Le Silence du Bois

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Allongée sur le muret qui entoure la demeure de mes maitres, je patiente. Mes coussinets savourent la chaleur de la pierre, tandis que le soleil réchauffe mon pelage de son souffle délicat. Un ronronnement fait vibrer ma gorge. L’odeur de l’herbe fraichement coupée m’enroule de sa fraicheur d’été. La journée s’annonce bonne, merveilleuse même.

Je traine ma langue sur ma patte pour nettoyer un peu mon visage. « Il ne va pas tarder », me dis-je, tout en scrutant les bois avec une avidité fébrile.

Mais le temps passe et il n’est pas là. Le soleil va bientôt s’en retourner à son sommeil. Rox m’a abandonnée. Une boule entre peine et colère m’obstrue la gorge. Je veux qu’il apparaisse, qu’on parte ensemble comme prévu. Même pas besoin d’excuse, je le veux avec moi, c’est tout…

Soudain un coup de feu retentit. Je me redresse d’un bond. Mon cœur s’emballe. Un autre coup suit, puis encore une nuée d’autres. Je stoppe ma respiration, nauséeuse.

Les détonations se stoppent et sont remplacées par un calme de mort. Sa mort ?

Je descends de mon perchoir et lance un regard désespéré à travers le rideau vert de la forêt. À chaque seconde, je l’imagine émerger d’entre les troncs. À chaque brise, je pense apercevoir son pelage flamboyant. Mais il n’est pas là. Jamais.

« Il est peut-être blessé », pensé-je. Sans un regard en arrière, je pars à son secours.

Dans les bois, tout est plus humide. Les feuilles se collent entre mes griffes, le vent me glace le sang… Mais je continue. Pas de retour possible, pas sans lui.

Tout à coup, mes pattes sont ramenées les unes contre les autres, serrées douloureusement, et quittent le sol. Sous mes yeux, le monde se retourne. Les troncs d’arbres partent des coussins de feuilles pour monter s’enfoncer dans l’herbe tout là-haut. Je me débats, mais ça ne change rien. Ma tête se fait lourde et mes membres se font mous. Le tournis m’envahit. Je suis emprisonnée dans les airs.

Pas de signe du renard aux alentours, personne n’est là. Je suis seule. Combien de temps vais-je passer encore, avant de succomber ? Vais-je mourir ? A cette pensée, un frisson me parcourt et la boule reprend place dans ma gorge. Je ferme les yeux et je me laisse aller… Je m’enfouis dans un pelage touffu, de rouge et d’orange, si chaud... Je me sens en sécurité, je me sens aimée… Je suis prête à partir.

Soudain mon corps se soulève et mes pattes sont déliées. Un humain me recueille et, après m'avoir libérée des cordages, tapote ma tête avec affection.

- « hé là mon petit. T’as échappé belle ».

L’homme regarde mon médaillon et y lit mon adresse.

- « Je vais te ramener à tes maitres », souffle-t-il.

Je suis sauvée ! J’éprouve un amour vif plein de reconnaissance envers cet inconnu. Mon sauveur.
Toujours hébétée, mais heureuse, mes yeux tombent sur son sac.

Un pelage de la couleur du feu. Mon cœur se brise.

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