Le divin enfant

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Ces imposteurs ont failli tuer mon bébé. Mon petit bébé. Que j’ai attendu si longtemps, que j’ai tant mérité. Fausse couche, fécondation in vitro, avortement thérapeutique, césarienne, j’ai tout subi, tout enduré pour donner la vie. Et alors que mon fils adoré entamait sa sixième semaine sur terre, ils me l’ont presque tué. Rien qu’à l’écrire, j’en tremble, j’en pleure de peur, de rage, de haine. Me prendre mon enfant, mon chéri. Jamais. Pourquoi me le retirer ? Qui va l’aimer mieux que moi ? Qui se dévouera plus pour lui construire un avenir radieux, pour le protéger dans ce monde de fou ? Il n’y a pas une personne sur terre plus capable d’amener ce petit être vers le bonheur. J’ai déjà donné plus d’amour en six semaines que dans toute ma vie et le miracle se réalise : j’en ai encore d'avantage à offrir que jamais.

Comme il est mignon. Il dort comme un ange. Mon ange. Mon bel ange. Si vous n’avez pas d’enfant, je pense que vous ne pourrez pas comprendre ce que je vais vous confier. Avant mon fils, mon existence oscillait entre l'inutile et le futile. Très bon boulot, des amis, des activités, théâtre, cinéma, littérature, exposition, voyage. Quarante années remplies, sans un moment de répit, quarante années à courir, à chercher ce pourquoi je vivais. Quarante années pleines de vide. Jusqu’à ce que je rencontre Marco.

La vie réserve de telles surprises. J’ai porté le regard sur Marco, et le coup de foudre frappa, total et absolu. Et, j’ai presque honte de l’avouer tant cela sonne cliché, mais j’ai souhaité des enfants tout de suite. Je dis « presque honte », car sans Marco mon fils n’aurait pas vu le jour, alors vive les clichés. L’envie d’enfant me vrillait le cerveau, me serrait le cœur. Fille, garçon, peu importait. Mais plus que tout au monde, je désirai devenir mère.

Marco s’est rapidement révélé comme le dernier des connards. J’ai viré le crétin, mais l’envie d’être mère m’est restée chevillée au corps. J’avais craint qu’elle ne disparaisse. Au contraire, elle n’a cessé de grandir. Pourquoi ? Pourquoi veut-on un enfant ? Et pourquoi n’en veut-on pas ? Je ne saurais le décrire, mais je remercie ce con de Marco. Deux fois : d’être arrivé et d’être parti. Preuve qu’il ne servait à rien, il est sorti de mon existence sans que je tombe enceinte. Heureusement, en 2012, on pouvait faire un bébé toute seule. Ça m’a demandé cinq ans. Cinq à espérer, essayer encore et encore. Et enfin, j’ai accouché. De mon ange, de l’amour de ma vie.

Regardez-le. Il sourit. Je l’embrasse, le mange de baisers pour le réveiller. Nous avons des courses à faire. Nous sommes invités ce soir. Première sortie depuis la naissance. Je suis si fière, j’ai tellement hâte de le présenter. Mes parents, ma sœur et mes amis proches l’ont évidemment vu, mais depuis quatre semaines, je me suis totalement refermée. Juste mon fils et moi. Mon fils, moi et notre amour. Il m’aime déjà tant. Je le ressens. Et cette affection me porte, tout comme la dévotion que j’ai pour lui me soutient. Je suis la femme la plus heureuse du monde, je pense. Je ne sais combien de temps un bonheur aussi intense peut durer, mais aujourd’hui je ne souhaite pas me poser la question, simplement profiter.

Allez bébé, il faut mettre ta doudoune. Voilà, une manche, une autre. C’est parfait. Oh ! tu n’es même pas grognon de sortir de ta sieste. Tu es un amour. Oui, comme ça. Un gros bisou pour ton réveil. Et maintenant, dans le landau. Nous voilà prêts à partir.

Nous passons au centre commercial, je choisis des jus de fruits, un petit peu d’alcool parce qu’il faudra bien fêter ton arrivée. Je n’en boirai pas pour que mon lait reste le meilleur lait naturel qui soit, mais il faut penser aux autres.

Oh ! regarde-toi mon chéri, tu es si beau, si touchant, si vivant. Je ne sais pas ce que je deviendrais sans toi. Si on cherchait à t’enlever, à t’éloigner de moi, j’ignore jusqu’où je pourrai aller, quelles limites je me fixerais. Tiens, maman ajoute une bouteille de champagne, mais je ne te quitte pas des yeux. Maman sera toujours là pour toi mon amour, pour t’aimer et te protéger.

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– T’as vu maman, on dirait qu’il est mort le bébé.

– Annie, veux-tu bien t’excuser tout de suite !

– Mais regarde maman

– Oh ! mon Dieu.

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