Le vaillant soldat voulut poursuivre le combat jusqu'au bout. Mais au cours de cette aventure, il avait appris ses limites. Plusieurs fois, il serait mort si de nombreux alliés ne lui étaient pas venus en aide. Il ne se souvenait déjà plus du nombre de soin que Karathris lui avait prodigué. Quand il regarda l'état de ses deux camarades restants, il comprit qu'il devait se montrer raisonnable. Alors il grimpa sur le dos de Perr, devenu immense. Mastiff et Sati suivirent. Ils s'envolèrent quelques instants avant que le golem rocheux ne puisse leur faire regretter d'être resté au sol.

 — Et nos archers ? demanda l'humain réfléchi, le visage de Londock dans son esprit.

 — Ils ont arrêtés de tirer il y a bien longtemps, expliqua Perr. L'ennemi est partout autour d'eux. Il ne nous reste plus qu'à espérer qu'il se soit montré indulgent avec eux...

 C'est alors que le corbeau hurla de douleur. Sa trajectoire se mit à osciller.

 — Ma patte ! cria-t-il en se débattant.

 Malgati s'agrippa aux plumes de Perr pour se pencher. C'est alors qu'il vit, accroché à ses pattes, un tas de poil en train de grimper. Le géant rocailleux avait propulsé Ba jusque sur les fuyards.

 — Vous vous en sortirez pas comme ça ! grogna l'ours.

 Il se hissa jusque sur le dos de Perr et planta ses griffes dessus pour gagner en stabilité. L'oiseau perdait en altitude. Des flèches ennemies tentaient également de l'atteindre.

 — Faites quelque chose ! paniqua Perr.

 Malgati se leva autant qu'il le pouvait, mais il se sentait tomber à chaque instant.

 — Ralentit aussi ! On peut rien faire à cette vitesse !

 — Et les flèches ? Je suis obligé !

 Perr ne parvenait pas à regagner en altitude et était donc à portée des projectiles. De plus il diminuerait sa vitesse, de plus il serait une cible facile. Pour permettre à Malgati de se débarrasser du changeforme, il cessa néanmoins de zigzaguer.

 Un sourire éclatant de folie se creusa sur le visage hirsute de l'homme-ours. Se servant de ses griffes comme ancrage, il s'approcha de l'humain qui l'avait fait courir toute la nuit. Malgati lui balança son espadon mais la peau dure de Ba encaissa le choc. Elle ne résista pas à la lame dorée, qui lui déchira un membre. Furieux, l'ours lacéra le bras de son opposant, le désarmant. L'arme du général tomba dans le vide.

 Mastiff et Sati vinrent alors en renfort. Le colosse blessé planta le bout de son épée dans l'abdomen de l'ursidé. Sati avait lâché la sienne avant de grimper sur Perr, mais cela ne l'empêcha nullement de frapper la gueule de Ba. L'ours tenta de la mordre. Il n'y parvint pas ; Malgati lui enfonça l'espadon dans l'épaule. Ba balaya l'humain en guise de réponse. Malgati se rattrapa comme il put, évitant la chute de justesse. Il se releva pour voir l'ours se jeter sur la cuisinière, lui griffant le torse. Mastiff donna un coup latéral qui déséquilibra l'ursidé. Une dernière entaille de la part du soldat eut raison de lui. Il glissa sur les plumes de Perr et alors qu'il s'apprêtait à chuter, il se raccrocha au mollet de Sati. Elle le suivit dans sa dégringolade. Ils disparurent entre les feuillages. Les deux corps s'écrasèrent sans un bruit.

 — Putain... Sati ! s'étrangla Malgati.

 Tant bien que mal, Perr, délivré du poids de l'ours, et d'un autre qu'il aurait préféré continuer à porter, reprit de l'altitude.