre de présent dois-je offrir dans ces circonstances ?

— Ils ne vous apparaîtront que si vous déposez un objet de valeur sur un autel. Nous nous rendons chez Miasma. Elle nous fournira les artéfacts nécessaires.

— Tu me fais tourner en rond, vieillard.

— Je puis jurer que non.

 Quelques minutes supplémentaires furent nécessaires pour distinguer entre les troncs une grande bâtisse.

— Nous y sommes ! annonça le guide sans cacher son enthousiasme. Je reconnais sa demeure, toujours au même endroit.

 Cette phrase fit tilter le guerrier.

— Un instant ! Vous aviez dit avoir emménagé ici seulement quelques heures auparavant. Comment pouvez... ?

— Nous ne sommes plus au même endroit ! déclara le vieil homme. Nous avons traversé l'espace à travers ce chemin dimensionnel. Nous sommes à des lieux de votre monde.

— C'est cohérent, jugea le soldat perspicace.

 Ils entrèrent dans le grand bâtiment. Des écritures incompréhensibles et des armoires remplies de tout un tas d'objets recouvraient les murs de la demeure. Une femme, à la peau plus noire encore que les autres, assise derrière un comptoir, griffonnait sur une tablette de céramique. Des vêtements souples aux reflets d'argent recouvraient sa carrure imposante, des larges épaules jusqu'aux mollets gonflés.

— Miasma ! s'exclama le vieil homme.

— Ah, Roubõn, c'est toi ? Cela fait longtemps ! Que me vaut l'honneur de ta visite dans ce cas ? Je ne m'attendais pas à te voir de sitôt, et encore moins maintenant. Je croyais que tu t'étais installé à proximité du village des humains.

— C'est le cas. Celui-ci désire se rendre chez les dieux. Il a besoin de recevoir un de tes artéfacts.

 Roubõn avait appuyé étrangement sur ce dernier mot. Miasma en fut visiblement troublée.

— Oh, d'accord, fit-elle, tentant de paraître naturelle. Qu'il se serve.

— Ceux dont tu as besoin sont dans la pièce voisine, signala le guide en se tournant vers Malgati. Choisis-en un.

 Sans demander son reste, il rejoignit la salle indiquée. Il entendit derrière-lui Miasma s'agitant, chuchotant avec violence.

 La salle était remplie d'objets que Malgati comprenait mieux. Ils ressemblaient à des armes. La plupart archaïques, certaines époustouflantes de modernité, futuristes même. Le garde délaissa les arcs à la corde usée et les glaives rouillées pour se tourner vers un espadon coloré, coincé sous une vitre. Sa lame dépassait la taille des jambes du soldat, le manche étant paré de bijoux et d'émeraudes. Sachant par une sorte d'instinct qu'il ne devait pas y toucher, mais voulant tout de même s'en emparer, Malgati s'assura que personne ne le regardait. C'est ainsi qu'il surprit Miasma qui s'approchait de lui, deux haches dans les mains.

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