15/ Élites
Le soldat repéra au lointain plus d'hommes attendant dans les feuillages. Ils se déplaçaient d'arbres en arbres avec une facilité déconcertante. Impossible, donc, à contourner. Malgati serait obligé de subir davantage d'inconvenants. Ce qu'il ne remarqua pas, cependant, fut que ces hommes portaient des tuniques brodées, plus sombres que les chasubles de ceux qui lui tirait déjà dessus. Des motifs grisâtres et kakis, représentant des Esprits et des animaux, se tortillaient dessus. Lorsque les deux groupes se rejoignirent, un des hommes, aux longs cheveux blancs, s'avança.
— Que se passe-t-il ici ? demanda-t-il
— Ah, Jankürl ! s'exclama un des archers à la tenue alezan. Justement, nous avions besoin de vos conseils. Cet individu s'est introduit sur nos terres sans raison apparente. Voilà dix minutes qu'il reste insensible à nos coups.
— Vraiment ? Et pourquoi lui envoyez-vous tout votre stock de munitions ?
— Il a laissé derrière-lui les cadavres de Miasma et de Roubõn. Les traces de pas ne mentent pas. Et l'arme qu'il transporte avec lui non plus. Elle a été dérobée chez Miasma. Il est celui qui les a tués.
— Avez-vous essayé de parlementer avec lui ? s'assura Jankürl.
L'archer à la tenue de boue baissa le regard et crispa son visage.
— Alors ? Oui ou non Karkoff ? insista l'homme aux cheveux albâtre.
— À vrai dire... non, s'étrangla Karkoff.
— Mais c'est pas vrai ! Quelle idée vous a traversé la tête ? Vous êtes certains d'avoir suivi la même formation que nous ?
Jankürl jeta un regard à ses associés, qui acquiescèrent tous quant à l'incompétence du groupe qui leur faisait face.
— Nous avons jugé qu'il serait préférable de le prendre par surprise, admit Yassnä, une archère du côté de Karkoff.
— C'est la meilleure ! se moqua le leader des élites en haussant la voix, expulsant l'air à la fois de son ventre et de son coffre. Et quelle surprise ! Cela fait dix minutes qu'il est surpris, j'imagine.
— Pardonnez-nous, pria Karkoff en repliant son buste.
— Je ne peux que pardonner vos lacunes. On ne peut pas tous rejoindre l'élite. Mais tout de même. Nous avons perdu l'opportunité de nous présenter à lui amicalement. S'il est si puissant que vous le prétendez, cela coûtera sans doute très cher.
— Nous craignions qu'il n'en profite pour tuer l'ambassadeur que nous lui aurions présenté.
— Et puis on se dit qu'on a bien fait, appuya la même archère qui s'immisçait dans la conversation des chefs. Il n'est pas très amical. Il n'arrête pas de jurer depuis le début. Il a même insulté nos génitrices.
— Et de quoi, je vous prie ?
— De putes, Jankürl, précisa l'archère. De putes.
— Il ne s'en tirera pas comme ça ! s'indigna le supérieur à la longue chevelure.
— Quoi que, il avait pas tort pour celle de Londock ! plaisanta un de ses hommes.
— Je t'emmerde ! riposta Londock, de l'autre côté.
— Messieurs, cela suffit ! exigea Jankürl. Bien, préparez-vous à tirer ; je vais descendre lui parler.
— C'est de la folie ! protesta Karkoff.
— Si nous avons une chance de le raisonner, nous devons la saisir.
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