24/ Résurrection
La terreur naquit et prit possession des iris des archers. Ils le croyaient mort, mais voilà qu'il se relevait, effectuant même au passage une réplique qui se voulait comique. Mais qui était-il réellement pour oser plaisanter ainsi, encerclé par une trentaine de ses ennemis qui ne voulaient que sa mort ?
À vrai dire, Malgati n'était pas très fier de sa punch line. En effet, Roubõn lui avait fait la même quelques dizaines de minutes auparavant, et il n'avait pas trouvé ça drôle du tout. Malgati pria pour qu'ils ne se moquent pas de lui.
Mais étrangement, se phrase choc avait eu l'effet escompté et les serviteurs tremblaient des coudes aux genoux.
— C'est quoi ce délire ? angoissa Milœf
— Je le savais ! s'exclama Morlan. Il n'est pas qu'un simple humain !
— Bah alors, on perd ses moyens ? railla Yassnä.
Au début, Malgati lui-même ne comprenait pas. Que lui était-il arrivé ? Puis, il décida que cela n'avait pas d'importance. Il vivait encore, à quoi cela lui servirait-il de comprendre pourquoi ? Peut-être cela avait-il un rapport avec la grande soif qu'il avait ressenti pendant qu'il était au sol...
"On s'en fout."
Tout le monde – lui compris – l'ayant cru mort, il songea qu'il pouvait tirer un avantage de cette situation. Pas si bête !
Le soldat bascula légèrement sa tête en arrière pour symboliser sa confiance, son dédain et sa puissance. Ses muscles émergeants à travers sa tenue, il toisa les archers.
— Eh oui ! Rien ne peut me vaincre. Je suis invincible ! Maintenant, sachez que je ne vous veux pas de mal. Mon seul et unique but est de sauver mon ami.
— Vous allez tuer les dieux pour ça ! objecta Karkoff. Nous ne pouvons vous laisser agir !
— Cela vaut-il la peine de vous sacrifier inutilement ? demanda rhétoriquement Malgati, assez content de son idée. Non. Si je réussis, je vous offrirai prospérité, bien plus que vos dieux ne peuvent vous en donner à imaginer. Et si j'échoue, eh bien, rien ne changera pour vous.
Le guerrier contempla les regards perplexes qui se portaient sur lui. Il cacha son rictus.
— C'est de la trahison ! cria Durbann. Hors de question !
— Je ne vous demande pas de m'aider. Je ne veux pas non plus vous tuer. Je désire simplement que vous me laissiez tranquille, me permettant ainsi de vous épargner. Allez-vous-en et laissez-moi poursuivre mon périple qui ne vous concerne en rien.
— Tous sur lui ! aboya Durbann.
— On l'a tué une fois, on peut bien réussir une seconde fois ! ajouta Morlan.
— Vous êtes cons à point ? cingla Karkoff. Votre maîtrise de l'arc est-elle compensée par votre incapacité à réfléchir ? S'il est encore là, c'est qu'il n'est jamais mort. Donc pas de deuxième fois et... J'ai vraiment besoin d'expliquer ça ?
Durbann ignora les explications du chef et fondit sur Malgati, poignard en main. L'assailli n'eut le temps de réagir que Milœf se jeta sur le flanc de l'élite, les faisant rouler sur la terre.
— Abruti ! fulmina l'archer à la tunique brodée en se débattant. Laisse-moi m'en occuper ! Il faut en finir !
Il se dégagea de l'emprise du jeune archer et aurait couru vers Malgati si Karkoff n'avait pas prononcé ces paroles avec assurance :
— Il suffit ! Durbann, je suis désormais ton chef et tu me dois obéissance. L'attaquer signifierait notre perte, crois-moi. Si tu l'empêches de partir, je serai contraint de te tirer dessus !
— Fais ça et plus personne ne te suivra, "chef", cracha l'élite.
— Arrête, il a raison, le soutint Morlan. Je le crois, pour le coup, ce truc ne fera qu'une bouchée de nous.
— Toi aussi tu te dégonfles ? Tu me laisses seul ? C'est facile de fuir les responsabilités quand quelqu'un d'autre s'en occupe pour toi !
— Moi je fuis ? Et toi, froussard, t'as fait quoi exactement quand t'as déserté contre les Hib...
— Merde, vos gueules !! détonna Milœf. On s'est tous mis d'accord, arrêtez de vous disputer pour rien, putain !
— Wow, Milœf ! s'étonna Yassnä. Il t'arrive quoi ?
— Je ne supporte plus ces connards et leurs engueul...
Son poing projeté sur la joue de l'éphèbe, Durbann se jeta sur l'ennemi numéro un. Mais il en rencontra une toute autre version. Malgati était recouvert de son armure.
— Bah oui mon grand, j'ai eu le temps, vu comme vous parlez pour rien dire... Par contre, vous faites chier, mes sangles sont déchirées maintenant...
— Je vais te démolir ! brailla Durbann.
Malgati encaissa le coup peu malin du serviteur – qui avait visé une partie protégée – puis se saisit de l'espadon. Avant que l'archer n'attaque à nouveau en rectifiant son erreur, son buste se détacha du bas de son corps, offrant avec allégresse ses entrailles et recouvrant généreusement la lame de sang.
Des exclamations d'alarme et d'effroi grimpèrent dans les cieux, en même temps que les peureux, dans les arbres. Karkoff, assez téméraire, ne s'était pas réfugié.
— Je vous en prie, pardonnez-le ! Il était seul sur cette décision, ne prenez pas mes hommes avec lui !
— Hum... D'accord ! Contre de nouvelles sangles, je veux bien.
Le chef le remercia de sa clémence, mais ne put lui offrir de nouvelles lanières. Lui et quelques-uns de ses hommes s'efforcèrent tout de même de les réparer avec les moyens du bord.
Ayant pleinement profité des circonstances grâce à une ruse qui ne lui ressemblait pas, Malgati s'enfonça dans la forêt, suivant la flèche de sa boussole interdimensionnelle. Il avait récupéré son casque, son épée, son espadon... tout ! Tout, sauf un petit objet qui lui avait échappé et qu'il avait déjà oublié. Karkoff, après avoir enterré les défunts et soigné le blessé aux jambes, le remarqua en marchant dessus. L'objet s'écrasa sous sa semelle et des débris de verre furent projetés. Le nouveau et temporaire chef de la fine fleur des archers s'accroupit pour mieux observer. Cette fiole... Il la reconnaissait... Où l'avait-t-il vu ? ... Mais oui !
Sa voix puissante retentit dans les entrailles de la forêt.
— Changement de programme, personne ne rentre ! Poursuivez cet imposteur !
— Quoi ? demanda Yassnä à vingt mètres de lui. Qui ça ?
— Soucia. Soucia nous a dupé ! Il n'est pas immortel ! Allons l'achever !!
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