49/ La révélation
— C'était un plaisir de discuter, avoua Karathris. Je ne peux parler de cela avec personne.
— Y'a pas de quoi !
Quatre ralentit pour permettre à sa troupe de les rejoindre. Lorsque les dix-sept rebelles les rattrapèrent, l'un d'eux déclara :
— Deux d'entre nous sont partis.
— Comment ? s'offusqua la déesse.
— Pikila et un autre que je ne connais pas. Ils doutaient de notre réussite.
— En même temps, je peux les comprendre, concéda Londock. Vu le désastre de l'attaque du campement, je me demande comment nous percerons les défenses bien plus conséquentes des geôles invisibles.
— Un désastre ? fit Unio. Au contraire, nous étions une douzaine et avons mis en déroute quarante d'entre eux ! J'appelle ça un miracle !
— Sans notre arrivée ni celle de la déesse, appuya Londock, vous auriez perdu. D'ailleurs, il n'y a qu'un seul d'entre vous qui n'était pas blessé à la fin.
— N'ayez crainte, les réconforta Quatre. Nous n'aurons pas à abattre toutes leurs défenses, juste à nous introduire jusqu'au Porteur. De plus, j'ai pris une résolution. À compter de maintenant, j'abattrai toute chose suspecte susceptible d'abriter un Esprit avant de vous envoyer combattre. Je ne veux pas qu'une catastrophe telle que l'a subie, entre autres, Pikila se reproduise.
Soudain, Unio se rappela la promesse qu'il avait faite à l'adoratrice de Karathris. Puis, il réalisa qu'il ne connaissait pas son prénom. Il ne remarqua qu'au milieu de sa phrase qu'elle sonnait mal.
— Au fait, Réceptrice, dit-il. Il y avait... euh... quelqu'un... Une mourante, elle voulait que je vous transmette un message. Elle a dit qu'elle vous aime... Alors, voilà...
Quatre le remercia sans comprendre le sens de ce message, car tous ici semblaient l'aimer.
— Mais, j'ai une question, intervint Malgati, désormais au sol. Peu importe que tu ne sois pas une... Enfin je veux dire que t'es super balèze, quoi ! Tu pourrais tout raser toute seule sans soucis ! T'as pas besoin de nous en vrai.
— Oui tiens, c'est vrai ça ! ajouta Mastiff.
Quatre poussa un long soupir.
Était venu le moment où cette révélation devait être accomplie, devant tous, même si cela déconcerterait leurs croyances.
— Je ne suis pas invincible, commença-t-elle. C'est peut-être l'impression que je vous donne, mais je suis simplement un peu plus forte que vous.
— Réceptrice, pardonnez-moi, mais vous détruisez des mondes à mains nues !
— Écoutez bien, car ce que je m'apprête à vous dire, très peu le savent ; Si je suis capable de tant d'exploits, c'est grâce à l'un de mes pouvoirs. Il me permet tout bonnement de durcir une partie de mon corps, de la rendre presque invulnérable. Mais ce n'est qu'une partie, et tandis que l'une est protégée, l'autre est faible. Les endroits que je ne protège pas sont tout autant, si ce n'est plus, fragiles que vous. Alors, je suis peut-être capable d'affronter un géant, mais je serai perdue face à ne serait-ce que trois d'entre vous m'encerclant.
Les yeux, posés sur la déesse, étaient tous écarquillés au maximum. La consternation gagnait les serviteurs.
— Mais non, Réceptrice, vous êtes trop forte ! Ce n'est pas possible ! Trois misérables comme nous face à vous ? Vous plaisantez !
— Hélas non. Heureusement, j'ai avec moi Pollah et Laos. La surface que je peux fortifier grandit quand je suis fusionnée. Disons que, quand Karathris est seule, elle peut s'étendre de ses doigts à son coude. Là, elle irait jusqu'à son épaule.
Et encore, elle ne précisa pas qu'elle était réduite. Karathris et Pollah se sentaient terriblement affaiblies à cause de cette sphère de goudron qui les avait quasiment englouties.
Les regards grands ouverts s'abaissèrent. Tout un monde s'écroulait devant eux. Mais la déesse comptait bien transformer cette désillusion en motivation.
— Voilà donc pourquoi j'ai besoin de vous ! De vous tous !
— Nous vous servirons, Réceptrice ! Jusqu'au bout !
Une clameur s'éleva, un hymne à la Protectrice de la faune. Elle les laissa chanter et crier un temps.
— Nous nous approchons du prochain campement. Ses prisonniers seront les derniers que nous libérerons avant de sauver le Porteur. À présent, gardons le silence.
Quatre s'éloigna des dix-huit qui composaient son armée pour partir en éclaireur.
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